Clara sembla effrayée par ces mots.
-Un message ?répéta-t-elle. Quel genre de message ?
Erwan échangea un regard gêné avec Thibault.
-Il...Il serait peut-être préférable que vous n'en sachiez pas la teneur, répondit-il prudemment.
-Est-ce grave ?s'alarma la jeune femme.
Erwan n'eut pas le temps de répondre : Thibault avait déjà menti.
-Non, rassurez-vous.
Le jeune homme lui adressa un sourire pour confirmer les propos de son ami, avant de jeter un coup d'œil à sa montre : il était déjà dix-neuf heures trente. Plus qu'une demi-heure avant que Joseph Doyen ne rentre. Il sentit la panique l'envahir.
-Si vous préférez...vous pouvez partir et je le lui transmettrai, suggéra Clara.
Un court instant, Erwan fut tenté d'accepter sa proposition. Lui donner la lettre et fuir. Comme ce serait simple...Mais bien vite, il se reprit. Non. Il n'avait pas fait tout ce chemin pour finalement esquiver celui qu'il était venu affronter.
-Nous avons parcouru un long chemin pour venir jusqu'ici. T a eu la même réaction que vous en apprenant que je comptais venir. Mais c'est le doyen de la faculté qui me l'a demandé.
Il vit les yeux de Clara s'agrandir de panique.
-Le doyen de la faculté ?répéta-t-elle, visiblement horrifiée. Mon dieu, c'est encore pire que ce que je craignais. Il ne va pas apprécier du tout...
-Calmez-vous, dit doucement Thibault.
Tandis que son ami tentait d'apaiser la jeune femme, Erwan décida de faire le tour de la maison pour se rasséréner lui-même. Son esprit commençait à se diviser en deux, comme cela lui arrivait souvent : une part de lui-même lui soufflait que c'était dangereux et qu'il devait fuir ; l'autre le sommait de rester et de faire face au tuteur.
Va-t'en, Erwan ! Sauve-toi d'ici avant qu'il ne soit trop tard !
Non, reste ! Tu dois lui faire face ! Tu dois aider T !
S'il reste et que Doyen le tue, il ne pourra plus l'aider.
Il ne le tuera pas. Il n'osera pas.
Il est capable de briser T et Clara. Pourquoi pas Erwan ?
Parce qu'Erwan est fort et qu'il aime réellement T.
Ça ne suffira pas. Va-t'en, Erwan !
Non, tu es fou, reste. Tu dois sauver T, ne l'oublie pas.
Erwan avait l'impression d'assister à un débat entre un ange et un démon. Tout en sachant que c'était mal, il choisit d'écouter le diable. T avait besoin de lui. Il irait jusqu'au bout. Les conséquences importaient peu.
Dix-neuf heures trente. Plus qu'une demi-heure. Plus le temps passait, plus il avait envie de partir en courant pour ne plus jamais revenir.
Ecoute ta peur, va-t'en !
Ecoute ton cœur et reste !
-Erwan ?
Il releva les yeux vers Clara.
-Oui ?
-Vous avez encore le temps de fuir. Partez, je vous en conjure.
Erwan reporta son attention sur Thibault.
-Elle a raison. Tu as vu ce qu'il lui fait subir. Il serait peut-être plus prudent de nous en aller...
Va-t'en !
Reste !
Va-t'en !
Reste !
-Erwan ?
Erwan secoua la tête.
-Non. Je ne partirai pas d'ici tant que je ne lui aurai pas remis la lettre en mains propres.
Il vit Clara et Thibault s'incliner, presque aussi effrayés l'un que l'autre.
Le temps s'écoulait. Et soudain, un bruit de moteur se fit entendre. Le crissement des roues sur les graviers. Le moteur qui se coupe. La portière qui s'ouvre, avant de claquer.
Et les pas sur les graviers, qui se rapprochent de la maison.