-Erwan. Asseyez-vous, je vous prie.
-Vous vouliez me voir, monsieur...
-Oui, en effet.
Erwan s'assit en face de lui. Ou plutôt en face de son bureau, puisque celui-ci se dressait entre eux.
Il regarda autour de lui. Il n'était encore jamais venu ici. La pièce était relativement claire, illuminée par deux larges fenêtres. Dans un coin, un porte-manteau auquel était accroché un pardessus beige, avec une mallette à son pied. Des étagères remplies de livres étaient disposées en angle contre le mur, de chaque côté de la pièce. C'était à peu près tout ce qu'il y avait.
Erwan reporta son attention sur le doyen.
-Je voulais vous parler de T.
A ces mots, il sursauta.
-De T ?
-Oui, de T.
Erwan se mit à paniquer. Savait-il quelque chose ? Etait-ce grave ?
-J'ai remarqué que vous étiez proche de lui. Vous êtes son ami, n'est-ce pas ?
-Oui, répondit Erwan en paniquant de plus en plus.
-Auriez-vous des informations supplémentaires ? Par rapport à son identité, par exemple, ou à sa maltraitance ?
Réfléchis, Erwan, réfléchis !
Que pouvait-il dire ? Que devait-il dire ? Pire : qu'avait-il le droit de dire ? S'il révélait ce qu'il savait et que cela se retournait contre T...Non, il n'osait pas même y songer.
-Non, monsieur, dit-il finalement en secouant la tête. Je sais qu'il est né sous X et qu'il est battu par son tuteur. C'est tout.
-Savez-vous pourquoi il le bat ?
-Non.
Non, il ne savait rien. Rien du tout.
-Et savez-vous pourquoi il ne vient plus à l'université ?
-Vous le savez aussi bien que moi, dit doucement Erwan. Son tuteur le maltraite plus que nécessaire. Il n'allait vraiment pas bien ces derniers temps et il avait besoin de repos.
-Oui, bien sûr. J'ai le nom de son tuteur. Et son adresse. Il faudra que je passe le voir et que j'essaie de régler cette histoire.
Erwan pâlit à ces mots.
-Je ne sais pas si c'est très prudent, monsieur...
-Pourquoi ?
-Son tuteur a vraiment l'air d'être dangereux. Si vous allez le voir, je crains qu'il ne s'en prenne davantage à T.
Le doyen demeura un moment silencieux.
-Vous avez raison...
Il semblait réfléchir à une solution. Erwan n'osait plus prendre la parole. Il commençait à redouter ses suggestions.
-Auriez-vous quelque chose à proposer ?
Erwan le regarda, stupéfait.
-Moi ?
Il vit le doyen sourire.
-Oui, vous.
-Pourquoi aurais-je une solution ?demanda le jeune homme, abasourdi.
-Parce que vous êtes son seul ami. Celui qui semble le mieux le connaître. Je l'ai observé. Avec vous, il semble plus sûr de lui. Plus à l'aise. Alors, je vous le demande, Erwan : avez-vous une solution à son problème ? Si vous n'en voyez pas, je vous en propose une.
-Je...
Il s'interrompit, les yeux écarquillés.
-Non, je n'en ai pas. Il est impossible d'arrêter son tuteur ou de s'opposer à lui.
-Dans ce cas, je vous propose ma solution.
Erwan le vit glisser une lettre vers lui. Il ne put s'empêcher de lire.
Commissariat de police de Dijon
Place Suquet
21000 DIJON
Objet : Dépôt de plainte pour maltraitance.
Monsieur l'officier de police,
J'ai l'honneur d'attirer votre attention sur la maltraitance de l'un de mes étudiants.
En conséquence, je porte plainte contre Mr Doyen, tuteur dudit étudiant, demeurant au 18 rue Aristide Briand à Chenôve.
Des personnes ont été témoins de cette violence, en l'occurrence, la totalité des élèves, enseignants et membres de l'Université de Bourgogne sise à l'Esplanade Erasme.
Je vous prie de recevoir, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.
Eric Langlois, doyen de l'université.