-J'ai réussi.
Erwan le regarda. Son visage abîmé était illuminé d'un large sourire.
-Réussi quoi ?
-J'ai réussi à lui tenir tête. A ne pas céder face à sa violence. Pour la première fois depuis que je suis avec lui, j'ai su lui résister.
Erwan se força à lui rendre son sourire. Intérieurement, il bouillait de rage contre Doyen.
-Félicitations, déclara-t-il.
Il vit le sourire de son ami s'effacer. Il n'avait pas dû se montrer suffisamment convaincant...
-N'es-tu pas content pour moi ?
-Si, bien sûr que si, s'empressa-t-il de répondre. J'ai juste envie d'étrangler Doyen en ce moment.
Le rire de T le rassura.
-Moi aussi ! Si tu veux, nous pourrons le faire ensemble.
Erwan joignit son rire au sien.
-Avec grand plaisir !
Dans les couloirs de la faculté, Erwan ne parvint pas à éviter les regards qui se posaient inévitablement sur T.
Cessez de le contempler comme s'il était une bête de foire !eut-il envie de crier.
Il garda sa réflexion pour lui.
Son portable vibra. Message de Thibault.
Thibault : Que lui est-il encore arrivé ?
Erwan grimaça en lisant le "encore" qui sonnait comme un jugement.
Erwan : Il a tenu tête à son tuteur et en a accepté les conséquences, voilà ce qui lui est arrivé. Cesse de te montrer blessant envers lui.
Nouvelle vibration.
Thibault : Etant donné ce qu'il a infligé aux autres, je ne peux que me montrer blessant. Ouvre les yeux, Erwan ! Il t'aveugle complètement.
Erwan : Il ne m'aveugle pas. Je suis libre de mes choix et j'ai choisi de rester avec lui.
Thibault : Eh bien, ton choix est stupide. Ne trouves-tu pas bizarre qu'il ait quitté toutes ses relations et que son tuteur ne cesse de s'en prendre à lui depuis que les deux mois se sont écoulés ? La fin de ses aventures amoureuses et la violence de son tuteur sont liées, Erwan. Je pensais que tu l'aurais compris depuis le temps...
Erwan serra les dents.
Erwan : Je l'avais compris, merci ! As-tu autre chose à me dire sur lui ou puis-je considérer que le "dossier T" est clos ?
Le message qui suivit était bien plus court.
Thibault : Je n'ai rien à te dire de plus, mais le dossier n'est pas clos pour autant.
Son amitié avec Thibault était en train de vraiment basculer. Plus le temps passait, plus son ami le mettait en garde. Erwan commençait à se sentir prisonnier d'un cercle de violence incessant. Mais Thibault ne lui disait rien qu'il ne sût déjà. Il savait que les relations de T ne duraient que deux mois. Il savait que la violence de Doyen avait un rapport avec ce laps de temps. En revanche, il ne savait pas pourquoi. Et c'est cette ignorance qui le montait contre son ami.
Tout le monde savait, mais personne ne lui disait rien. Tout le monde le prévenait d'un danger, mais personne ne lui en expliquait la nature. Et il était fatigué de chercher sans cesse une explication.
Le soir, lorsqu'il quitta l'université en compagnie de T, une voix les fit s'immobiliser.
-Alors, T ? Quand comptes-tu lui dire ce qu'il en est réellement ?
Ils firent volte-face en même temps.
-Pourquoi cherches-tu sans cesse à m'énerver, Loris ?
Erwan vit le sourire de Loris s'effacer brusquement et il frissonna. Son regard était menaçant.
-Parce que j'en ai assez qu'il ne se rende compte de rien. Montre-lui qui tu es. Enlève ton masque et fais-lui voir ton vrai visage.
Erwan compta. Durant cinq secondes, il y eut un profond silence, chargé d'électricité. Quand la cinquième seconde tinta dans son esprit, personne n'eut le temps de réagir.
T venait de se jeter sur Loris.