Le Temps du Bonheur 9

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     Dimitri referma la porte derrière lui en se fustigeant. Alors qu'il se mêlait aux invités, il se demandait ce qui lui avait pris ! Bien sûr cette enfant l'intriguait, depuis le premier jour. Pensif, le guerrier à la vie tumultueuse s'interrogeait, lui qui se plaisait autant en campagne dans la boue et le froid que dans son château à festoyer. Attaché au Duc par choix et non par obligation. Il menait la vie qui lui plaisait, de guerres en salons, de belles dames en servantes, plus libre que le vent, assez riche pour ne dépendre de personne et fuyant les belles à marier dont les yeux langoureux auraient bien aimées attirer dans leurs filets ce beau et indomptable chevalier.

Yumana, déjà un prénom étrange, sa beauté encore plus mystérieuse, la force qu'il sentait en elle, malgré son jeune âge. Tout en elle lui donnait envie de la connaître. Ses yeux songeurs la suivaient, tandis que la jeune fille intimidée marchait près de sa mère. Katarina pénétra d'un pas majestueux dans l'immense salon d'apparat aux boiseries dorées.

Soudain une voix féminine l'interpella et Dimitri tourna son regard vers la dame qui lui souriait avec aplomb. Bien pensa-t-il la traversée sera agréable!

     Son grand-père se tourna vers elles, leur faisant signe d'approcher. De sa voix autoritaire il présenta à ses hôtes sa fille et sa petite fille. Yumana lut de la surprise dans les regards qui se posaient sur elle, mais nul ne dit mot. Sa main aristocratique posée sur le poing du Duc sa mère gracieusement saluait les invités de son père. Yumana découvrit une nouvelle facette de sa mère ! Soudain, il lui sembla que Katarina sa douce et riante mère se transformait en une hautaine et insondable personne. A son tour Yumana salua les hôtes du Duc de sa plus jolie révérence. Venez mon enfant lui dit sa mère, heureuse elle se rapprocha d'elle, Katarina la présenta à plusieurs personnes qu'elle connaissait.

Tous accueillaient sa mère avec un grand sourire, semblant oublier les longues années d'absence et, lui signifiant ainsi que chacun l'acceptait. Yumana elle, suscitait de longs conciliabules et des regards méfiants. Katarina trop occupée à répondre à tous, semblait ignorer le malaise de sa fille.

Petit à petit elles furent séparées, Yumana se retrouva seule. Son regard perdu cherchait un visage amical, nul ne faisait attention à elle ! Frissonnante elle se dirigea vers la porte, bien décidée à retrouver le refuge de leur cabine. Dimitri la vit approcher et lut la détresse dans le regard brûlant. Vous vous sentez mal Demoiselle lui demanda-t-il :

-Oh s'il vous plaît Dimitri, pouvez-vous me raccompagner à ma cabine ?

- Oui Demoiselle, suivez-moi.

Rapidement Yumana franchit le pas de la porte et le suivit.

-Dimitri je vous en prie si mère demande après moi, dites-lui simplement que je ne suis pas bien.

-Bien sur Demoiselle, ne vous inquiétez pas, je ferai la commission.

-Merci Dimitri.

- Voilà nous sommes arrivés, entrez je vous prie.

Dimitri la salua et se retourna pour fermer la porte, Dimitri, attendez dit Yumana. Elle le retint par la manche et leva son regard étrange vers lui, le Chevalier sursauta quand leurs yeux se croisèrent, cette jeune fille est vraiment particulière pensa-t-il. Sa beauté ne correspondait à aucune autre, tout en elle dégageait une sensualité, une étrange puissance, un peu effrayante. Il secoua la tête et rompit le lien en baissant les yeux. Surprise, Yumana lâcha la manche de l'habit, marmonna une excuse et se réfugia près de la grande fenêtre dominant l'Océania. Silencieusement Dimitri ferma la porte. Il resta ainsi quelques minutes adossé à la porte, le cerveau en ébullition et le cœur battant.

Lentement, il retourna vers le grand salon, se demandant quel était cette étrange sensation qu'il ressentait. La jolie dame lui fit signe afin qu'il la rejoigne pour le dîner. Le sourire aux lèvres il s'assit près d'elle et leur tendre conversation repris, entre-coupée de rires légers, ce soir l'art de la séduction déroulait sa parade. Dimitri pensa un bref instant à la trop grande facilité avec laquelle il gagnait ces batailles qui n'étaient que des jeux, dont il commençait à se lasser. En lui l'appel de guerres plus dangereuses commençait à gronder.

La Duchesse Katarina se dirigea vers lui les sourcils froncés :

- Dimitri vous avez vu ma fille ?

-Oui votre Altesse, elle ne se sentait pas bien et m'a demandé de la conduire à vos appartements.

-Merci mon ami.

Katarina se dirigea vers son père et ses invités un sourire factice posé sur ses lèvres. Les yeux froids du Duc semblaient lire dans les siens, elle inclina légèrement la tête et reprit sa conversation avec le capitaine et quelques passagers l'entourant. Durant le dîner les discutions et les rires animèrent la vaste salle, chacun des convives s'essayant à distraire le Duc et sa fille, multipliant des phrases pleines d'interrogations, curieux de connaître l'histoire de la ravissante jeune femme et de sa sauvageonne de fille. De nombreuses rumeurs circulaient colportées par les domestiques et certaines passagères qui avaient là un sujet de conversation pour toute la traversée. Habilement, Katarina esquissait les questions et le Duc clouait le bec aux indiscrets avec des réponses évasives. La soirée s'éternisait et Katarina pensa soudainement à Yumana, se demandant si elle avait dîné elle aussi, discrètement elle fit signe à Dimitri qui dînait près de sa conquête, ce dernier lui sourit, un serviteur lui glissa alors un bristol sur lequel elle lui demandait de veiller à ce que sa fille ait une collation. De loin Dimitri acquiesça de la tête. S'excusant auprès de sa compagne, il se leva et appela un des serviteurs qui après l'avoir écouté disparu vers les cuisines.


Contes des temps d'avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant