Le Temps du Bonheur.

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     La nuit tombait sur Arembé, dans le berceau de bois précieux, Yumana dormait comme un ange. Ninazu et Ngai, assis sur la terrasse profitaient des embruns portés par la marée montante. Des vaisseaux chargés de marchandises attendaient au large, au matin les barques bleues entameraient leurs va et vient. Les entrepôts qui couraient sous les remparts seraient remplis à nouveau ! Les caravanes, alors entameraient leurs longs périples dans les terres. Arembé grouillerait de marins étrangers. Ellias aurait un grand sourire, et s'activerait de l'aube au soir !

La cité vivrait intensément ces journées de marchandages, de tractations, de rires et d'échanges.

Dans ce melting-pot, hélas, se glisseraient pour la première fois dans les royaumes protégés de KaMa, des forces maléfiques. Pour l'instant, tapies dans les soutes d'un navire à l'écart des autres, elles attendaient, rassemblant leur puissance démoniaque. Sur la hune un énorme rapace aux yeux de rubis guettait ! La démone, le regard fixé sur Arembé l'imprenable, rongeait son frein.

Il était là, elle le sentait, non mieux, elle le savait ! Demmé tenait sa vengeance, Ninazu lui appartenait et nulle autre femme, et surtout pas une vulgaire humaine n'avait de droits sur lui !

Sur la terrasse dominant l'Oceania, Ngai de KaMa regardait les lumières tremblantes des vaisseaux au loin. D'heure en heure, une angoisse diffuse montait en elle. Il se passait quelque chose et elle ignorait quoi ! Inquiète, elle dit à son époux :

-Ninazu, mon cher amour, il faut que je vous quitte pour quelques heures, j'ai un mauvais pressentiment ! Je dois tenter de comprendre. Son mari la connaissait trop bien pour prendre ces mots à la légère.

-Que crois-tu qu'il se passe ?

-Un grand malheur approche, je le sais.

Elle déposa un baiser sur sa joue et disparut. Il pouvait voir briller dans la nuit le feu follet de son esprit...

Ngai de KaMa flottait portée dans l'air. Son esprit entra dans la moindre parcelle de sa terre, même dans les minuscules grains de sable de la baie d'Arembe. A nouveau elle était KaMa, et les milliards de cellules qui formaient le tout de cette immense Terre, ne voyaient rien ! Si Ngai était sa terre, elle n'était pas l'Oceania, et le mal flottait, là en face d'elle sur l'Oceania. Elle rentra chez elle, la gorge serrée par l'angoisse. Dans la nuit calme, serrée contre son amour, elle attendait ...

Dès l'aube le port s'anima, les frêles barques entamèrent leurs allers retours. Ninazu et Ellias étaient déjà à pied d'œuvre. Le dieu déchu avait rechigné à quitter sa fille et sa femme. La crainte de Ngai était devenue la sienne. Il en parla à son ami et associé, aussitôt ce dernier prit des mesures, renforçant la garde sur les remparts et décidant de fouiller toutes les barques rentrant au port.

Toute la journée ils restèrent là, supervisant les fouilles, observant les marins étrangers. Au soir et par ordre du Wally les étrangers regagnèrent leur bords. Sur la tour qui dominait le port, un drôle d'oiseau surveillait la cité. Personne ne le remarqua ! Obscur et silencieux il épiait les deux hommes qui discutaient. Les rubis de ses yeux étincelèrent. Il était là, enfin ! Quand Ninazu et Ellias se séparèrent, le grand oiseau pris silencieusement son envol et le suivit.

Ngai attendait son époux, elle s'était angoissée toute la journée, elle serait dans ses bras Yumana, le minuscule bébé fixa son père et sourit ! Il serra ses amours sur son cœur. Enlacés ils entrèrent dans leur demeure. L'oiseau des ténèbres se posa sur la terrasse. Dans un battement d'ailes, la Démone apparut, sans un bruit elle se faufila dans la maison.

Ni Ngai de KaMa, ni Ninazu de Sumère ne la virent. La douceur de leur amour et de leur vie, avaient endormi leurs réflexes protecteurs. Le regard rouge qui les observait été plein d'une haine destructive...

Contes des temps d'avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant