Le temps du bonheur 6.

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   Le lendemain la maison bourdonnait comme une ruche, surveillée de près par Dimitri, nul ne lui adressant la parole, les yeux brûlants et les poings serrés de rage, elle regardait sa vie s'écrouler autour d'elle. Avec ordre et méthode son grand-père en une semaine nomma un régisseur, loua la maison du bonheur et fit faire leurs bagages. Il refusa qu'elle emporte tout souvenir. La jeune fille sans un pleur, vit s'éloigner tout ce qui avait fait sa vie et sa joie. Le regard fixe, sa mère dont elle serrait la main paraissait bien loin de toute réalité.

A train d'enfer, les chevaux les menèrent dans un port qui parut immense à Yumana. Distraite, elle regardait et écoutait : la foule, les cris, les bruits, le fracas des caisses, des chariots, les rires tonitruants des marins, les chants et les conversations dans des langages étranges où elle pouvait reconnaître l'anglais qu'elle parlait chez elle, le français, le swazi, le Lingala, le kamayan, le Castillan, le Tamazight et le Slave que son père et sa mère parlaient entre eux. Elle aimait ce tohu-bohu, son regard de feu brillait de plaisir malgré tout son chagrin. Seuls les yeux glacials de son grand-père l'empêchaient de courir se mêler à la foule, pour retrouver cette joie inhérente au pays de sa naissance.

Cet étranger qui était son parent direct, devait être très puissant car en un temps infime il dirigea, ordonna. Tout un chacun dans la ville se plia à ses ordres, ils embarquèrent sur un splendide vaisseau. Installées dans un bel appartement dominant l'Océania qu'elle découvrait, Yumana et sa mère voguèrent vers le pays de leurs origines.

Katarina n'avait plus dit un mot, depuis la venue de son père. Les yeux emplis de larmes, Yumana assise à ses pieds lui parlait doucement et essayait de faire renaître la vie dans ses yeux.

- Maman, maman s'il vous plaît parlez-moi, dites- moi que vous me reconnaissez, maman chérie, revenez, j'ai besoin de vous...

Le Grand-Duc son aïeul continuait à tout régenter ! Sa fille sans un mot obéissait, entrainant par là même Yumana à se plier à tout ordre. Personne n'osait leur adresser la parole sur le navire ; la gouvernante, Magda aidée de deux jeunes filles obéissait aux ordres de leur maître, le Duc. Seul Dimitri omniprésent semblait veiller sur elles mais sans un mot ni un regard, laissant ainsi la mère et la fille, isolées dans leur chagrin.

Avec toute la force qu'elle avait puisée dans l'enseignement de son père et l'amour qu'elle avait reçu, Yumana jour après jour s'employait à ramener l'esprit de sa mère près d'elle, sans cesse elle lui parlait, lui racontait et, comme son mari auparavant, essayait de faire naître un sourire. Katarina, du fond de sa peine entendait la voix de son enfant, elle la voyait et en elle voyait Estéban, son amour, son mari, tout son cœur et son être tendait à revenir près d'elle.

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Contes des temps d'avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant