Contes des temps d'avant

Le Temps du Bonheur 11

     Quand, libérée de ses obligations, Katarina entra dans la chambre prête à gronder l'enfant pour son incorrection, elle n'osa la réveiller. Sa fille dormait comme un ange, auréolée de sa chevelure et du sourire qui ne l'avait pas quitté.

Demain, demain, on parlera pensa-t-elle, laissons la se reposer, elle a l'air si bien, sans doute un rêve agréable. Elle referma la porte et s'installa dans le salon en pensant à la soirée passée. Elle avait pris plaisir à rencontrer du monde, à recevoir des nouvelles et à discuter, même si son père lui avait ordonné de ne jamais raconter sa malheureuse aventure. Mais, chagrinée, elle avait compris que son monde n'était pas en paix et que la désolation régnait. Elle crut même comprendre que les terres elles-mêmes se mouraient, Estéban disait-il la vérité quand il parlait de Mère Gaia ? Yumana était-elle la clef ?

Elle retint un sanglot, renier son bonheur perdu, l'amour partagé, des années de joies auprès des deux personnes qui comptaient le plus pour elle. Allait-elle devoir aussi renier son enfant, enfant d'une liaison interdite, une batarde à la peau de moricaude, disait le Duc. Elle ne ressemble à personne de notre sang disait-il, elle ne sera jamais reconnue par nos pairs. Comment la marier si ce n'est que grâce à une forte dote et à un nobliau qui l'emmènera le plus loin possible de chez moi. Si elle préfère le cloître ma foi, sa nature rebelle serait domptée.

Son père traçait le futur de Yumana sans aucune pitié et que pouvait faire Katarina ? Sous le joug du Duc qui ne lui pardonnerait jamais l'affront de sa fuite avec Estéban. Cet intriguant, cet aventurier qui l'avait détourné de ses obligations ! Des siens ! Pour l'obliger à vivre comme une sauvage dans ce pays perdu ! Les mots de son père résonnaient encore dans sa tête. Katarina ne se faisait pas d'illusion elle n'aurait d'autre choix que de plier. Voguant vers ses origines, elle imaginait déjà les dures réalités auxquelles elles seraient confrontées. Elle en tremblait pour Yumana. Comment sa fille allait-elle réagir ? Comment se plierait-elle aux ordres de ce grand-père qui l'avait déjà reniée. Il ne restait plus qu'à prier pour son enfant et prier ne suffirait pas!