Contes des temps d'avant

Le Temps du Bonheur...

               Ngai s'était retirée en elle-même. Laissant son enveloppe humaine, assise sous l'arbre à palabres. Son moi invisible s'imprégnait de KaMa. Sous les paupières closes, les yeux mouvants étaient vides...

      En recherchant la réponse à l' importante question de savoir, qui allait remplacer le vieux chef défunt ? Quelques particules d'elle-même, se concentraient sur l'étranger. Pour la première fois depuis qu'elle était devenue matière, elle se sentait perturbée ! Ce dieu déchu, venu d'au-delà les étoiles de KaMa, était beau, elle n'avait jamais croisé un humain qui lui ressemblait ! Sa beauté venait de son passé et était faite de son présent ! A ses yeux, même Esteban dont toutes les habitantes des  Terres étaient folles, ne lui arrivait pas à la cheville ! Sage et avisée, elle se doutait aussi que le fait qu'il eut été un dieu de Sumère, participait à son sentiment d'attirance ! Cette partie d'elle, se détachait du tout qu'elle formait. Petites cellules de réflexions indomptables ! Elles tournoyaient autour du dieu d'ailleurs, ressentant ce qu'il était, le parfum de ses cheveux, celui de sa peau, la couleur intense de son regard, les battements de son cœur. Elles réveillèrent des désirs jusqu'alors insoupçonnés. Ninazu !

Elle sentit que KaMa en elle parlait. Elle finit par écouter attentivement. Ce qu'elle entendit, la convainquît de ce qu'elle ressentait déjà. Sous l'arbre ancestral, lentement les particules de Ngai se regroupèrent. Comme avertis le peuple de Mwanza s'approchait. Ninazu suivit. Devant leurs yeux Ngai redevenait humaine. Une femme posa un carafon d'eau à ses pieds, quand ses yeux de biche s'ouvrirent enfin, elle but longuement. Un puissant silence planait sur la cité... Chacun était suspendu aux lèvres de Ngai de KaMa.

Elle chercha Ninazu du regard, et lui sourit en secret quand elle croisa ses yeux. Il frissonna, les yeux mouvants brillaient de mille étoiles. Sans vouloir oser l'imaginer, il rêva qu'elle éprouvait quelques  sentiments pour lui ! Il fut le premier à baisser son regard. Elle se redressa, étirant ses membres graciles et souples ; puis elle dévisagea le peuple attentif autour d'elle.

Elle nomma Youss, et il approcha, puis elle nomma Esteban et finalement Ninazu, qui sursauta de surprise. Ils rejoignirent le fils du Chef. Finalement de sa voix mélodieuse, elle s'adressa à eux :

-Peuple Massaye, Youss l'héritier, Esteban mon ami et chevalier et toi, Ninazu venu d'un autre Monde. Voici ma décision.

 Youss, le poids de tes devoirs est bien trop lourd pour ton jeune âge, même si je sais toute ta vaillance ! Le fait est que tu n'as pas été initié par ton père, qu'il repose en paix. Donc je charge Esteban ici présent de le faire, afin que tu deviennes un très grand roi, comme ton père et le père de ton père avant toi ! Mais comme le chevalier a beaucoup de charges, je nomme pour le suppléer dans sa tâche Ninazu, le dieu de Sumère, qui maintenant est un homme de la Terre !

Elle écarta ses bras, une lumière dorée l'entoura, puis se projeta sur l'assemblée. Des myriades de légers grains dorés se déposèrent sur l'assistance, les yeux clos ils reçurent les bienfaits qui en émanaient. Ninazu sentit un immense bonheur envahir son esprit et son âme. Puis la voix claire de Ngai de KaMa s'éleva en un chant d'une pureté unique ! Tous les yeux se fixèrent sur l'azur, ils leur semblaient voir dans les particules d'or, de minuscules papillons multicolores, qui s'envoler vers lui... La magie de Ngai de KaMa était toute puissante ! Elle marcha vers les trois hommes:

 A Youss elle remit le la sagaie de son initiation.

 A Esteban une lourde bourse.

 A Ninazu une pierre d'ambre, dans laquelle il put voir un minuscule papillon pourpre, figé. Puis, elle disparut...