Je marchais depuis près d'une heure dans le froid qui annonçait l'hiver, le menton enfoui dans une immense écharpe, les cheveux protégés par un gros bonnet, les mains enveloppées dans d'épais gants et fourrées dans mes poches.
J'arpentais les rues de Paris, bravant le froid et la peur, le vent mordant et les idées noires.
Je bifurquais au hasard, perdue, l'air hagard, le cœur saignant.
Je refoulais les larmes, de peur qu'elles ne se transforment en glaçon avant d'arriver à la commissure de mes lèvres gercées.
Je errais dans la capitale tandis ce qu'une tristesse bien connue se lovait confortablement au creux de ma poitrine. Elle semblait épier mes gestes tremblants, se réjouissant de ma faiblesse et de la culpabilité qui me ronge peu à peu.
Qu'aurais-je pu faire pour que ça se déroule autrement? Que donnerais-je pour me blottir à nouveau dans ses bras? Que ferais-je pour voir à nouveau briller la lueur d'amour au fond de ses prunelles brunes lorsqu'il me regardais?
Qu'ai-je encore fait?
Ces questions au milieu de tant d'autre rebondissaient douloureusement dans ma tête, bruyantes et insatiables de souffrance, résonnant de plus en plus fort au fil de mes supplications épuisées.
Mes pas me mènent dans une rue presque vide. Seule passante, une vieille dame promenant son chien, racontant ses épopées de jeunesse au clébard attentif.
J'ai un pincement au cœur. Moi aussi, je finirai probablement comme ça, sénile et seule au point d'expliquer mon malheur à un dalmatien aussi seul que moi.
Je m'arrête devant la vitrine d'un café, et observe une seconde le bonheur qui s'en échappe sous la forme d'un filet de fumée filant sous la porte en verre.
Je pose mes doigts gantés sur la vitre, spectatrice impuissante d'une joie qui était autrefois la mienne.
Je contemple un groupe d'ami qui s'esclaffe et s'offusque, qui vit. Une jeune fille regarde amoureusement un jeune brun qui, lui, fixe une blonde sur sa droite. Je ne peux m'empêcher de frissonner pour la brune qui ne peux se rendre à l'évidence malgré toutes les preuves qui sont devant elles, rendue aveugle par un espoir fou. Elle me fais penser à l'adolescente que j'étais, les mèches violettes parsemant sa chevelure en moins.
Mon regard dérive jusqu'à un couple qui s'embrasse sans pudeur, enflammé par le fait d'être ensemble, inconsciemment conscient de la tragédie qui arrivera lorsqu'ils se sépareront.
Je n'arrive pas à détacher les yeux des cheveux bruns du garçon, et de ses yeux qui dévorent la fille rousse en face de lui. Moi aussi j'ai été jeune. Moi aussi j'ai aimé comme ça.
Plus loin, une dame aux cheveux ternis par l'âge sourit tendrement à une fillette qui lui parle avec conviction, secouant ses petites couettes blondes lorsqu'elle hoche la tête, triturant l'ourlet de sa robe, cherchant parfois ses mots.
J'entends derrière moi le discours sans fin de la vieille dame et les exclamations du chien.
Mon souffle s'élève dans l'air froid sous la forme de millier de gouttelettes, déposant sa buée sur la vitre, la tachant comme ma tristesse au milieu de tout ce bonheur.
Je serre le poing, résolue à m'éloigner de cette vision aussi rassurante que cruelle. Mais un dernier détail retient mon attention.
Assis autour d'une table en liège, une femme est au bord des larmes, hurlant à s'en arracher les cordes vocales contre un homme avachi dans son siège, presque à l'aise, levant les mains en l'air avec malice, souriant à la jeune brune. Il ne semble pas se rendre compte du mal qu'il lui fait, de la culpabilité qui prend doucement sa place au creux de la poitrine de la brune, entité vivante et douloureuse, pour lui rappeler à chaque battement de cœur ce qu'elle aurait pu faire pour que leur couple reste beau et soudé.
L'air froid me gifle les joues, comme ses reproches ont giflé mon cœur. Je lutte contre moi-même pour ne pas pleurer, passant de la petite fille qui rit à la brune qui s'égosille, du regard amouraché du brun pour sa rousse à la fille aux mèches violettes.
Je retire mon gant de la vitre et m'éloigne. Le babillage de la vieille se fait de plus en plus faible au fil de mes pas.
Je marche encore et encore. Je ne sais toujours pas où aller.
Je tourne la tête. Un autre café, d'autre scènes de vies si proches et pourtant si éloignées...
Mes bottines crissent dans la neige immaculée.
Mon souffle fait de la buée dans l'air glacé.
Épuisée, je m'affale dans un banc bordant un parc enneigé. Je fixe le ciel gris. Je contemple son uniformité aussi complexe que simpliste, détaillant chacune des teintes et des volutes de nuages qui le compose.
Au loin, j'aperçois une jolie petite famille, un écureuil se cachant derrière les buissons, des sapins, deux enfants qui crient, et une étendue blanche.
Un homme s'assied à côté de moi et se tord les pouces, me regardant parfois à la dérivée, m'adressant quelques sourires gênés lorsqu'il croise mon regard, baissant la tête en rougissant lorsqu'il s'aperçoit que je le fixe. Il se racle la gorge et commence:
-Belle journée n'est ce pas?
Je m'arrache à la contemplation de son visage et répond, d'une voix rauque de tristesse.
-Oui, le ciel est d'une beauté étonnante aujourd'hui!
Il éclate de rire en regardant le gris ennuyant des nuages.
-Je suis très sérieuse, regardez toutes ces teintes qui le forme!
Je lui détails ainsi les différents gris qui composent la mer de nimbostratus. Bientôt, un rayon de soleil perce à travers les volutes des nuages, essayant de nous faire oublier le vent glacial. Il ressemble un peu à l'attention que me porte cet homme, régénératrice, bienfaitrice pour mon cœur en miette.
-C'est magnifique,
Souffle-t-il en me regardant.
-Mais pas autant que vous.
Il m'adresse un sourire charmeur.
Je reste méfiante. Ma culpabilité refait surface, doucereuse et perfide
Tu n'as pas perdu de temps dis moi! Tu flirt déjà avec un inconnu?
-Je... Je peux vous inviter à prendre un verre? Je connais un café dans le coin qui fait de très bon vin chaud.
Je suppose que tu vas accepter... Après tout, quel mal cela peut il bien te faire?
-Si vous voulez. Par contre je ne bois pas d'alcool, votre proposition fonctionne aussi pour un chocolat chaud?
Son visage s'illumine.
-Oui bien sûr!
Il me sourit et nous nous levons.
Ah bas c'est du joli! Tu mmpf mmmpf!!
Je muselle la petite voix dans mon esprit et accepte la bras qu'il me tend.
Après tout, quel mal cela peut bien me faire d'oublier l'instant d'une discussion, la tristesse qui me serre le cœur et m'étouffe? Même si cela va être dur, mieux vaut essayer.
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Concours de Noël 2016
Random/!\ INSCRIPTIONS CLOSES /!\ Concours d'écriture d'OS qui va se dérouler sur tout le mois de décembre, comme un calendrier de l'avent version écriture ;) A chaque jour un thème différent Chaque jour on poste les OS du jour ...