Concours de Noël 2016

Dokapim92

Il est là, assis sur un tas de sacs de grains, les pieds dans la boue, le fusil chargé appuyé contre son épaule, prêt à monter à l'assaut. Pourtant, tout est calme dans la tranchée. Quelques soldats en faction épient les lignes ennemies, qui jusque-là semblent paisibles.

Ses camarades se sont retirés, les uns pour dormir, les autres pour lire, jouer aux cartes ou réchauffer leurs membres gelés par un café brûlant. Mais lui ne les a pas rejoints. Il a besoin de se retrouver seul, un moment... Sur son genou, il appuie une petite feuille de papier. Ses doigts gourds tracent d'une écriture malhabile les mots qu'il peine à trouver. Car il ne faut pas la brusquer, sa chère épouse. Il faut lui faire croire que tout va bien, qu'il rentrera bientôt. Ses lèvres gercées murmurent qu'il sera chez lui pour Noël.

Ses yeux délavés, si clairs au milieu de ce visage noirci de crasse et de poudre, quittent un instant la lettre et se dirigent vers le ciel. Des nuages gris s'amoncellent dans le firmament depuis le matin. L'atmosphère s'est considérablement refroidie. Les oiseaux se sont tus depuis longtemps, le vent s'est éteint subitement. La nature entière est plongée dans un coma hivernal.

Mais soudain, quelque chose s'écrase sur sa joue. Quelque chose de froid, de mouillé. Quelque chose de doux. Une lueur d'espoir s'allume au fond des yeux du soldat. Un flocon. Le tout premier. Celui qui annonce Noël. Celui qui prédit peut-être leur retour dans leurs foyers. Un sourire renaît sur le visage fatigué de l'homme, tandis qu'il admire la danse aérienne de la poudre blanche. La neige tombe maintenant, tout doucement, recouvrant la tranchée morbide d'un linceul immaculé.

Alors le soldat retourne à sa lettre et, malgré les mitaines trouées qui ne les réchauffent plus, ses doigts écrivent, animés d'une joie fébrile :

« Ce soir, c'est la fête. On sait qu'on va bientôt rentrer chez nous : la première neige vient de

tomber. Elle annonce Noël... »