Hors compétition: Marhine

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1er décembre : Au détour d'un café

Il était 18h30, je sortais tout juste du travail et j'étais exténuée. Une fois le nez dehors, je levai le visage vers le ciel en maintenant bien mon écharpe contre mon cou. Une brise glaciale me caressa les joues alors que j'observais ce ciel si blanc malgré le fait qu'il ferait nuit dans peu de temps. Il allait bientôt neiger, j'en étais certaine. Je rabaissai la tête vers le sol et plongeai mes mains dans mes poches. Il faisait un froid de canard. Les rues avaient déjà revêtue leurs décorations de Noël prodiguant à la ville un air festif et chaleureux. Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire. De l'autre côte de la rue, il y avait un café duquel s'échappait un succulent parfum de caféine et de chocolat chaud qui me mit l'eau à la bouche. J'étais seule, personne ne m'attendait à la maison, m'offrir un moment de détente ne me ferait pas de mal. Je traversai la rue et entrai dans le café. Aussitôt, la chaleur ambiante me réchauffa et les divers fumets des boissons emplirent mes narines. J'adorais ces odeurs. Dans un coin de la salle, un vrai sapin était déjà décoré.

_ Bonsoir mademoiselle, vous désirez une table ? Me demanda gentiment une serveuse.

J'acquiesçai en souriant et elle me conduisit devant une petite table pour deux que je serais malheureusement la seule à occuper. La serveuse me tendit la carte et s'en alla le temps de me laisser choisir. Désireuse de profiter du moment et de prendre mon temps, je laissai mon regard flâner tout autour de la salle et e savourer le bon goût. Les lieux étaient très rustiques. Des poutres de bois étaient apparentes ici et là et les murs étaient crépis, le tout éclairé par des lumières tamisées et une immense cheminée d'angle. Tout ce que j'aimais. Enfin, je me décidai à jeter un coup d'œil à la carte. En plus des boissons habituelles, il y avait des éditions spéciales Noël bien que ce dernier n'arriverai que dans trois semaines. Je jetai mon dévolu sur une sorte de latte au sirop de citrouille, je n'en avais jamais goûté et il était grand temps de remédier à cela.

Quelques minutes plus tard, la serveuse m'apporta ma commande accompagnée de petits gâteaux et me souhaita un bon appétit avant de repartir. Posant les mains sur les bords de ma tasse fumante, j'en savourai la chaleur et en humai le délicieux parfum en fermant les yeux.

_ C'est la première fois que vous y goûtez ? Me demanda une voix sur ma droite.

Surprise je me redressai légèrement, comme prise en flagrant délit d'une quelconque bêtise, et regardai dans la direction de la voix. C'était un homme d'environ mon âge.

_ Pardon ? Dis-je, n'ayant pas réussi à comprendre ce qu'il venait de me dire.

_ Le latte à la citrouille, c'est la première fois que vous le goûtez ? Répéta-t-il, un sourire chaleureux collé au visage.

_ Oui, comment le savez-vous ?

Il haussa les épaules.

_ Je ne le savais pas. Je n'y ai jamais goûté et j'ai supposé que vous aussi. Et que vous auriez la gentillesse de me donner votre avis sur ce café.

J'esquissai un léger sourire. C'était la première fois qu'on m'abordait de la sorte.

_ Je n'ai pas encore goûté, lui avouai-je.

_ Faites-le et dîtes moi ce que vous en pensez, me poussa-t-il gentiment.

Étrangement, je me sentais comme une petite fille face à lui. Une petite fille timide et fébrile à l'idée qu'il me regarde boire. Et si le stress m'en faisait renverser à côté ? Il rirait de moi à coup sûr. Devant mon hésitation, il haussa les sourcils et ses yeux d'un gris tumultueux s'accrochèrent aux miens. Soudain, il sourit d'un air espiègle, leva une main d'un geste théâtrale et se cacha les yeux avec.

_ Allez-y, je ne vous regarde pas.

Amusée et rassurée, j'en profitai pour boire une petite gorgée du fameux latte. Les doigts devant ses yeux s'écartèrent légèrement pour qu'il puisse espionner.

_ Vous trichez, le sermonnai-je gentiment.

Il enleva sa main.

_ J'avoue, vous m'avez démasqué.

Je ris doucement et je le vis sourire sans me lâcher des yeux.

_ Alors, vous en pensez quoi ? Me redemanda-t-il.

_ C'est très bon, je vous le conseille, répondis-je.

Je souriais comme une imbécile. Je n'aimais pas sourire comme une imbécile devant un homme. Ça revenait à me coller un écriteau sur le front qui dirait « Coucou, regardez-moi ! Je suis célibataire, j'ai besoin de vous ! » et je détestais avoir l'air aussi désespérée. Cependant, mon grand sourire désespéré ne semblait pas déranger l'homme à côté de moi.

_ Qu'est ce que vous faites dans la vie ? Me demanda-t-il ensuite.

_ Je travaille dans la librairie, juste en face de chez vous, lui appris-je. Et vous ?

_ Je tiens ce café, m'annonça-t-il un grand sourire aux lèvres.

Je haussai les sourcils, faussement choquée.

_ Vous vous êtes servi de moi pour savoir ce que les gens pensaient de vos boissons, vous devriez avoir honte !

Mais je ne pus me retenir de sourire bien longtemps devant cet homme à l'air si espiègle et chaleureux, et aux yeux d'une couleur indéfinissable.

_ Non, je voulais seulement votre avis, répondit-il sincèrement me faisant à peine rougir.

_ Pourquoi donc ?

_ Tenter de savoir s'il y a une chance que je vous revois ici.

Pour tout vous dire, bien souvent, lorsqu'on m'abordait dans la rue c'était à grands coups de « eh t'es bien bonne ! » pour les pires et de « Je vous trouve jolie, vous me donneriez votre numéro ? » pour les hommes trop direct et sûrs d'eux. Je détestais ce genre d'homme. J'étais sensible. J'étais timide. Je voulais du romantisme et des sourires. Je voulais un peu de douceur dans ce monde de brute. Je voulais ces yeux si étrangement gris qui me dévoraient chaleureusement et qui visiblement semblaient attendre une réponse de ma part. Je fis semblant de réfléchir tout en goûtant une autre gorgée de latte, comme si le goût du café allait décider de si oui ou non j'allais revenir.

_ Je pense que ce latte mérite bien que je revienne, déclarai-je en souriant doucement.

L'homme à côté de moi sourit avant de me prendre la tasse des mains sans me lâcher les yeux. Il porta la tasse à ses lèvres et y goûta avant de la reposer sur ma table. Quant à moi, j'étais beaucoup trop obnubilée par ce qu'il venait de faire pour pouvoir dire quoi que ce soit.

_ La prochaine fois, votre latte sera encore meilleur, je vous le ferai moi-même, me promit-il.

Je me retins de reprendre ma tasse et de boire derrière lui comme une affamée, mais ce n'était sûrement pas l'envie qui m'en manquait. Seulement parfois, il fallait savoir rester civilisée pour le bien de tous. L'homme regarda sa montre, grimaça légèrement et reposa son regard sur moi.

_ Je vais devoir vous laisser, ma pause vient de prendre fin, sourit-il comme une excuse.

Je lui rendis son sourire.

_ Bon courage à vous, je vais continuer à me détendre ici pour nous deux.

Il rit doucement.

_ A demain j'espère, dit-il avant de retourner vers le comptoir.

Je n'eus pas le temps de répondre qu'il était déjà parti. Alors, comme une petit fille, je finis de boire mon latte tout en l'observant travailler du coin de l'œil. Gravant ses gestes et les traits de son visage dans ma mémoire. Bien sûr que je serai là demain, je voulais goûter ce latte à la citrouille préparé par ses soins et me plonger dans son regard pour ne plus jamais m'en défaire.

Concours de Noël 2016Where stories live. Discover now