Volta-Os/Travalia

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1 décembre 2016

Au détour d'un café

Les premiers flocons de l'hiver s'abattaient avec douceur sur la ville endormie. Je me rappelais alors quand petite je jouais dans la neige, avec mes parents, mais le temps est passé, car à la mort de mon père, ma mère avait quitté la maison, me laissant seule, à 10 ans chez les parents de mon père. Je n'avais plus aucunes nouvelles d'elle à part qu'elle avait épousé un autre homme et fondé une nouvelle famille avec lui, elle avait eu un enfant la même année de sa disparition. Son nom? Je ne sais pas...son prénom? Encore moins. Elle avait certainement jamais évoqué mon existence à sa chère et tendre nouvelle famille. Elle m'avait oubliée, et à vrai dire moi aussi j'avais tourné la page point à la ligne.

Je me maudis intérieurement d'avoir eu la merveilleuse idée de prendre ses satanés talons qui me compressaient les orteils. Je marchais d'une foulée rapide et assurée, comme à mon habitude. Je savais où j'allais, ce que je devais faire, toute ma journée était ordonnée heure par heure. Je devais tout d'abord prendre un café, puis me diriger vers mon entreprise, puis j'enchainais rendez-vous sur rendez-vous jusqu'à ma pause déjeuner. Puis je devais rédiger un rapport sur le meeting de jeudi prochain, enfin je rentrerais chez moi en faisant un détour chez le tailleur. J'aperçus au loin le café, accélérais le pas.

- Bonjour! dis-je en entrant dans le lieu.

- Hey Nancy! Comme d'hab?

- Tu as tout compris.

Elle me tendit un grand café supplément crème fouettée. Elle me sourit, je le lui rendis. Je me retournais pour me diriger vers la sortie mais un grand type me percuta et tout mon café bouillant se déversa sur ma chemise blanche. Je frémis au contact du liquide brun sur ma peau. Je relevai la tête, un jeune homme se tenait devant moi. Il avait le teint halé et les cheveux aussi sombres que les miens. Il fit une petite moue en apercevant la tâche brune sur ma poitrine. Il me fixa d'un air navré.

- Je suis vraiment désolé.

Il attrapa une serviette en papier pour m'essuyer. Il la posa sur ma poitrine, je reculai, il rougit. Toute mon organisation venait d'être chamboulée par un insignifiant incident au détour d'un café.

- Je vais vous repayer votre café, dit-il avec empressement, c'est la moindre des choses, il sourit d'un air gêné et se retourna vers le comptoir.

Je soupirai avec agacement et je sortis du café sans un regard vers l'homme toujours de dos. Pas grave pour ma chemise, je n'avais pas le temps, je fermerai ma veste. Le plus important c'était d'arriver à l'heure. J'entendis des pas derrière moi, j'accélérai.

- Attendez!

Il posa sa main sur mon épaule, j'avouais qu'il était craquant. Il me tendit un café je le saisis et bafouillais un merci. Je me retournais et continuais ma route, mais il me suivait de près.

- Vous allez à Valgen? Je hochai la tête. Moi aussi! Il me fit un large sourire, j'allais fondre. Sinon je m'appelle Matthieu, Matt pour les intimes.

Je ne pus retenir un rire nerveux. Enfin je vis le grand bâtiment, je passai les barrières de sécurité avec facilité au contraire de Matt qui dut expliquer une centaines de fois qu'il venait pour obtenir un poste. Il me supplia du regard pour toutes réponses je lui tirai la langue et partit au trot, ayant vu son regard joueur. En effet c'était très...mature... Je me surpris moi même de ma réaction. J'entrais dans mon bureau situé au huitième étage, m'assis sur ma chaise, posai mon café, rangeai mes papiers, entendis toquer, ouvris la porte, Matt...

Il me sourit pendant les deux heures d'entretien, je rougis pendant les deux heures d'entretien. J'étais DRH dans cette entreprise depuis quatre ans, je m'y plaisais beaucoup. Mon job se résumait à régler des conflits entre des employés, à embaucher des personnes, à les aider...et Matt a obtenu le job.

Il me proposa de dîner avec lui le soir même, je n'avais personne dans ma vie. Pourquoi pas ? J'en appris sur lui, il en apprit sur moi.

Puis les jours passèrent, les semaines défilèrent, les mois arrivèrent. Nous habitions désormais ensemble malgré notre grande différence d'âge, un fossé de douze ans nous séparait. Et alors? On s'aimait, c'est tout. Un an passa, ce fut de nouveau l'hiver, la neige tombait sur les maisons tel un manteau de velours, elle était belle, si douce, je me rappelais alors notre drôle de rencontre au détour d'un café. Je ne pus empêcher un rire léger de s'échapper de mes lèvres.

Matt voulait désormais que je rencontre sa mère, j'eus un petit pincement au coeur en me rappelant qu'il ne verrait jamais ma mère à moi, ni mon père. J'entendis la sonnette. Dans une robe de satin, au bras de Matthieu, je m'avançai prête à passer les plus belles fêtes de fin d'année. Je souris à Matt, il se pencha à mon oreille et me chuchota " cela doit être ma mère". Je posai ma main sur la poignée de la porte et l'ouvris en grand. Je ne pus retenir le cri qui s'échappa de ma bouche, je hurlai presque:

- MAMAN?!

Travalia

Concours de Noël 2016Where stories live. Discover now