Prologue

1.5K 94 32
                                    

La lame du khépesh s'enfonce dans le sable.

A cinq mètres de moi, Djar a lui aussi déposé son arme. Il avance dans ma direction, sans précipitation, semble me jauger du regard. Je fais de même. Sous mes pieds, le sol est brûlant.

Djar mesure environ un mètre quatre-vingt. Les rayons solaires étincellent sur sa peau foncée, sur ses muscles résultant d'années d'entraînement, pendant qu'il marche vers moi.

Nous nous ressemblons physiquement, mais son visage est moins allongé que le mien, et sa voix est plus basse que ce que je pourrais jamais atteindre.

Nous sommes tous proches l'un de l'autre, je sens sa tension s'ajouter à la mienne.

Le premier coup est brutal, mais je le pare sans difficulté. J'empoigne ses épaules, tente de lui faire perdre l'équilibre, mais déjà il a retourné ma force contre moi et tente de me soulever du sol. Je m'arrache à sa prise, reçois un violent coup au ventre. Je me plie en deux, me laisse tomber, le balaie du sol avec ma jambe. Il s'effondre et je me relève.

Je tente de le frapper au visage, mais il est déjà hors d'atteinte.

La principale difficulté de ce combat, c'est que nous avons tous deux reçus la même formation. Son intérêt pour les arts martiaux surpasse même le mien. Quand on réunit deux combattants, d'un niveau exceptionnel mais comparable, dans un combat libre, tout perd son sens. Tout est modifié, trop rapide. On ne peut pas placer une prise préconstruite, il faut se baser sur les sensations, sur le moment, sur l'adversaire... Il faut agir d'instinct.

Djar est debout. Je me rapproche d'un bond et lui lance mon pied droit au visage. Je n'attends pas qu'il le bloque — déjà je profite de ma vitesse acquise pour me lancer en rotation, tentant de l'atteindre au côté avec mon pied gauche.

Peine perdue. Ses réflexes jouent, ses mains ont suivis mon pied, il le bloque, entreprend de faire pivoter ma jambe. Je ne lui laisse aucun répit, mon poing vole vers son visage. Il hésite, pare ma main, et j'en profite pour sauter, replier mes deux jambes, et violemment m'appuyer contre lui avec mes pieds, me servant de son corps comme un tremplin, le repoussant et effectuant un salto arrière.

Nous sommes une fois de plus à notre point de départ.

Mes combats contre Djar se terminent souvent ainsi.

Subitement, il roule en arrière et en une fraction de seconde s'est armé de son khépesh, dont la structure change, en faisant une arme de jet redoutable qu'il projette sur moi à une vitesse terrifiante.

Je saute. L'Ishyk, cet endosquelette implanté dans mon corps, de taille réduite mais bourré  de technologie, entre en action. Il s'appuie sur l'air, amplifie mon mouvement, me permet de m'élever à plusieurs mètres. Le javelot passe loin en dessous.

Je retombe brutalement dans le sable. Dans un mouvement pivotant, je saisis mon propre khépesh et en fait un Gun, bâton des arts martiaux chinois.

En un instant, je suis sur Djar et j'abats mon arme d'un mouvement puissant mais contrôlé, qu'il évite en se déportant sur le côté. J'avais anticipé sa réaction, essaye de le balayer d'un ample coup à hauteur de la cuisse... Qu'il évite avec aisance, en faisant un saut torsadé. Il m'énerve, avec ses réflexes !

Continuant sur ma lancée, j'entame une rotation et le Gun vient frapper le vide, là où aurait du se trouver le torse de Djar s'il n'avait pas immédiatement enchaîné un deuxième saut.

Je ne me laisse pas avoir et le Gun touche Djar alors qu'il est toujours en l'air, le déséquilibrant et l'envoyant au sol. J'abandonne derrière moi mon arme et tente de le maintenir par terre, mais il m'envoie un coup qui me fait tomber.

Nous nous relevons, face à face, couverts de poussière, et Djar éclate de rire.

— Si tu te voyais ! me lance-t-il, hilare.

Je ne peux garder mon sérieux et pars d'un rire incontrôlé en l'observant à mon tour. Je m'avance vers lui, serre son avant-bras, et nous nous dirigeons vers le bord du terrain. Djar ramasse les khépeshs, me tend le mien. Je le remercie d'un signe de tête.

— Tu manges avec nous ce soir ? Shêka a trouvé un petit restaurant sympathique dans un des quartiers centraux, le Wsanx.

— Kémès ? Qui d'autre ? je demande.

— Oui, Kémès. Aneth aussi, peut-être Daget.

— Entendu alors. À ce soir !

— Salut ! me lance Djar en s'éloignant.

Il habite relativement près, mais pas moi, donc je suis venu en Shawaxy. Je monte dessus l'engin, enclenche le moteur, et le sens s'élever doucement en vibrant lorsque les répulseurs s'activent. Je tire sur les commandes, et la machine file vers le ciel.

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant