Chapitre 19.4 - Vera

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Son khépesh devient une épée. Un choix contestable jusqu'à ce que je le vois s'en servir pour nous délivrer de l'obstacle en deux gestes brefs et précis.

Il me reprend la main et ma quête d'un téléphone suit son cours.

Nous courrons un peu partout. J'essaye d'ouvrir les portes des différentes chambres. Elles sont bien évidemment toutes fermées à clé.

Puis nous arrivons face à une gigantesque baie vitrée. Je le sais avant de les apercevoir, les nouveaux nés se trouvent juste derrière. Sauf que tous les berceaux sont vides. Tous sauf les couveuses...

C'est alors qu'un groupe de femmes habillées de blouses rose pâle se mettent à faire barrière entre nous et les couveuses. Je souligne le courage de ces femmes. Si nous avions été de véritables terroristes, cet acte de protection aurait été tout bonnement remarquable. Je me sens obligée d'intervenir :

— Je m'appelle Vera Perez. J'habite à deux rues d'ici. Nous ne voulons de mal à personne, mesdames. Nous cherchons juste ma meilleure amie, Laure Vivier. Elle est élève infirmière dans cet hôpital, mais je ne sais pas où. Nous ne serions pas ici et dans ces circonstances si ça n'était pas urgent. Est-ce-que vous sauriez où elle se trouve ? Où auriez-vous un téléphone à me prêter afin que je puisse rentrer en contact avec elle au plus vite ?

Aucune réaction. Hori va pour sortir de la pièce quand je le retiens.

— S'il vous plait ! j'implore avec un regard de circonstance.

— Tenez ! finit par intervenir une de ces femmes.

Elle avance avec précaution, juste ce qu'il faut pour me tendre ce qui ressemble à un de leur téléphone de service.

— Faites le « 26280 », vous tomberez sur la responsable qui gère les élèves infirmiers.

— Merci infiniment, avance Hori avant moi.

Je m'empresse de composer les numéros.

— Tout va bien ? me demande mon interlocutrice que je sens apeurée.

Je vais à l'essentiel :

— Oui. Je cherche Laure Vivier, sauriez-vous où je peux la trouver ? C'est urgent !

— Laure Vivier ? Mais...

— S'il vous plaît, dites-moi rapidement où elle se trouve. On vous expliquera plus tard.

Ou pas...

— Mais Laure est partie en catastrophe il y a plus d'une heure.

...

Je connais la réponse avant de poser la question. Mais décide de tenter le coup quand même :

— Pour partir où ?

— Écoutez, je n'en sais rien. Nous étions en alerte quand elle a décidé d'ignorer les ordres de sécurité. Elle est partie sans explication et sans...

— Merci, je la coupe en raccrochant aussitôt.

Je me tourne vers Hori. Inutile de faire des détours, la vérité rien que la vérité :

— Bonne nouvelle ! Laure est à l'aéroport d'où nous venons. Ou encore mieux : entre les deux. J'ignore où et par quel moyen elle est en train de s'y rendre.

L'ironie est criante. Je crois que Hori va finir par se mettre en colère. Puis tout abandonner et me faire rentrer de force à Khapyphis. Ça serait on ne peut plus légitime au vue des circonstances...

— Le moyen le plus rapide d'ici pour aller à l'aéroport ? demande-t-il à la dame en rose qui m'a prêté le téléphone.

— C'é... C'était vous à l'aéroport ? tremble-t-elle.

— Répondez ! insiste Hori sans trop l'agresser pour autant.

— Le métro et le RER, mais t... tout est bloqué depuis l'attaque. Si votre amie se trouve là-bas, elle est sûrement coincée sur la route.

Hori ne dit rien mais n'en pense pas moins. J'imagine qu'il doit être tiraillé entre le besoin de rentrer à la cité au plus vite, puis le fait de me laisser ici. Dans tous les cas il sait très bien que je ne viendrai pas sans Laure.

Je calcule rapidement nos possibilités. On a une petite chance de la récupérer si j'arrive à la contacter directement. Pour cela j'aurais besoin d'un téléphone qui me permet de joindre l'extérieur. Je suis sur le point d'en réclamer un à ces dames quand Hori me fait signe de regarder derrière nous.

A quoi je m'attendais finalement ? Qu'on nous laisserait nous en tirer gentiment ? « Excusez-nous pour ce malentendu, tout va bien ! Bonne continuation et bonne fin de journée ! »

Je n'arrive pas à compter combien d'armes sont en train de nous pointer tellement il y en a. Et dans tous les coins.

Ils ne vont tout de même pas nous abattre ici alors que des nourrissons se trouvent dans des couveuses juste à côté !

— Rendez-vous et tout se passera bien ! braille un des policiers qui nous vise.

Ils ne nous ont pas encore cité nos droits, ils estiment donc que la situation n'est pas encore sous contrôle.

Ils n'avaient pas tort.

Hori s'empare brusquement de la dame qui nous a été d'une grande aide. Je le vois lui murmurer quelque chose à l'oreille pendant qu'il tire son khépesh. Il le pointe contre la nuque de son otage, sous forme de poignard.

— Tout se passera bien si vous nous laissez sortir sans résistance, propose Hori d'un ton très calme. Nous vous rappelons que nous ne voulons le mal de personne. Il ne tient qu'à vous de changer la donne.

Il faudra que Hori m'apprenne sa force de persuasion, à l'occasion. C'est à peine si j'arrive à croire ce qu'il se trame sous mes yeux. Tous ces agents armés jusqu'aux dents nous faisant quasiment une haie d'honneur jusqu'à la sortie... Ceci relève d'un miracle !

Certes, Hori détient un otage. Et puis nous n'avons, techniquement, blessé personne.

Au final, seul le Haw les a chamboulé. Un engin sorti tout droit d'un bouquin de science-fiction survolant Paris, se relevant indemne de toute forme d'attaque... Je reconnais qu'il y a de quoi s'en inquiéter très légèrement. Toutefois, ils nous ont quand même vu procéder à tout ce cinéma pour... l'usage d'un téléphone de service. Rien de plus.

Je suis quand même relativement soulagée d'apercevoir la porte de sortie de ce maudit hôpital. Encore plus lorsque nous la franchissons sans obstacle.

C'est bien simple, tant que nous détiendrons cet otage, nous aurons le pouvoir. C'est dommage d'avoir recours à ce genre de violence. Mais nous avons tenté le dialogue... Les Rastwys resteront toujours des Rastwys...

Sauf moi.

A présent c'est une certitude. Me voilà officiellement dans l'autre camp. A nous de faire en sorte que Laure soit également des nôtres. Avant qu'il ne soit trop tard. 

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant