Chapitre 1.3 - Vera

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Outre le fait que j'ai grandi, mûri et découvert bon nombre de pistes pertinentes depuis la disparition de mon père, j'ai tout de même pris la décision de mettre toutes les chances de mon côté en suivant une formation officielle. D'où ma présence à Paris.

Je suis actuellement en train de valider ma licence en histoire de l'art et archéologie. Ma spécialisation (ai-je vraiment besoin de le préciser ?) : égyptologie. Après ça, je compte entamer un master archéologie archéo-sciences. Tout ça sonne très sérieux alors qu'au fond, il ne s'agit là que de sombres banalités pour accéder à divers diplômes. Eux même n'étant que de vulgaires bouts de papier signés, censés nous ouvrir des portes plus ou moins bancales, à la base. Enfin bon... Je n'approuve pas tellement le système, c'est certain. Mais puisque personne ne me demande mon avis, je me contente de suivre les règles, comme tout le monde.

Non parce que participer à des chantiers archéologiques en tant que bénévole, c'est bien beau, ça va un temps... Toujours est-il que sans diplôme, il reste véritablement impossible de se faire prendre au sérieux.

Je n'ai pas ce problème là avec Will. Malgré notre différence d'âge, il m'a toujours considérée avec respect et admiration. Car je n'ai peut être l'air de rien à première vue, mais Will connaît mon histoire et mes compétences dans le domaine. Il sait donc pertinemment que ma jeunesse et ma carence en diplôme n'ont aucune incidence sur ma crédibilité en tant qu'archéologue. J'ai d'ailleurs de quoi et de qui tenir...


Avant la disparition de mon père, mes parents étaient tous deux archéologues. J'ai donc accumulé et acquis une certaine expérience des fouilles depuis ma plus tendre enfance. Ne pouvant décemment pas suivre un cursus scolaire « standard » — nos déplacements à travers le monde étant trop fréquents —, j'ai dû me résoudre à suivre des cours par correspondance. À ma plus grande joie. Ainsi, j'ai pu accompagner mes parents dans la plupart de leurs périples. Ils ne se sont donc pas contentés de me transmettre leur caractère et leur passion. C'est toute une vie de riches expériences, d'émotions fortes, de découvertes et de culture qu'ils m'ont offerte sur un plateau. Je ne les remercierai jamais assez pour ça.

C'est la raison pour laquelle, sans grand mérite, je détiens les meilleurs résultats de ma promotion. Mon cas a assurément de quoi remettre en question la scolarité standard dans son ensemble. Mais passons, ce n'est pas en 2020 qu'on va refaire le monde. Et puis ce n'est pas mon problème, j'ai un autre objectif de premier ordre qui m'attend... Ce que je porte entre mes mains contient hypothétiquement une clé qui pourrait m'ouvrir la voie vers la finalité de ma quête.


Je m'empresse de régler la somme de ce livre à Will. Comme toujours, il insiste pour me l'offrir. Comme toujours, je refuse. Comme toujours, il tente alors de me faire un prix. Comme toujours, il finit par accepter mon chèque comprenant la valeur initiale. Et enfin, comme toujours, il sait que je veillerai à ce qu'il l'encaisse.

Will est à la retraite. Il a ouvert ce magasin d'antiquité pour échapper à l'ennui, plus que par nécessité financière. C'est quelque chose qu'il me répète souvent. C'est une façon comme une autre de continuer à vivre de sa passion. Personnellement, je préfère les autres façons : celles qui n'impliquent pas de rester cloîtré dans cet endroit exigu en plein cœur de Paris. Après, chacun mène sa vie comme il l'entend. Il n'empêche que peu importent les raisons de sa générosité. Un prix est un prix. Surtout que je ne vois pas comment dépenser plus judicieusement l'héritage de mon père qu'en l'utilisant pour le retrouver en vie.

— Tu m'appelles si t'as du nouveau, hein ? me réclame Will gentiment.

— Je glisserai une note dans ta vitrine, puisqu'il s'agirait là de notre nouveau mode de communication, manifestement, je le titille en retour.

— Dans ce cas, il serait plus que temps que tu termines ta croissance. Un escabeau devant l'une de mes bibliothèques ferait mauvais genre.

D'accord, je n'ai pas volé cette remarque caustique. En même temps, ce n'est pas comme si je ne l'avais pas vu venir. Will ne manque jamais une occasion de se moquer de moi et de ma prétendue petite taille.

— Tu vas voir ce qui fera mauvais genre si tu oses mettre un escabeau. Ta bibliothèque serait le cadet de tes soucis !

— Allez, file, petit démon ! T'en meures d'envie !

Inutile de me le répéter deux fois. Je suis déjà de retour sur la rue pavée quand mon holophone me signale l'arrivée d'un message. Sans grande surprise, il s'agit de Laure :


« Mère + au courant + chez nous + guette ton retour + impatiente = SAUVE QUI PEUT !!! » 


Pas étonnant que cette fille me soit aussi précieuse. Son avertissement me fait faire demi-tour en un éclair, ce qui provoque mon hilarité. Je la contiens comme je peux. Je ne suis pas du genre à me donner en spectacle en pleine rue. D'autant que les rues à Paris sont bondées. Celle-là en particulier. Je n'aime pas la foule. Aucune importance, je sais où aller.

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant