Chapitre 8.2 - Vera

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— Accroche-toi, m'avertit soudainement Hori.

Pas un mot de plus, pas un de moins. Directement à l'essentiel. Je suis tentée de lâcher un petit : « déjà ? », mais ça serait l'encourager à la conversation. Je ne prends donc pas ce risque inutile. Bien sûr qu'on est déjà arrivé, la cité me parait, certes, grande, mais il ne s'agit pas non plus d'un pays. Et puis son engin volant a l'air d'aller sacrément vite. Je ne m'en tiens qu'à de multiples observations pour l'instant. J'en suis encore au stade où tout me parait surnaturel, comme si j'avais sombré au beau milieu d'un énorme plateau de tournage, dont le film serait un savant mélange entre science-fiction et documentaire historique. J'ai hâte de connaître l'endroit par cœur... Cela me permettrait deux choses : trouver mon père, et fuir.


En attendant, me voilà ici. Sur cet espèce de parking bizarre à engins volants étranges, au pied d'un drôle de bâtiment. Je suis sincèrement navrée de ne point pouvoir apporter plus de précisions. Même les couleurs sont atypiques ici. La dominante tire entre le jaune, le beige et la couleur du sable. Un paysage chaleureux et froid à la fois. Vraiment très surprenant.

— Ça change de chez toi, hein ? m'interpelle le jeune homme qui vient de nous rejoindre.

Sûrement le frère de Hori. La ressemblance est frappante. Et puis à ses côtés, cette nana qui me toise comme si j'étais un extraterrestre des plus nuisibles doit être sa petite amie. Ou celle de Hori. Peu importe, cette fille m'a déjà dans sa ligne de mire, je le sens. Pas question de perdre la face, je la défie du regard.

— Vera, intervient rapidement Hori, voici Djar et Kémès. C'est avec Djar que je vais m'entraîner. Tu vas donc rester avec Ké...

— Comment ça ? s'emporte Kémès. Ce n'est pas du tout ce qui était convenu ! C'est TOI qui dois la garder, pas moi !

Génial... Par pitié Vera, tais-toi ! Garde ton opinion déjà ô combien explicite sur ton visage, pour toi, ou ça va rapidement tourner au vinaigre périmé.

Hori soupire une fois, mais garde un calme aussi impressionnant que perturbant pour une nerveuse dans mon genre. Il fait un signe à l'attention du dénommé Djar, puis un autre à Kémès, et voilà que ces deux derniers agissent en conséquence, sans broncher. Hori aurait, à priori, quelques mots à dire en privé à Kémès, pendant que Djar se charge de mon baby-sitting...

— Désolé pour la réaction de Kémès, me marmonne-t-il gentiment. Elle est un peu à cran lorsqu'il s'agit de « Rats oui » (je n'ai pas bien saisi le mot)... enfin... lorsqu'il s'agit de...

— D'étrangers ? je propose, non sans l'épargner d'une pointe d'acidité dans ma voix.

Il préfère éluder la question pour enchaîner sur :

— Tu te doutes bien que c'est aussi nouveau pour toi que pour nous, hein, comme situation. À nous de faire en sorte que ça se passe le mieux possible. (Il me fait signe de le suivre vers l'entrée du bâtiment d'en face) Donc je te propose de...

— Nous ne sommes pourtant pas les premiers « rats-oui » ou je ne sais quel mot vous employez pour nous désigner, à s'être introduit ici par mégarde...

Je laisse volontairement traîner ma phrase en le soutenant du regard pour apporter davantage d'impact à mes sous-entendus. L'expression qu'adopte Djar est à la hauteur de mes espérances, il n'a même pas besoin de répondre quoi que ce soit. J'ai la certitude de deux choses, à présent : Primo, Djar sait pour mon père. Secundo, il ne savait pas que moi aussi. Et ça a plutôt l'air de l'inquiéter. Intéressant...

— R-A-S-T-W-Y, m'épelle-t-il soudainement, puis il reprend : Rastwy. C'est le nom que l'on donne à celles et ceux qui ont évolué à l'extérieur de la cité. Hori n'a certainement pas encore eu le temps de tout te présenter, c'est normal. Mais ça viendra, ne t'en fais pas. Pour l'heure, je t'invite à rentrer, tu vas voir, ça ne paye pas de mine à l'intérieur !

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