Chapitre 12.5 - Vera

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Je crois que je me suis endormie très rapidement après ça. J'ai les yeux encore ensommeillés, mais au moins, ils se sont adaptés à l'obscurité. Je distingue nettement mieux ce qui m'entoure. À savoir... pas grand-chose.

Je réalise soudainement quelque chose de stupéfiant. Je n'ai plus peur du noir. Le contexte ne me permet pas de mettre à l'épreuve ma phobie des oiseaux, mais je suis quasiment certaine qu'elle s'est tout autant évaporée. À Khapyphis, dans le traitement qu'ils m'ont injecté ou je ne sais où.

Je n'ai plus peur de rien. Cette maudite cité m'aura au moins apporté ça, à défaut de me rendre mon père.

Une fine lueur provient du plafond, se reflétant sur tous les débris rencontrés sur son passage. Et parmi tous ces métaux en vrac, il y a mon noble geôlier. Les yeux fermés. Or, il ne pourrait pas maintenir mon poignet ainsi s'il dormait. Le pauvre. Il doit être éreinté. Tant mieux. Ça sera plus simple pour le semer à nouveau.

— C'est ridicule... je chuchote.

— Pour une fois, je suis d'accord avec toi, ronronne-t-il tout en gardant les yeux fermés.

— Mieux vaut tard que jamais ! je raille.

Je distingue un sourire s'épanouir sur son visage. C'est tellement rare de voir un tel spectacle chez lui.

— Ils sont partis ? je demande.

En tout cas, je n'entends plus rien. Le calme plat.

— Non. Ils rôdent partout pour trouver un moyen de rentrer. Moyen qu'ils ne trouveront jamais. J'espère qu'ils ne sont pas trop patients, parce que je ne sais pas toi, mais je commence à avoir faim. Et soif.

— Eh bien puisque tu poses la question, c'est surtout un besoin d'ordre sanitaire qui s'impose, chez moi. Mais vu que tu ne veux pas me libérer la main...

Sans prévenir, il me lâche le poignet. J'en reste abasourdie quelques secondes. Et puis je comprends. Si je tentais quoi que ce soit, il me rattraperait en un rien de temps. Alors je m'empresse de trouver un endroit en retrait pour soulager un besoin naturel. Sans un mot.

Ces vêtements sont vraiment trop larges. J'ignore comment j'ai pu courir sur autant de kilomètres harnachée ainsi. Ma petite tenue blanche de détenue privilégiée me manque. Et puis maintenant que ma vessie est vide, j'ai faim. Et soif aussi. Et j'ai froid. Il n'est plus question de soleil artificiel en dehors de la zone de confort, bien évidemment !

J'hésite une fraction de seconde à... eh bien non. Hori me rejoint déjà. Enterrant mes dernières chances de filer en douce.

— Heureusement pour toi que j'ai fini ! je le réprimande.

— J'ai attendu une fois et demi le temps que ça m'a pris à moi. Tu as toujours mis ce temps-là. N'oublies pas qu'on a vécu ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

J'avais surtout oublié à quel point il était minutieux. Disons que j'ignorais qu'il avait été jusqu'à calculer la durée moyenne de chacun de mes actes quotidiens. C'est à la fois incroyable et flippant.

— Puisque tu as l'air d'être calé en la matière, je suis restée combien de semaines sous ta surveillance ?

— Deux et demi.

— Ça faisait partie de ta mission de tout calculer comme ça ?

— Ma mission était de te surveiller. Ça en faisait donc partie, oui.

— Et maintenant ? C'est quoi ta mission ?

— Te protéger.

Mais bien sûr !

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