Khapyphis

Chapitre 8.5 - Vera

— Tiens, mais c'est ma petite Ra ! m'accueille Miguel avec grand enthousiasme.

Je souligne l'ironie de mon surnom dans cet endroit. Nous sommes sur une terrasse sur un toit, la lueur solaire éclatante et la vue sont imprenables.

— Il y a pire comme endroit ! s'exclame mon oncle, le sourire jusqu'aux oreilles.

Avant d'oser dire quoi que ce soit, je me tourne vers mon geôlier. Apparemment, Hori m'offre un vrai tête à tête avec mon oncle. Trop généreux, dis donc ! J'attends que nous soyons complètement seuls pour lui demander la raison de cet entretien surprise.

— Oh là là ! Tout doux Ra ! me calme mon oncle. Désactive ton mode investigation, par pitié !

— Tu peux au moins me dire qui est ton escorte, où tu dors, ce que tu as fait durant...

— Oui, oui, m'interrompt-il. Ça vient ! La seule chose c'est... par où commencer ! Hum...

— Notre arrivée ici, par exemple.

— Eh bien... suite à l'explosion, nous avons tous subi des interrogatoires particuliers. Tu dois déjà savoir qu'en fonction des résultats obtenus, ils nous ont répartis dans divers groupes. Je suis hébergé dans cet immeuble en compagnie de Will, Valérie, Wendy et la fameuse Gabriella. Valérie se remet doucement de son opération. La médecine ici fait des miracles si tu savais ! Bon nombre d'entre nous étaient en piteux état ! Tu as eu de la chance de t'évanouir !

— Tout le monde s'en est sorti alors ? je m'assure.

— Tous, sauf celui qui tenait l'explosif à bout de bras.

— Simon ?

— Non, son frère, Stéphane.

J'ignorais qu'ils étaient frères ces deux-là... Mine de rien, apprendre la mort de cet homme me fait un choc.

— Continue, je l'encourage pour recentrer la conversation.

— Jusqu'à tout à l'heure, je pensais que tu étais avec l'autre groupe. Mais il parait que tu es chez l'habitant, c'est bien ça ?

— Donc je serais la seule à avoir un garde d'élite en guise de baby-sitter attitré ? Génial !

Miguel éclate de rire. Au moins mon sarcasme a de l'effet sur quelqu'un ici.

— Je ne suis même pas étonné, renchérit-il. Tu as dû les éblouir lors de ton interrogatoire pour mériter un tel traitement de faveur !

— Très drôle ! Et si tu me racontais plutôt ce que tu sais qu'il faut que je sache. Tu sais, les trucs importants.

— Arrête de parler comme ça, on dirait ta mère, je te jure !

— Ben tiens, puisqu'on y est, tu as des nouvelles de mon père ?

— Pas plus que toi, vraisemblablement. Mais pour être honnête, ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus dans l'immédiat.

Il a toute mon attention et il le sait. Il poursuit :

— Un certain Ounamon m'a chargé d'une mission un peu... spéciale. On m'a également chargé de te mettre dans la confidence. Parce que tu pourrais y contribuer aussi.

Il prend une pause, soupire et s'avance plus près de moi. La teneur que prend cette discussion m'inquiète assez, je dois dire.

— L'autre groupe..., me murmure-t-il en toute discrétion, il y a quelque chose de pas net avec eux. D'après Ounamon, ils ne seraient pas ici par hasard. Pas plus qu'ils ne seraient là pour des raisons archéologiques.

— Comment ça ?

— Apparemment, ils auraient un lien avec l'armée. J'ignore celle de quelle nation. À vrai dire, je ne sais pas grand-chose d'autre pour l'instant. Ma mission est justement d'en apprendre davantage.

— Et la mienne ?

— J'ai besoin de tes talents de technicienne électronique hors pair pour brouiller les coordonnées GPS de la cité. Apparemment, un signal aurait été émis juste après l'explosion. Ou avant. Peu importe. Il est fort possible que ceux avec qui ils étaient en contact soient au courant de notre position géographique. Et tout ça sent mauvais, crois-moi. On peut être sûr qu'ils n'ont guère d'intérêts archéologiques ou socio-culturels.

Je vois parfaitement où il veut en venir. La technologie électromagnétique ici représenterait une mine d'or inépuisable pour les armées Rastwys. Et ce n'est qu'un exemple.

— Toujours est-il que les K-pi détiennent ce GPS et ignorent comment procéder pour changer la donne auprès de nos semblables. Ils n'ont pas l'esprit assez tordu pour penser comme nous. Pour savoir comment déjouer les plans d'hommes malveillants. C'est donc tout naturellement que j'ai pensé à toi.

— Trop aimable !

— Plus sérieusement Ra, tu dois trouver un moyen pour éloigner ces rapaces d'ici. Je ne vois personne d'autre de plus habilité que toi pour faire ça. Vraiment. Et puis si tu y parviens, qui sait, ils nous seront redevables. Et là, seulement là, nous serons en position de réclamer des informations concernant Pablo.

— Tu as déjà essayé ?

— Peine perdue. Toi aussi, j'imagine.

— Mon baby-sitter n'est pas très loquace.

Je ne peux réprimer une expression dépitée de circonstance.

— J'admets éprouver une once de compassion pour ce pauvre garçon ! ricane Miguel. Je ne souhaite pas même à mon pire ennemi de subir les affres de ta curiosité maladive.

— Moque-toi ! Rira bien qui se moquera le dernier, quand c'est moi qui trouverai mon père !

— Je compte sur toi, Ra. Ounamon te donnera les instructions. Il tenait à ce que ce soit moi qui t'en parle pour des raisons évidentes. Ils ont dû très vite comprendre que tu n'accordais pas ta confiance facilement. Entre autres...

— Le portrait de ma mère, je sais, je raille à mon tour.

Nous rions à l'unisson un bref instant. Puis nous retrouvons contenance lorsque nous prenons conscience de l'importance de nos taches respectives. Je ne doute pas un seul instant des capacités de Miguel. S'il y a des informations capitales à dénicher auprès d'une partie de notre équipe, il les trouvera. Quant au rôle que je suis censée jouer, j'ignore totalement dans quelle direction m'orienter encore. Je sais simplement que je ferai tout pour épargner cette cité d'une quelconque intrusion. Quelque part, je me sens responsable du sort de K-pi-fils puisque c'est moi qui ai amené notre équipe jusqu'ici. Et puis Miguel a raison, c'est l'opportunité ou jamais de se faire respecter pour obtenir des faveurs en retour. Le tremplin que j'attendais pour accéder à mon père. Enfin !