Chapitre 16.3 - Vera

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Nous sommes interrompues par la présence de Hori. Il a fait comme moi. Une douche, un peignoir et hop, on suit la bonne odeur de (café) crêpe et on se rue vers la cuisine.

— Bonjour Hori ! s'enquit ma mère et s'activant à lui servir du café et une assiette pour ses crêpes. Bien dormi ?

Il va connaître les joies de ce qu'apporte un véritable café ! je m'extasie intérieurement.

— Très bien. Je vous remercie Lisa.

— Prenez place à table, faites comme chez vous !

Je redécouvre une mère conviviale et souriante. Maintenant que je sais à peu près tout, je prends conscience de combien ça a pu être difficile pour elle. Combien elle a dû se sentir seule. Et moi qui lui compliquais la tâche à la moindre occasion... Hori ne serait pas là que je la serrerais certainement dans mes bras. Mais il me reste une once de fierté, tout de même.

— Ça va ? me demande Hori, une fois installé à mes côtés.

— Très bien et toi ?

Il ne prend pas la peine de répondre qu'il sourit et se sert une crêpe.

— Tu prends du sucre dans ton café ? le questionne ma mère.

Je réponds à sa place :

— Comme pour moi. Faut en profiter un maximum. On en aura plus pendant un sacré bout de temps, si j'ai bien compris.

Ma mère lui tend sa tasse et j'attends discrètement le moment où il va le goûter pour observer sa réaction. En attendant, ma mère revient à la charge avec ses questions, bien évidemment :

— Alors comme ça tu es un soldat d'élite ?

Hori hoche la tête et prend une bouchée supplémentaire de crêpe. Au moins, il lui « répond » à elle.

— Comment ça se fait que tu t'es retrouvé en dehors de la cité ? insiste-t-elle malgré tout.

Toujours sans broncher, Hori jette un regard éloquent dans ma direction et englobe le dernier morceau de crêpe avant de se resservir aussitôt.

— C'est de ma faute, je rétorque. Je suis sortie sans réellement penser aux conséquences. Il m'a suivie car il était chargé de me ramener. On allait revenir sur nos pas quand on a été capturé.

— Par sa faute encore, complète Hori entre deux bouchées.

Ce n'est pas vraiment un reproche lorsque je le regarde. Il se moque de moi une fois de plus. Même si tout ceci est vrai et qu'on aurait largement pu éviter toute cette galère si j'avais obéi.

— Ra a son petit caractère, ironise ma mère. Mais on l'aime comme elle est, pas vrai ?

Je lève les yeux au ciel. Elle ne perd rien pour attendre...

— Oui enfin, si elle avait un peu plus de jugeote et un goût moins prononcé pour les risques inutiles, ça me ferait des vacances ! raille derechef mon... ancien geôlier.

Ce qui amène une question qui reste depuis trop longtemps en suspens sur le bout de ma langue :

— Puisque tu parles de vacances Hori... Qu'adviendra-t-il de nous lorsque nous serons de retour dans ta cité ?

— Je croyais avoir été assez clair, se contente-t-il de répondre avant de prendre sa première gorgée de café.

J'ignore s'il se brûle, s'il meurt d'envie de le (vomir) cracher ou si le goût le surprend. Mais la grimace qu'il tire vaut le détour !

— Bon sang mais comment tu peux avaler ça Vera ? C'est immonde !

— Avec un sucre et un nuage de lait, ça passe mieux pour certaines personnes, tempère ma mère pendant que j'éclate de rire.

— Dans ce cas-là, du lait avec un nuage de sucre me conviendra nettement mieux, sourit-il à ma mère.

Puis il me tend sa tasse, que je termine illico.

— Tu penses donc avoir été assez clair ? je recentre la conversation avec intérêt. Je n'en ai justement pas l'impression. D'où ma question.

— Je t'ai dit qu'on aurait besoin de toi pour sauver le monde. Puis tu sais très bien ce que j'ai dit après.

— T'es donc en train de me dire que ça n'était pas une de tes stupides blagues ? je fulmine.

— Parce que je dis des blagues stupides, moi ?

Je ne sais pas trop comment interpréter son sourire. Il me taquine, je le sais très bien. Tout comme je sais qu'il se débarrasse de cette question ainsi pour éviter d'y répondre réellement. Parce que, sans doute, sait-il par avance que ça ne me conviendrait pas.

Voyant que je commence à ruminer, il enchaîne.

— Tu sais ce que c'est, Vera. Je ne suis pas autorisé à te révéler certaines choses tant que nous ne sommes pas dans la cité. En plus, Ounamon lui-même tient à t'en parler.

Ça ne me rassure pas plus que ça. Ce qui le pousse à ajouter :

— Mais je peux te promettre que tu... que vous serez très bien traitées toutes les deux. Il n'est plus question de surveillance, de secrets, de tout ça. J'allais t'en parler au moment où tu as pris la poudre d'escampette hors de la cité.

Hori n'est pas du genre à mentir. Mais qui sait, si on le lui en a donné l'ordre pour nous faire revenir dans la cité plus docilement... Je décide de le croire, mais de rester sur mes gardes tout de même. Après tout ce qu'il a fait pour me sauver et me sortir de prison, quel intérêt aurait-il de me vouloir du mal ? D'autant que je le crois vraiment sincère lorsqu'il s'inquiète de mon bien être.

— Il y a encore du passage près de la zone d'entrée que nous visons à l'ouest de la cité, nous apprend ma mère. Ounamon suit ça de très près. Il nous enverra le signal quand nous pourrons y aller. D'ailleurs, il voulait vous parler dès que vous seriez en forme, Hori. Le transmetteur se trouve sur la commode de ma chambre. Vous pourrez lui parler tranquillement. Sinon, pour les vêtements, il doit y en avoir à votre taille quelque part dans la grande armoire de la chambre de Vera. Vous n'aurez qu'à fouiller. Ça vaut pour toi aussi, Ra.

— Est-ce que vous auriez aussi des bandages et un peu de... vous appelez ça du désinfectant, je crois... ? réclame Hori quelque peu mal à l'aise.

J'avais presque oublié qu'il était blessé. Il faut dire que je me suis habituée à la plaie encore visible sur son visage. Le reste a presque déjà disparu tant il cicatrise vite. Il faudra d'ailleurs qu'on m'explique comment se fait-il que le métabolisme Khapy soit autant favorisé par rapport au nôtre.


Ma mère s'affole aussitôt pour deux. Elle ne donne pas vraiment le choix à Hori. En digne mère poule qu'elle est, je la vois farfouiller dans tous les tiroirs à la recherche de trousse de soin. Elle finit par lui concocter un désinfectant naturel à base d'alcool et je ne sais quoi encore. Et je sais par avance qu'elle utilisera du miel pour accélérer la cicatrisation.

Je ne tiens de toute façon pas à assister à ça. Je profite de ce moment pour m'éclipser.

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant