— Hori !
Je me retourne. Ounamon me fait signe depuis l'autre bout du couloir.
Comment il fait ? Je suis sorti de ma chambre il y a même pas une minute.
Je me dirige vers lui en me dépêchant du mieux que je peux. Il y a un monde fou dans cet hôpital. Presque exclusivement du personnel médical, heureusement. Les grandes préparations pour le départ sont sur le point de s'achever et il faut du monde pour s'occuper de tout.
Ounamon me fait entrer dans une pièce vide.
— Écoute, Hori. Écoute-moi bien. Je sais ce que tu as en tête... Je pourrais t'en empêcher, mais... Écoute.
Il semble chercher ses mots.
— Tu sais combien j'aime les rapports concis, les rapports brefs, sans détails superflus... Les bons résumés. J'adore ça. Et je ne suis absolument pas en mesure de te faire un briefing simple, court et concis qui se focalise sur l'essentiel.
Il pointe du doigt la direction générale de l'extérieur :
— Dehors, c'est le bordel. Le chaos. C'était déjà le chaos avant... C'était même déjà le chaos ici, avant que tu sortes, tu as dû t'en rendre compte et je te dois des excuses à ce propos... mais, là, dehors, c'est du chaos de haute qualité. C'est plus chaotique que tout ce que j'aurais jamais imaginé chez les Rastwys. C'est la panique totale. Le grand cirque.
Il sort une carte digitale et continue :
— L'Egypte est littéralement dans la merde. Toute cette région, ici, est hors de contrôle. L'armée régulière s'est retranchée ici et attend juste que quelqu'un sorte pour le descendre, mais ils n'entreront pas. Il y a des mercenaires, des corporations et même des unités militaires d'autres pays qui sont toutes en train de se massacrer... Entre ici... Et ici. Tout ce beau monde est bien entendu entré illégalement sur le territoire égyptien, mais pas en une fois, ça non. Et pas récemment. D'ailleurs, l'armée égyptienne est actuellement occupée à en empêcher d'autres de rentrer. C'est la guerre, Hori. Des dizaines de pays sont impliqués, juste maintenant. Certains sont en train d'envoyer leurs troufions secourir leurs corporations, et d'autres envoient les leurs faire la fête aux premiers sous prétexte de défendre l'Egypte.
On ne va pas prétendre que je suis surpris.
— Hori... Je sais que tu veux ramener Vera. Je vais juste t'informer de ce que nous allons faire, là, maintenant, tout de suite. On va se tirer. Rien ne pourrait nous menacer, mais on a déjà prévu la suite du plan des Rastwys. Ils détestent devoir subir une situation qu'ils ne contrôlent pas, et ils détestent réfléchir après-coup sans avoir toutes les réponses sous la main. Leur but est donc assez simplement de nous clouer au sol... Et de nous y laisser. Ensuite, ils cesseront le feu, réfléchiront, créeront des traités et agiront en conséquence. Et rentreront chez eux, ou pas. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est que pour nous empêcher, nous, d'agir... Ils sont prêts à enterrer l'Egypte sous une pluie atomique. Et si c'est pas suffisant, une bonne partie de l'Afrique.
— Mais...
— Pour la technologie fabuleuse que nous sommes supposés posséder. Heu... Celle que nous possédons bel et bien.
— N'ont-ils pas déjà des scientifiques qui en ont obtenu une bonne partie ces derniers jours ?
— Pas une bonne partie. Des fragments. Hori... Tu connais leur histoire. Tu penses que les indigènes des pays qui sont, plus tard, devenus des colonies ne pensaient pas, eux aussi, que les échanges avec les explorateurs étaient sincères ? Que chacun pouvait apprendre de l'autre ? Ils refusent d'admettre que, technologiquement supérieurs, nous sommes probablement arrivés à un stade de réalisme plus abouti. Ce sont... des enfants, Hori. Ils ne peuvent pas comprendre pourquoi, nous, leur parent, ne leur donnerions pas tous les jouets que nous possédons. Ils veulent se servir eux-mêmes. Toutes les raisons qui viseraient à leur restreindre l'accès à notre technologie seraient des mauvaises raisons.
— Vu comme ça.
— En plus, il y a encore un mois, ils n'imaginaient même pas que des êtres puissent toujours vivre à Khapyphis. Imagine le choc... Mais pour en revenir au présent... Hori. Si tu as une idée pas trop vague de l'endroit où pourrait se trouver Vera, tu peux toujours tenter de la sauver. Mais nous ne pouvons pas retarder notre départ. Plus maintenant. Ou des millions de personnes seront sacrifiées... Pour rien.
— Donc en partant assez vite...
— On espère qu'ils se rendront compte très rapidement que nous sommes hors d'atteinte. Ils pourront ensuite réfléchir, se... gronder entre eux et profiter des modestes cadeaux que nous leur avons laissé. Nous serons loin, ils n'auront pas déclenché la troisième guerre mondiale et tout le monde sera plus ou moins heureux.
— Combien de temps ?
— Quelques heures, au plus.
Je sors de la salle.
Ounamon m'interpelle :
— Hori... Bonne chance.
J'ai une vague idée de la raison pour laquelle Vera est partie. Et une vague idée d'où elle est allée.
Pas que ça soit très dur. Vera a, quoi, deux endroits marquants où elle est susceptible de se trouver ?
— Je ne comprends quand même pas sa façon de raisonner, à ta copine. Si elle était restée avec toi...
Kémès grimace.
— En admettant que le retour se soit déroulé mieux que ça... Elle aurait mis moins de temps pour arriver sur Paris. En passant d'abord par ici, je veux dire.
— Elle devait se dire que nous ne la laisserions pas repartir. Et elle n'aurait pas forcément eu tort. Tu es sûre qu'elle est déjà à Paris ?
— Pas encore à Paris. Elle a embarqué sur un vol international il y a quelques heures. En partant maintenant, nous serons là-bas avant elle.
— Et on va violer l'espace aérien de combien de pays ?
Kémès me regarde avec un sourire en coin.
— T'occupe. Ils nous foutront la paix. On y va en première classe.

VOUS LISEZ
Khapyphis
Science FictionÉgypte, 2020. Une petite équipe d'archéologues, guidée par l'intuition de Vera Perez - une jeune femme au passé trouble - fait une découverte extraordinaire qui pourrait mener l'humanité toute entière à une nouvelle aube... ou la conduire à sa pert...