Chapitre 6.2 - Hori

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J'avais apparemment surestimé la résistance de la porte ou sous-estimé nos visiteurs. Quoi qu'il en soit, une bonne partie du mur rocheux n'est désormais plus qu'un tas de blocs et de débris se dressant entre moi et l'endroit d'où s'élève la fumée.

Je cours et prends d'assaut cette montagne de pierre, avec comme objectif au-dessus afin d'empêcher les Rastwys de fuir ou de faire quelque chose de stupide.

Je saute, rebondis, escalade. Une fois au point le plus élevé, j'ai soudainement une vue imprenable sur la scène qui prend place de l'autre côté de la porte.

Ou plutôt du cratère qui a pris la place de la porte.

En haut du versant opposé se trouvent deux hommes, en piteux état. Ils étaient probablement très proches du point d'explosion et ont été brûlés, déchiquetés et soufflés à plusieurs dizaines de mètres.

Derrière eux, c'est le noir complet, et s'il me semble distinguer ce qui semble être une autre personne, ma vision est limitée par ce qui reste du haut de la porte.

Je m'élance et je parcours, soutenu par l'Ishyk, la distance qui me sépare de l'emplacement original du mur, atterrissant à côté du bord droit du cratère. Derrière moi, j'entends d'autres soldats faire de même. Je n'hésite pas, et je cours le plus vite possible vers les deux Rastwys mal en point.

C'est en arrivant à côté d'eux que je remarque que « mal en point » est un euphémisme. L'explosif qu'ils ont utilisé devait être une invention récente et c'est pour cela qu'il a eu raison de la porte. Quelque chose de portable, mais d'extrêmement puissant. Dans tous les cas, pas un joujou d'archéologue.

Et ces imbéciles qui l'ont fait péter en étant juste à côté... Peut-être même en le tenant encore.

Enfin, on pourra peut-être les sauver. Du moins, celui vers qui je me penche, car je sens son pouls, faiblement. L'autre... Je ne vais même pas le toucher, de peur d'aggraver encore son état.

Je me retourne, et enjoint à un garde venu me rejoindre :

— Appelez un corps médical, on ne peut rien faire pour eux ici.

Il hoche la tête et je l'entends communiquer avec un coordinateur tandis que je m'enfonce vers le noir, dans la chambre de chargement.


Des décombres. Je suis étonné d'en voir autant, il y a tellement de fragments et de rochers partout que je ne peux pas faire un mètre en ligne droite, tellement de poussière en suspension qu'à l'œil nu je ne verrais pas ma main. Ce qui m'étonne, c'est que, l'explosion ayant eu lieu de ce côté du mur, la majorité des débris devrait être de l'autre, avec le cratère comme point de départ.

Ou alors... Je lève la tête. Une bonne partie du plafond au-dessus de moi est tombée, probablement endommagé par les vibrations. Quand je ferai mon rapport, je n'omettrais pas une petite remarque sur la surveillance et l'entretien de nos vielles infrastructures.

En attendant, je ne retrouve plus la personne que j'ai aperçue avant. Le terrain est totalement différent de près, j'ai l'impression de marcher dans un labyrinthe.

Les seuls sons que je perçois sont les voix, derrière moi... Et, quelque part, un gémissement.

— Central ? je fais. Combien de traces ADN repérées, en entrant ?

— Une seconde... Dix. Ils étaient dix. Les capteurs de la zone ont été endommagés, on va devoir utiliser une sonde, mais à la dernière trace reçue, ils étaient les dix devant l'entrée.

Donc derrière ces blocs épars. Ou dessous.

J'avance, un sentiment d'urgence me poussant à me hâter, mais je m'évertue à contrôler mes gestes. La poussière rendra plus difficiles les recherches. Par contre, je pourrais peut-être les appeler, ces Rastwys suicidaires.

Je m'exprime clairement et distinctement, en anglais :

— Est-ce que quelqu'un m'entend ?

Un bref instant s'écoule. Puis, comme venue d'outre-tombe, une voix hachée et faible répond :

H... Help.

Cela vient de... Devant moi. Sauf que j'ignore totalement ce qu'il y a devant moi. J'avance donc à l'aveuglette lorsque, tout à coup, la lumière éclatante du puissant projecteur d'une sonde perce les ténèbres, dans mon dos et en hauteur.

Je distingue alors ce qui m'entoure, mais ça ne m'avance guère. Des montagnes de pierres, de gravats. Devant. Sur les côtés. Bon.

Je me ramasse sur moi-même, effectue un bond gigantesque en avant et je m'agrippe au sommet d'un bloc immense avant de me hisser au-dessus. De l'autre côté, il y a nettement moins de pierres, mais je ne vois toujours personne. Je me laisse tomber, une chute d'une dizaine de mètres, et j'atterris lourdement par terre, dans un nuage de poussière.

Quand je relève les yeux, la première chose que je vois c'est le visage d'une jeune femme, éclairé par la lumière de la sonde, dont je croise un bref instant le regard.

La deuxième chose, c'est l'homme à côté, qui pointe sur moi un pistolet.


Il tire, mais je suis plus rapide. Déjà, j'ai roulé au sol, et me relevant d'un bond, je saute par-dessus une série de blocs, et me retrouve derrière lui. D'un coup dans la nuque, je l'assomme proprement.

Il s'effondre et j'examine rapidement l'espace autour de moi.

En plus du type au flingue, il y a la fille au sol près de moi. Non loin, plusieurs autres personnes gisent, inconscientes ou souffrantes, par terre. Je les compte... Elles sont cinq.

Couvertes de poussière, meurtries, mais toujours que cinq. Pouvaient pas rester groupés, les explorateurs ?

Car j'ai maintenant la certitude qu'ils en sont, des archéologues. Leurs tenues, les restes de matériel...

Mais pourquoi diable des archéologues trimbaleraient-ils des armes et des explosifs de ce type ?

Bon. J'aurais probablement tout loisir de me poser ces questions plus tard... Et certaines personnes auront tout loisir de leur poser ces questions, aussi. En mode interrogatoire. Pour l'instant, on va déjà les sortir d'ici, autant pour leur survie que pour éviter qu'ils ne fuient.

Je signale ma position et en quelques secondes je suis entouré d'unités d'intervention diverses, de soldats et de soigneurs, qui se penchent sur les blessés.

Moi, je m'occupe de la jeune femme, celle que j'avais aperçue en me relevant. Elle ne semble pas blessée, enfin pas gravement. Des égratignures, quelques coupures...

Je la soulève du sol et, pendant qu'elle repose dans mes bras, me dirige vers la sortie de la chambre, vers Khapyphis.

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant