Chapitre 3.2 - Vera

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Environ quarante-deux questions inutiles plus tard, le manque de caféine commence sérieusement à peser. J'ai besoin de boire ma dose quasi vitale. Et cet empoté n'est même pas fichu d'appliquer les règles de courtoisie de base... Un café c'est quand même pas sorcier, pourtant ! 

Si je n'ai rien de potentiellement buvable entre les mains d'ici un quart d'heure, c'est lui que je finirai par liquider, c'est certain. Et moi qui me vante d'être pacifiste... Avec des êtres comme ce cafard véreux, il y a de quoi mettre à l'épreuve la patience de n'importe quelle sainte. Non pas que j'en sois une, mais c'est pour l'exemple. Et pour divertir mon esprit de ma mauvaise humeur dangereusement grimpante, aussi...

— Bon, à présent, passons aux choses sérieuses..., déclare-t-il en insistant bien sur le suspense (comme si j'en avais quelque chose à faire de ses questions !).

Pourvu qu'il me demande un rencart ! Comme ça, je serais dans mon droit de l'envoyer sur les roses sans que ça porte préjudice à ma carrière. Je ferais ça proprement, sans bavure. Après l'archéologie, il s'agit là du domaine où j'ai le plus d'expérience.

Si mon esprit carencé de caféine ne s'était pas autant égaré en route, j'aurais sans doute été préparée à sa question. Il veut connaître mes hypothèses à propos de la disparition de mon père. Il connaît celles de Miguel, s'empresse-t-il d'ajouter. Mais il est curieux de savoir quels sont les pistes que, moi tout particulièrement, je comptais suivre une fois en Égypte.

Il avait donc raison, on commence enfin à aborder les choses sérieuses...


Maintenant, a-t-il l'intention de me prendre au sérieux ? Ou chercherait-il simplement à me piéger pour avoir une excuse valable de m'éjecter ?

À voir...

En attendant, j'opte pour la sécurité en répondant :

— Comme vous devez très certainement le savoir, Miguel et moi avons des hypothèses quelque peu divergentes, sur le sujet. Je suppose que c'est ça qui vous intéresse. Sa théorie paraît déjà tarabiscotée, alors que donnerait celle d'une gamine de vingt ans ?

Zut, j'ai dit ça tout haut moi ?

— Pour aller encore plus loin dans la franchise, mademoiselle Perez, c'est surtout votre profil de fille de Pablo Perez Corridor qui m'interpelle et serait susceptible de faire la différence avec d'autres candidats. A l'instar de Miguel, son petit frère, votre intérêt pour cette mission est on ne peut plus personnel. Ce qui fait que vous vous impliquerez comme personne d'autre. En outre, ce qui m'intéresse, moi, c'est de savoir si cet intérêt très spécial pourrait être profitable à l'équipe, ou entraverait le bon fonctionnement de ce chantier. Vous comprenez ?

Si je comprends que vous êtes un salopard de première et que vous n'hésitez jamais à tirer profit de la misère des autres, et ceci, sans le moindre scrupule ? N'en doutez pas une seconde, mon cher... Je vous ai percé à jour depuis au moins six heures ! (En réalité, ça ne fait pas six heures que j'ai fait sa connaissance officielle — et que je sombre dans cette cellule —, mais c'est l'impression que ça me donne.)

Il veut savoir si mes intérêts personnels porteront préjudice à l'équipe. Je me connais. Je suis toujours le protocole, la hiérarchie, les règles. J'évite au mieux les conflits, je suis assez docile quand il s'agit d'exécuter des ordres intelligents et ne rechigne jamais à faire des tâches considérées comme ingrates si elles servent au bon déroulement de la mission. Or, si on sort de ce cadre-là, que les ordres deviennent abusifs, hors contexte, inconvenables... Disons que je ne suis plus franchement très malléable. Bien au contraire.

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