— Tu m'entends ?
Derechef la voix de Hori. Je ne comprends pas bien. J'ai vaguement conscience d'être dans ses bras. Toujours dans ma cellule. À terre. Il me porte comme une enfant. Et plus surprenant encore : je suis toujours en vie.
— Que... ?
Je parviens à peine à murmurer.
— Tu t'es évanouie, m'explique-t-il tout bas.
Tiens donc... C'est la deuxième fois que je m'évanouis en vingt ans. Et deux fois que je trouve Hori au réveil.
— Tu as besoin de reprendre des forces. Je ne peux pas te porter éternellement. Si on fuit tous les deux, on aura besoin de se défendre, tous les deux.
« Si on fuit », il a dit. Cela signifie qu'il envisage encore la seconde option selon moi. En revanche, je ne saisis pas pourquoi il n'a pas profité du fait que je sois évanouie pour me tuer. Aurait-il vraiment besoin de moi vivante ? Et si oui, pourquoi ?
Je m'accroche à cet espoir. Je ne sais pas par où commencer, à présent. Reprendre des forces le plus rapidement, le remercier de m'épargner, m'excuser pour l'avoir trahi et lui expliquer que ce n'était pas vraiment ce que j'avais prévu, lui prouver que je suis digne de confiance en lui assurant n'avoir rien révélé aux autorités... D'ailleurs, c'est sans doute pour cette raison qu'il ne m'a pas encore tué.
Il veut s'assurer que je n'ai rien dit.
— Je ne leur ai rien dit, je souffle. Rien d'important.
— Ils t'ont fait du mal ? s'inquiète-t-il en effleurant mon visage, mes cheveux, à la recherche d'ecchymoses ou autre.
J'éprouve le besoin de le rassurer et le convaincre. J'ai besoin qu'il ait confiance en moi.
— Même s'ils avaient fini par le faire, je ne leur aurais rien dit. Tu sais bien que mon père, mon oncle et Will sont encore là-bas. Ça devrait être suffisant pour me croire. Tu me connais. Tu sais que je n'aurais rien dit qui aurait pu les mettre en danger. Tu le sais, pas vrai ?
— Ils ne t'ont pas torturée alors ?
Cette déclaration a l'air de le soulager immensément. Ce qui m'amène à me poser la même question. Et lorsque j'ose enfin poser mon regard encore quelque peu embrumé sur lui, la réponse me saute en pleine figure avec effroi.
Ils ne se sont pas arrêtés qu'aux menaces avec lui. Son visage est...
— Oh non non non ! j'explose à nouveau en sanglots. Je suis tellement désolée. C'est ma faute... Je ne voulais pas...
Je ne suis pas certaine qu'il ait saisi le moindre mot. J'ai plus bredouillé des sons incompréhensibles qu'autre chose, tandis que Hori s'est contenté de me faire taire en ramenant ma tête contre son torse. Un torse que je devine aussi amoché que son visage.
Dans l'histoire, c'est lui qui a réellement souffert (à cause de moi), et il trouve encore la force de venir me délivrer, me consoler.
Ça suffit.
Je relève la tête. Fini, la Vera pleurnicharde. Je lui fais face et lâche :
— En dehors de la cité, tu n'es plus censé me protéger, mais protéger la cité avant tout. En d'autres termes, la logique voudrait que tu me tues.
J'ai lancé ça d'une traite, sans ciller. S'il a réussi à ne pas se moquer ouvertement de mon audace, il n'a pas su réprimer sa surprise :
— L'ennui, c'est que j'ai d'autres projets pour toi. Me voilà donc contraint de te traîner derrière moi tel un fardeau. Encore.
Je suis stupéfaite par cette déclaration. Je le fixe quelques secondes, éberluée, jusqu'à ce qu'il éclate de rire. Je me retiens de lui administrer une tape pour oser pratiquer l'humour dans un moment pareil, me ravise. Je ne veux pas risquer d'aggraver ses blessures.
— Et de quels projets peut-il bien s'agir ? je questionne, la tête haute.
— Sauver le monde. Puis après, seulement si tu es sage, me faire à manger, le ménage, la lessive...
Cette fois-ci, il l'a mérité sa tape sur l'épaule. Ce qui le fait d'autant plus rire.
— Ce n'est pas ce que j'appelle « être sage », poursuit-il sans cesser de ricaner bêtement.
Quelque part, ça me fait un bien fou de le voir comme ça. Malgré son apparence, il a l'air en forme. Sa bonne humeur est contagieuse. Suffisamment pour me remettre d'aplomb en un rien de temps.
Je finis par me relever dignement. Nous sommes parés à affronter le monde. Tous les deux.
Et c'est ainsi que mon geôlier me délivra de la cellule de mes alliés... (On aura vraiment tout vu de nos jours !)

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Khapyphis
Science-FictionÉgypte, 2020. Une petite équipe d'archéologues, guidée par l'intuition de Vera Perez - une jeune femme au passé trouble - fait une découverte extraordinaire qui pourrait mener l'humanité toute entière à une nouvelle aube... ou la conduire à sa pert...