Khapyphis

Chapitre 9.3 - Vera

Pas de doute, ce GPS n'a rien du matériel de l'archéologue type. Étant donné la complexité du machin, ça ne peut provenir que de l'armée. L'armée américaine ou russe. Une armée qui en impose, en tout cas.

Puisque le signal a déjà été lancé, le plan serait d'en renvoyer une bonne série à partir de plusieurs autres endroits. Pour éviter de recourir à un Rastwy à l'extérieur ou de perdre du temps à y aller moi-même, je fais des recherches sur les satellites les plus vulnérables.

Je suis agréablement surprise par la serviabilité des Khapys. Plus de la moitié des chercheurs dans cette salle s'active et se rend disponible pour m'aider. Ils savent comment repérer et accéder à nos satellites sans se faire remarquer en retour. C'est une chance. Je leur préconise de cibler cinq satellites américains, cinq russes, cinq allemands, cinq canadiens, cinq britanniques et ensuite, deux ou trois de chaque grandes nations. Plus le signal se propagera, plus on aura de chance de tenir l'armée à distance.

Nous planchons pendant trois jours sur ces maudits satellites. Nous dormons à peine avec Hori. Nous sommes rentrés chez lui le premier soir, ce fut déjà de trop. Je lui ai fait part de mon désir de me concentrer le plus possible sur cette mission qui me tient à cœur de réussir. Il n'a pas hésité à me suivre en digne petit soldat qu'il est. J'ai presque de la peine lorsque je le surprends en train de se retenir de bailler. J'ai l'avantage d'être coutumière des insomnies et donc fatalement, du manque de sommeil. Pas lui...

Je suis tout aussi subjuguée par les diverses technologies mises à ma disposition. J'étais quelque peu paniquée lorsqu'on m'a appris qu'ils n'utilisaient pas la technologie binaire... « Pas d'informatique ? Pas d'internet ??? Vous déconnez les gars ? » Non. Ils ne plaisantaient pas. Mais lorsqu'ils m'ont présenté ce qu'ils substituent à ça... Disons que j'ai compris. J'ai presque honte de mon holophone — soit disant « dernier cri », « petite merveille de technologie » — à présent.

Ce que je prenais pour des décorations ne sont autre que de petites pierres de quartz. Chacune a pour visée le stockage d'un nombre incalculable de données. J'ignore comment une telle chose est possible, mais toutes ces pierres sont comme inter-connectées par leur simple proximité. Un laser suffit à projeter leur contenu sur divers écrans complètement mobiles. Un jeu d'enfant ! Stupéfiant !

Il est certain que j'aurais du mal à revenir au système ancestral qu'est internet si je retourne un jour chez moi ! Enfin, ce n'est pas la priorité dans l'absolu.

— Le groupe qui se charge de l'Asie vient de me prévenir qu'ils seront prêts dans un petit quart d'heure, m'informe Hori.

Ce groupe-là étant le dernier que nous attendons, nous pourrons commencer à préparer le lancement des signaux d'ici peu. Ce qui est une excellente nouvelle.

— Tu devrais faire une pause et manger un truc, insiste mon geôlier pour la énième fois depuis trois jours. Là, c'est important. On n'a pas le droit à l'erreur.

Sous-entendu « TU n'as pas le droit à l'erreur, Rastwy ! » Mais qu'est-ce qu'il croit celui-là ? Que je vais lui offrir le plaisir de me reprocher un éventuel échec ? JAMAIS ! Je suis déterminée. Nous avons travaillé très dur pour ça. J'y crois.

Qui l'eut cru ? Je commence à m'habituer à leur pseudo café de pacotille. Je n'ai guère le choix de toute façon. Sans ça, je ne sais pas par quel miracle je tiendrais encore debout. Voire même assise. C'est dire !

Ils sont une trentaine autour de moi à attendre mon signal d'envoi. Tant de responsabilité soudainement ! Ça me motive d'autant plus à porter cette mission jusqu'au bout. À partir du moment où le premier signal sera lancé, il faudra en synchroniser plusieurs durant deux jours de façon complètement aléatoire. Au terme de ces deux jours, nous réitérerons l'intégralité de la manœuvre sur une semaine. Puis sur un mois juste après. Le but étant d'espacer les émissions de signaux afin qu'ils occupent l'armée le plus longtemps possible.