Khapyphis

Chapitre 2.1 - Vera

L'Oxysphère est un peu mon troisième chez moi du moment, avec mon appartement et la fac. Depuis l'émergence de la technologie holographique, ce cyber-café moderne a largement su faire remonter les lieux publics dans mon estime (à l'exception des attrape-touristes et des toilettes). Certes, il est très fréquenté, mais il est aménagé et équipé de manière à ce que ça ne se ressente pas.

Je m'y rends en trois minutes chrono. Et à présent que je me retrouve sur le seuil, l'imposante architecture sphérique m'interpelle de nouveau. J'ai beau connaître les lieux par cœur, je ne m'en lasse pas. L'Oxysphère fait systématiquement cet effet sur les gens. Je suis passionnée par l'archéologie, l'histoire, l'évolution, la paléontologie, la science et la géologie, il ne faut donc guère s'étonner que l'architecture et les nouvelles technologies me fascinent tout autant. Surtout lorsqu'on voit toutes ces courbes finement taillées dans des métaux insolites.

La façade extérieure de l'Oxysphère se confond à merveille avec le reflet blanc immaculé des baies vitrées. Celles-ci sont tellement colossales qu'on jurerait presque qu'il n'y a pas de fenêtres. Inutile de préciser, qu'en digne claustrophobe, je n'aurais jamais mis les pieds dans une telle boule à rat si ça avait été le cas.

Je m'arrache à la contemplation de cette merveille architecturale pour porter mon attention vers l'intérieur... Ce lieu est tout bonnement indescriptible. J'essaye de me concentrer sur mes pas et la direction que je prends, en vain. Cette lumière à dominante bleue m'apaise. Elle provient des divers écrans holographiques dispersés sur tous les quatre centimètres carré de la salle, environ. Autant dire qu'il y en a partout. Cet endroit est magique.

Je ne m'attarde pas sur les détails. Je fonce directement vers la numéro quarante-quatre : la table la plus isolée du cyber café.

Ce qu'il y a de pratique à être une habituée, c'est que je n'ai pas besoin de saluer le personnel, ni de passer commande, pour qu'on m'apporte mon premier double expresso. Ici, ils savent que les bavardages, le copinage et toute autre activité à caractère social, ne sont pas mon truc. Je suis donc certaine d'avoir la paix.

J'ai absorbé ma dose de caféine vitale, démarré ma session premium sur le portail holographique et posé mon nouveau jouet sur la table. Je suis fin prête à passer aux choses sérieuses quand un nouveau message me parvient :

« Elle est sacrément remontée... T'as de quoi crécher à l'hôtel ? Disons... de façon permanente ? »

Le pire, c'est que Laure est loin d'exagérer. Je sais très bien comment est ma mère. Infernale. Je fais donc du mieux que je peux pour écarter toutes ces ondes négatives de mon esprit. Je suis juste lasse de passer pour la fille indigne alors qu'au fond, c'est elle qui a des problèmes. Des problèmes bien plus graves que les miens, je veux dire. Voilà pourquoi je m'évertue à adopter le comportement le plus intelligent qui soit dans ces moments-là : je fais l'autruche. Je suis même passée experte en la matière.

Si je pouvais emporter cette table holographique chez moi, je le ferais. Je ne comprends pas tous ces réfractaires à l'holographisme. Fini ces vieilles machines avec clavier, écran, souris. Désormais, on est maître de tout en seulement quelques gestes. Ma configuration favorite est la suivante : je matérialise un écran central face à moi, puis deux autres plus petits sur les côtés. En général, je navigue sur le net sur l'écran central. Je me sers du petit écran de droite comme traducteur multi-langue, multi-symbole. Un outil hautement précieux. Celui de gauche me sert de carnet de notes. J'utilise alors un clavier spécifique pour chacun des trois écrans. C'est d'une simplicité enfantine à manier. Tellement simple qu'en à peine un quart d'heure, j'ai terminé la traduction des hiéroglyphes de la première partie du bouquin. Il n'en reste plus que trente-sept... Aucune importance. Ce n'est pas comme si j'étais pressée de rentrer.