Lisa n'a pas le temps de l'éviter. D'instinct, elle freine, mais la collision est violente, nous enfonçons la camionnette sur le côté et je vois notre capot se froisser comme du papier, juste avant d'être projeté en avant contre l'airbag qui vient de s'ouvrir.
De la fumée s'élève du moteur de notre véhicule et notre pare-brise est fendillé, mais je n'ai même pas le temps de m'arracher à l'étreinte de la baudruche blanche qui me retient ni d'ouvrir la portière qu'un choc encore plus violent que le premier m'envoie m'écraser contre l'appuie-tête puis sur le tableau de bord : la voiture qui nous suivait nous est rentrée dedans après avoir accéléré au maximum.
Le bruit est effroyable et je sens la structure même de la voiture qui se plie, la vitre arrière explose, projetant des débris de verre dans l'habitacle.
J'ai dû perdre connaissance pendant une fraction de seconde car lorsque je reviens à moi, la voiture s'est stabilisée.
Lisa a l'air bien sonnée. Elle est moitié appuyée et moitié soutenue par son siège et un filet de sang coule sur son menton.
Dans quoi est-ce que je suis encore tombé ?
Bon. Je veux sortir. Et c'est pas un vulgaire bout de métal tordu qui va m'en empêcher.
Je suis en train de me mettre en position afin de montrer au bout de métal tordu qui est le plus fort quand j'aperçois des silhouettes suspectes qui se mettent en position sur les divers toits autour de la rue.
Pas le temps de bouger, pas le temps de penser.
Une détonation assourdissante et le pare-brise qui vole en éclat un millionième de seconde avant que j'ai l'impression d'avoir le bras gauche arraché.
La douleur est brutale, atroce. Des points noirs dansent devant mes yeux, je respire par saccades. Mais une certitude s'impose à moi. Je ne peux pas rester dans cette voiture.
Je me jette contre la porte, sur ma droite, avec assez de force pour l'ouvrir malgré son état et tombe brutalement sur le sol, au moment précis où un deuxième coup arrache le siège sur lequel je me tenais.
Ces ordures nous tirent dessus avec des fusils de précision, probablement de l'anti-matériel. Et, plus que probablement, avec ces munitions spéciales dont nous avons eu un aperçu à Khapyphis.
La balle n'a pas pénétré dans mon bras; l'Ishyk l'a stoppé, à un prix élevé. Il doit être hors d'usage et j'ai quand même sacrément ramassé.
Un rapide coup d'œil vers Lisa, qui me fait signe, de la tête, de me barrer au plus vite.
Je cours. Je n'ai aucune idée de l'endroit où je cours, mais je tente de mettre le plus de distance et d'obstacles entre moi, le tireur ennemi et les types qui me poursuivent sûrement.
Une enfilade de ruelles, je bouscule des gens affolés.
Mon bras me gêne. L'os a dû être réduit en bouillie et quelques éclats ont transpercé la peau, c'est pas beau à voir. En plus, je n'ai plus aucune sensibilité et plus aucun contrôle depuis l'épaule jusqu'au bout des doigts. Un bout de viande qui me complique la vie.
J'entends des pas rapides derrière moi. Plusieurs. Ils sont nombreux, les enfoirés. J'imagine qu'il y en a qui me pistent depuis les toits, aussi.
Les toits. Je ferais une cible plus facile sur un toit, mais je ne rencontrerais pas autant de monde. Et puis l'avantage de sauter de toits en toits, c'est que tous les mecs qui ne sont pas du type « chamois » vont plutôt galérer à me suivre.
A gauche. A droite. Un coup de feu derrière moi.
Sans prévenir, je saute et arrive sur un long balcon au premier étage d'un petit immeuble, pulvérisant la barrière sur le côté. Finalement, c'est une bonne chose que l'Ishyk ne soit pas complètement mort, car au saut suivant, c'est le rebord du toit que je vise.
J'agrippe le béton avec ma main droite et me hisse assez brusquement, passant au-dessus d'un type au moment où il se penchait, un pistolet-mitrailleur à la main. Il n'a pas fini de se retourner que je suis déjà à l'opposé du toit et je saute sans hésiter.
Je me réceptionne en roulé-boulé sur le bâtiment suivant, nettement encombré par mon bras inerte. Mais je viens de gagner plusieurs mètres en hauteur, ce qui est appréciable.
Je cours.
Inconsciemment, j'ai pris la direction que nous devions suivre à la base. Je n'ai aucune idée de la taille ou de la forme de la ville, ni si les faubourgs s'étendent suffisamment loin dans cette direction précise, mais tout ce qui peut me rapprocher de Khapyphis est le bienvenu.
Des impacts de balles font éclater la pierre et le ciment autour de moi. Pas question de m'arrêter. Je fais des crochets violents et continue ma course.
Je fais un saut de plus de dix mètres au-dessus d'une place encombrée de véhicules.
Encore des crochets.
Encore des sauts. Les détonations se succèdent sans pause, j'aperçois du coin de l'œil des silhouettes courant sur des toits à plusieurs dizaines de mètres. Sur les côtés et derrière moi.
Essayez toujours de me rattraper, les gars.
Les balles les plus précises continuent de soulever des gerbes de poussière et de petits débris autour de moi, et quelque chose ressemblant à une cheminée explose en éclats à moins d'un mètre de ma tête, touchée par une balle anti-matériel.
Mais vous ne m'aurez pas.
J'atterris sur un bâtiment beaucoup moins haut que les autres et me retrouve face à deux types armés. J'efface le premier sans même ralentir, et balance mon pied dans les côtes du deuxième.
Au saut suivant, je suis obligé de m'immobiliser pour une fraction de seconde, mon élan brisé, quand je me rétablis sur la maison de l'autre côté de l'avenue. Cela suffit pour que les tirs deviennent soudainement plus précis. Je cours.
Un long toit. Plat. Bordé sur les bords de garnitures aussi hautes que moi. Certaines sont en mauvais état, voire inexistantes, mais elles offrent une protection visuelle suffisante pour les quelques secondes que mon sprint dure.
J'effectue une glissade sur les tuiles d'une maison mitoyenne, plonge dans le vide, me rattrape à un câble tendu entre deux bâtiments, me rétablis et repars de plus belle.
C'est à ce moment-là que j'entends l'hélico.
Génial.
Et, bien entendu, cette fois ils n'ont pas oublié le fort potentiel destructeur d'un hélicoptère armé. Le dallage de la terrasse située sur ce toit-ci part en morceaux alors que les balles volent autour de moi et j'entends le vrombissement et le crépitement continu d'une mitrailleuse minigun.

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Khapyphis
Fiksi IlmiahÉgypte, 2020. Une petite équipe d'archéologues, guidée par l'intuition de Vera Perez - une jeune femme au passé trouble - fait une découverte extraordinaire qui pourrait mener l'humanité toute entière à une nouvelle aube... ou la conduire à sa pert...