Une heure s'écoule... J'attends toujours qu'on vienne me dire bonjour. J'ai préparé quelques informations bidons, et j'espère que certaines sèmeront la confusion et inciteront les charmants gentlemen qui me retiennent à aller rendre visite aux autres fouineurs du coin — leur concurrents.
Du bruit dans le couloir. Des voix, puis quelqu'un frappe à la porte.
La commandante entre, accompagnée d'un type qui ressemble plus à une montagne chauve qu'à un humain. Vu son grade, il doit être second, ou quelque chose du genre. Il ne reste pas longtemps.
Sa supérieure s'assied sur la chaise en face de moi, de l'autre côté de la table, et commence par me fixer une bonne dizaine de secondes. S'ensuivent ensuite environ cinquante minutes de questions auxquelles je ne réponds pas, accompagnées le plus souvent de coups violents.
Mon interlocutrice semble taillée dans la glace, mais j'imagine qu'une certaine irritation doit s'installer derrière la carapace. C'est la seule chose qui me fait plaisir, car pour ma part j'ai toujours faim, soif, et surtout mal partout. J'ai beau recevoir des coups atténués, beaucoup de coups, ça fait toujours beaucoup de coups.
Alors qu'elle me regarde fixement avec une pointe de lassitude dans le regard, je décide de la secouer :
— Sinon, ça ne vous est pas venu à l'esprit que vos concurrents aient plus d'informations que vous ?
Quelque chose se fige sur son visage, comme si elle mâchait jusque-là un aliment et qu'elle s'était soudainement arrêtée.
En même temps, c'est la première fois que j'émets un son depuis qu'elle est là.
— On dirait que tu en as marre des bleus, prisonnier. Tu veux déjà passer aux pinces coupantes ?
Je poursuis, en l'ignorant totalement :
— J'ai entendu dire que les foreuses automatiques avaient trouvé des stèles et des minerais étranges. Ils en savent donc probablement plus, non ?
Elle me regarde, pas du tout intéressée.
— Nous avons assez d'agents chez eux qui travaillent pour nous pour savoir ce que nous devons savoir.
Je lui souris :
— Vous êtes vraiment naïve, vous le savez ?
Difficile de dire si elle a tiqué.
Elle soupire :
— Franchement, ta copine était beaucoup plus coopérative.
Mon cœur manque un battement. Puis je me rappelle que Vera devait leur servir des platées de conneries qu'elle avait inventées. S'ils ont aimé ça, tant mieux pour eux.
Je rétorque narquoisement :
— Ma copine ?
Elle me regarde comme si j'étais un insecte attardé :
— L'archéologue que vous reteniez là-dessous. Oh, elle a refusé de parler, au début. Et elle a beaucoup crié, ensuite. Mais ces salles...
Elle fait un geste qui englobe l'ensemble de la pièce :
— Ces salles, et mon adjoint, savent se montrer très persuasifs, assène-t-elle avec un sourire carnassier.
Oh.
Je sens vaguement le sang qui afflue sur mes tempes en un battement sourd.
Ils avaient d'autres salles comme celle-là ?
Ils ont torturé Vera depuis que je suis arrivé dans la mienne ?
La commandante me parle toujours, apparemment. Avec un petit sourire satisfait.
Je n'entends qu'un bourdonnement. Une partie de moi calcule le chemin optimal pour sortir d'ici en y laissant le maximum de cadavres en un minimum de temps. Une autre partie de moi ressent avec extase l'afflux de l'adrénaline. Et une dernière imagine avec dégoût la montagne humaine face à Vera.
Vous voulez jouer à ça ? C'est parti.
La commandante n'a pas le temps de bouger. J'ai été trop rapide pour elle. Son bras esquisse un mouvement défensif alors que toute la longueur d'un des pieds de ma chaise s'enfonce déjà dans son œil gauche.
Je suis déjà à mi-chemin entre elle et la porte quand un des gardes ouvre le feu. Les balles me passent largement au-dessus tandis que j'effectue une longue glissade, puis au-dessous quand je suis en l'air, dans un saut qui m'amène contre le mur, au-dessus de la tête du soldat.
Il a un spasme quand je le frappe à la gorge du tranchant de ma main, commence à glisser au sol. Je le ramène devant moi, et son corps tressaute sous les impacts des balles de l'arme automatique du deuxième mercenaire, qui vide son chargeur dans notre direction.
Je n'attends pas qu'il recharge. Celui que je soutenais n'a pas encore touché le sol que son camarade passe déjà à travers la porte, avec moi derrière.
J'expédie au tapis, en moins de cinq secondes, les deux types qui se trouvaient dans le couloir. La militaire qui tentait de me planter dans le dos un énorme couteau les rejoint bientôt. Ce même couteau fait directement un vol spectaculaire qui s'achève entre les deux yeux d'un gradé à vingt mètres de là.
J'essuie un barrage de balles dans la première salle où je rentre, puis tombe nez à nez avec une barricade improvisée dans la pièce où se trouvaient les appareils médicaux. Une fois la plupart des pièces nettoyées, j'arpente tous les couloirs, mais chacun des militaires restants semble déterminé à se cacher dans un coin pour me prendre par surprise, et je dois plus d'une fois faire face à des petits groupes d'ennemis.
Ce n'est qu'une fois perdu que je me rends compte que l'endroit entier n'est qu'un gigantesque labyrinthe absurde. Pour prendre du recul, il faut que je sorte.
Je défonce un mur en me jetant contre, et me retrouve dehors.
À genoux dans le sable chaud, je lève la tête vers le soleil, ce soleil qui m'a tant manqué durant les dernières heures. Entouré de débris de béton, de métal et de roche, dans le vent qui balaye le désert, je sens mon esprit redevenir calme.
Je me ressource pendant quelques minutes, puis décide d'y retourner.
C'est alors que j'aperçois les autres structures, à une cinquantaine de mètres devant moi.
J'étais auparavant dans une construction qui avait toute la grâce d'un bunker, mais ça, c'est plutôt un réseau de petits bâtiments. Je suppose que l'ensemble est relié en-dessous. C'est probablement aussi pour cela que j'avais l'impression de tourner en rond dans un endroit vide. Vera n'y était pas, elle se trouve devant moi. Avec tous ceux qui restent.
Un signal se propage le long de ma colonne vertébrale : l'Ishyk gorgé de lumière et de chaleur, est complètement rechargé.
Je me lève. Il est temps de continuer.
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Khapyphis
Khoa học viễn tưởngÉgypte, 2020. Une petite équipe d'archéologues, guidée par l'intuition de Vera Perez - une jeune femme au passé trouble - fait une découverte extraordinaire qui pourrait mener l'humanité toute entière à une nouvelle aube... ou la conduire à sa pert...