Chapitre 19.1 - Vera

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Je ne suis même pas surprise de ce comité d'accueil à Paris. Enfin techniquement... si. Un peu. Mais quelque part, je m'attendais à une riposte dangereuse, stupide et pas très discrète de la part de Hori. Mais alors là ! LA ! On frôle la quintessence de la discrétion !

Je n'avais pas encore atterri que c'était déjà la panique à bord. Si je n'avais pas reconnu la source de toute cette agitation, planté là au beau milieu des pistes, j'aurais sérieusement cru à un attentat désastreux. Comme les personnes autour de moi. Mais je sais reconnaître les machines de Khapyphis contrairement à eux. Et je connais précisément la raison de leur présence ici... Hélas...

Le point positif est qu'il n'arrivera rien de mal à qui que ce soit. Je ne connais pas plus pacifiste que les Khapys. Si on ne menace pas Hori, personne ne sera blessé. Et même si les apparences sont trompeuses, je suis quasiment certaine que tous ces véhicules en feu autour de cet engin destructeur ne comportaient personne à bord. Du moins, je l'espère de tout cœur. Je ne supporterais pas d'endosser la responsabilité de la mort d'innocents sur ma conscience. Et Hori le sait. Ce qui me conforte dans l'idée que tout se passera bien.

Enfin... peut-être pas pour mon matricule à moi.

Ce qui m'amène au point négatif. Car il y en a forcément un, comme toujours ! Comment vais-je bien pouvoir m'y prendre pour échapper à mon geôlier le temps de trouver Laure ?

Je calcule rapidement mes chances. Je n'ai jamais excellé en maths, mais ça n'est pas nécessaire pour prendre conscience que mes probabilités de réussite sont quasi nulles. En gros, je ne suis qu'une Rastwy archéologue de vingt ans. Petite. Menue. Et je suis coincée dans un avion qui ne comporte que trois issues de secours. Inutile d'être devin pour savoir qu'on va bien gentiment surveiller ma sortie de très près...

Et puis même si j'arrivais, par je ne sais quel miracle, à sortir en sioux d'ici, il me resterait encore l'épreuve de l'aéroport.

Je me rends à l'évidence.

Je suis fichue.


Après, je peux gagner du temps. Le chaos dans cet avion pourrait bien me donner un léger avantage. J'allume l'holophone de ma mère et n'ai aucun scrupule à harceler Laure de messages. Si avec tout ce que je viens de lui envoyer, elle ne rapplique pas à l'aéroport dans moins de vingt minutes, je...

Un message de Laure !

« Tu ne peux pas tomber plus mal. C'est la folie à Paris. Attaque terroriste à l'aéroport. À l'hôpital on s'attend au pire. Dis-moi que ça n'a rien à voir avec toi et que tu n'es pas en danger ! Et pitié, ne me dis pas que tu es à l'aéroport !!!!! :'(  »


Mon dieu si elle savait !

Je réponds :

« Ce ne sont pas des terroristes, crois-moi. Ils sont juste là pour me chercher au plus vite. Pour me protéger. Mais je ne les suivrai pas sans toi. Alors débrouille toi pour venir vite, c'est urgent ! »

Elle ne doit vraiment rien comprendre, c'est certain. Mais comment la mettre au fait de la situation le plus clairement possible, et ce, sans l'effrayer et de façon efficace ?

Avant qu'elle ne m'envoie à nouveau un message inutile inondé de questions, je renchéris avec :

« Écoute, plus vite tu seras là, plus vite tout ce raffut cessera ! Fais-moi confiance, je t'en supplie. Viens !!!!!!!!!!!!!!!!! »

C'est son genre à elle d'abuser des points d'exclamation. Pas le mien. Et elle le sait. J'espère qu'il s'agira là du détail subtil qui la convaincra.

Je n'ai cependant pas le temps de guetter son éventuelle réponse que le commandant de bord nous annonce enfin quelque chose d'utile. Non parce que les « calmez-vous » et autres annonces du genre n'ont pas été d'une efficacité franchement saisissante jusqu'ici. Les gens ont besoin de comprendre pour être rassurés. Et en général, on essaye pas de comprendre plus loin que la terreur qui se pointe au bout de notre nez. Et à leur décharge, des blindés enflammés, des cris, des avions partout qui attendent, comme nous, que la situation se stabilise pour faire évacuer ses passagers en toute sécurité, des troupes d'élites rassemblées autour d'une machine de guerre stupéfiante et complètement inédite... J'admets volontiers qu'il y a de quoi paniquer. Hors contexte.

— Mesdames et messieurs, la tour de contrôle vient de nous informer que cinq avions devant nous avaient évacué sans le moindre problème. Nous allons, à notre tour nous diriger vers cet espace sécurisé. Nous vous demandons, dans la mesure du possible, de faciliter l'évacuation en restant le plus calme possible. Et tout se passera bien. Sachez qu'à priori, aucun avion n'aurait été touché. La situation semble sous « contrôle » de l'armée. La compagnie air France s'engage à faire de votre sécurité, notre priorité. Merci pour votre attention et votre compréhension.

Puis la même chose en anglais et en je ne sais quelle autre langue encore. Plus personne n'écoute de toute façon. J'arrive à lire la peur chargée d'espoir à travers leur regard, c'est assez troublant. Je dois avoir la même expression, mais pour une raison on ne peut plus différente.

Je vais pour consulter l'holophone lorsque des cris s'élèvent à l'unisson dans l'avion. Et voilà que ça se bouscule dans tous les sens.

Je comprends rapidement que Hori sait que je me trouve dans cet avion-là, précisément. Avec la quantité de soldats armés, agents et armement pointé sur le nouveau jouet de Hori, j'imagine que rejoindre mon avion à pied pour m'intercepter n'est pas une option. Il faut bien sûr qu'il m'escorte avec son engin de la terreur...

Moi qui m'inquiétais seulement de trouver un échappatoire à Hori ! Qu'adviendra-t-il de moi lorsque les autorités Rastwys comprendront que tout ce chaos a été généré par ma faute ? Non mais qu'est-ce que Hori a en tête au juste ? Que je sorte comme une fleur de cet avion, embarque avec lui comme si de rien n'était et que... retour à Kaphyphis ? Sans Laure ? Sans donner la moindre explication à tous ces gens ?

Je dois à tout prix cesser de me torturer avec toutes ces questions. Là, tout de suite, dans l'absolu, je dois gagner du temps. Je suis petite. Menue. Je dois trouver le moyen d'en faire un avantage, pour une fois. Je vais me faufiler entre plusieurs personnes. Ça ne sera pas compliqué étant donné que tout le monde se bouscule. Quoiqu'on finirait par se détacher. J'opte pour la seconde option. Je me planque dans un des coffres des bagages à main. En boule.

Si on m'avait dit que je me retrouverais là un jour !


J'entends de moins en moins de bruit. Ce qui signifie qu'il ne reste plus grand monde à bord de l'avion. Et qu'il y a moins de risque qu'on ouvre ce coffre.

Hori l'ouvrira, lui.

Je cherche une meilleure cachette.

Grâce à la panique générale, certains passagers ont laissé les bagages à main les plus encombrants. Je me dépêche d'en trouver un suffisamment large. Je le vide et essaye de me contorsionner dedans. Je suis petite. Menue. Et ça marche ! Je ferme le coffre dans lequel je me trouve (qu'on le croie ou non, ces coffres n'ont pas été conçus pour être fermés de l'intérieur. Dans une autre vie je penserai à soumettre cette observation à Air France). Puis j'essaye tant bien que mal de fermer la fermeture éclair du sac qui me comprime. Je laisse seulement une ouverture pour le peu d'oxygène qu'il me reste à épuiser.

Laure, dépêche-toi ! Pitié !

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant