Mon chez-moi est relativement spacieux, ce qui se révèle souvent pratique. J'ai une pièce, rarement utilisée, qui sert de chambre supplémentaire. Ayant installé Vera dans la mienne, c'est là où je vais dormir. En attendant, cette même Vera dort toujours et va roupiller encore un bout de temps, d'après les soigneurs.
Nous sommes donc installés dans la pièce principale, Djar, Kémès et moi.
Djar et Kémès sont mes meilleurs amis. Je n'ai jamais eu de difficultés à nouer des amitiés, d'abord avec les enfants de mon quartier quand j'étais petit, puis plus récemment avec mes compagnons de formation, mais ces deux là sont bien plus que de simples amis.
J'ai rencontré Djar à treize ans, pendant la formation préliminaire de garde d'élite, qui nous voyait mélangés avec les futurs soldats. Dire que le courant est tout de suite passé entre nous serait un euphémisme. Nous sommes devenus un binôme soudé, inséparable, que ce soit pendant les périodes d'étude ou de repos. Djar m'a alors, à un certain moment, présenté à l'une de ses amies, Kémès, qui était alors aussi mélangée avec les aspirants soldats dans le cadre de sa formation de pilote, mais à qui je n'avais jamais parlé.
Résultat, nous sommes passés de binôme à trio. Si autour de nous gravitaient un plus grand groupe d'amis, nous en étions le centre, le cœur. Et aujourd'hui encore, nous nous retrouvons très souvent tous les trois — notamment dans des moments comme celui-là.
Kémès est pensive, son regard perdu dans le vide. Djar, quant à lui, continue de boire, imperturbable.
Avant même qu'il n'ouvre la bouche, je sais qu'il va parler.
Je les connais trop bien, ces deux-là. Et c'est entièrement réciproque. C'est à la fois un avantage et un inconvénient.
Avantage, car l'ambiguïté disparaît totalement de nos conversations, ainsi que les quiproquos. On gagne aussi énormément de temps et on a un peu l'impression de faire partie d'un tout, d'être à nous trois une entité unique.
Inconvénient, car du coup j'ai souvent un temps d'adaptation avec mes autres interlocuteurs. Soit c'est d'eux que j'attends une compréhension directe, soit je commence à expliquer des choses évidentes à Kémès et Djar. Ce qui nous amène généralement à des fou-rires.
Rien de grave, donc.
Djar repose son verre. Il tourne la tête en direction de ma chambre, là où Vera dort, puis dans ma direction, puis de nouveau vers la chambre :
— Donc tu...
Il se tourne encore une fois vers moi :
— Tu...
Il poursuit, sur le ton de la confidence :
— Tu as une Rastwy dans ton lit ?
J'éclate de rire :
— Gros malin... Mais oui, théoriquement, elle dort bien dans mon lit, là.
— Donc elle ne t'a encore, disons, rien dit de personnel ? Enfin, même, elle ne t'a pas directement adressé la parole à toi ?
— Non. Mais ne t'en fais pas, j'attends ce moment-là avec impatience, j'ironise.
— Ton expression faciale m'indique le contraire.
— Tu en aurais été tout retourné, hein, si j'avais été sincère.
— Ç'aurait été une première, oui.
— Djar, arrête, t'es vraiment mal placé pour dire ça, intervient Kémès.
Djar lui tire la langue.

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Khapyphis
Bilim KurguÉgypte, 2020. Une petite équipe d'archéologues, guidée par l'intuition de Vera Perez - une jeune femme au passé trouble - fait une découverte extraordinaire qui pourrait mener l'humanité toute entière à une nouvelle aube... ou la conduire à sa pert...