Chapitre 12.4 - Vera

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Il ne me reste plus qu'à trouver comment accéder au vrai « dehors ». Mais je ne suis plus sous l'emprise des Khapys. C'est déjà ça.


Je n'ai pas vraiment le temps de me concentrer sur ma recherche d'issue : d'abord, le bruit qui n'était auparavant qu'un bourdonnement est à présent bien plus fort. Vu le vacarme, c'est peut-être bien l'extérieur qui va venir à moi, finalement.

Je n'ai pas non plus le temps de comprendre ce qui m'arrive que quelque chose m'attire sans ménagement vers la droite. Ce quelque chose est en fait un « quelqu'un ». Et ce quelqu'un ressemble à s'y méprendre à Hori. Mais cela n'aurait pas de sens. Comment aurait-il traversé son champ de force ? Ce n'est pas un Rastwy. À moins que...

Bon sang, je n'ai pas les idées claires.

J'ai du mal à suivre le rythme. Mes jambes protestent. Mon esprit aussi. J'essaye de suivre, j'essaye de comprendre, j'essaye de rassembler un peu tout ça à la fois. En vain.

— Vera !

C'est effectivement Hori. Si l'urgence de la situation n'était pas aussi frappante, j'aurais protesté. Mais son cri était tellement chargé d'angoisse que je fais mon possible pour ne pas le décevoir. Pour une fois.

Nous courons tellement que mes jambes se sont mises en mode automatique. Je ne sens plus rien en dehors de la main qui me tire le poignet droit.

Combien de mètres, ou plutôt kilomètres, avons-nous parcouru ? Je répondrais trois. Si mes jambes et mes poumons pouvaient intervenir, ils diraient au moins cent vingt-deux.

J'ai mal.

Partout.


Hori finit par ralentir tout en m'attirant dans une sorte d'abri de fortune, mélange de pierre, de métal et de vieux tuyaux. J'étais tellement préoccupée par mes jambes que j'en ai oublié de voir les alentours. En même temps, tout est tellement sombre ici. On entrevoit des morceaux de matières par-ci par-là grâce à la lueur qui émane du champ répulseur. Mais à présent que nous en sommes éloignés, c'est à peine si je distingue Hori, qui me tient toujours le poignet.

— Essaye de faire le moins de bruit possible, me chuchote-t-il à l'oreille.

Facile à dire. J'ai six points de côté au moins et l'impression de suffoquer à chaque inspiration, alors que lui me donne l'impression de sortir d'une séance de cinéma des plus banales. Injustice.

— Voilà le topo, poursuit-il. Tu es sorti de la zone sécurisée et nous as embarqué dans ce pétrin. À partir de là, nous n'avons pas d'autre choix que d'attendre que la voie se libère pour rentrer.

— Rentrer ? je parviens difficilement à prononcer.

— Écoute, je ne sais pas ce que tu t'es imaginé, mais si tu crois être plus en sécurité ici qu'à Khapyphis, tu te trompes magistralement.

Magistralement ? Ben voyons !

— Vera... Que tu le croies ou non, ces gens qui sont partout autour ne sont pas tes alliés. Pas plus qu'ils ne sont les nôtres.

Je ne sais même pas pourquoi je l'écoute encore. « Balivernes », voilà tout ce que m'inspirent tous ses petits discours manipulateurs. J'essaye de me libérer le poignet. Il resserre son emprise.

— Mais enfin tu vas cesser oui ? me gronde-t-il (pour changer !). Que dois-je faire pour que tu me prennes au sérieux, bordel ? Tu ne vois pas que je me suis mis en danger pour sauver ta peau ? Ces Rastw... Ces soldats qui nous attaquent ne peuvent rien contre nous tant qu'on reste sous la protection du champ. Tu en as conscience de ça, n'est-ce pas ?

Pour une fois, je le trouve trop bavard. Il ne peut pas juste la mettre en veilleuse et me laisser... Je ne sais pas... Tranquille, pour commencer.

— Quand vous êtes arrivés, vous étiez hors couverture du champ. On vous a ensuite appliqué le même traitement qu'à nous. Un léger traitement qui modifie très légèrement notre séquence ADN, qui nous permet de passer cette barrière de protection et de vivre sereinement à l'intérieur. Alors oui, on pourrait facilement se réintroduire dans la cité. Seulement tous les deux. Seuls. Le champ ne s'ouvrira pas s'il détecte des organismes à l'ADN non modifié à proximité. C'est la raison pour laquelle nous sommes condamnés à attendre en silence que ces rapaces s'en aillent. Et ceci, en priant pour qu'ils ne nous trouvent pas avant. Et que ça ne soit pas trop long. Il y a des endroits plus hospitaliers, tu en conviendras.

Très intéressant. Ce long monologue m'a juste permis de reprendre mon souffle au calme.

— Bon, c'est bon ? Tu as fini ? je l'interroge avec un détachement dont je suis très fière.

— Vera...

— Ça t'ennuierait de me lâcher le poignet ?

— Je l'aurais fait depuis longtemps si j'étais certain que tu ne ferais pas de bêtises.

Je soupire...

— T'en as pas marre de me traiter comme une gamine ? Parce que pour ta gouverne, moi, si.

— J'y peux rien si tu n'en fais qu'à ta tête ! objecte-t-il sur la défensive. Mais enfin tu ne vois pas que tu fais absolument TOUT pour me compliquer les choses ?

— Si tu avais joué franc jeu avec moi depuis le début, j'aurais été beaucoup plus volontaire que tu ne le penses. Mais non. C'est moins embarrassant de faire des cachotteries et plus simple de me manipuler. Tellement mieux !

Cette fois ci c'est lui qui soupire.

— Toi et tes théories du complot !

— Eh oui, une Rastwy éternelle ! je réponds avec insolence.

Silence pesant.

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant