Chapitre 19.2 - Vera

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Je crois que j'ai entendu une explosion avant de devenir sourde. À en juger par l'intensité de cette détonation, je dirais que c'est l'avion dans lequel je me trouve, qui a explosé. Si je ne suis pas morte, je dois être complètement à la masse. Je ne comprends rien de ce qu'il se passe. Je n'entends plus qu'une note continue des plus perturbantes. Ça sent le cramé tout autour de moi et je sens que je bascule vers l'avant de l'appareil. Aux dernières nouvelles, l'avion était à terre. Il ne me semble pourtant pas avoir perdu connaissance. Quoique je ne serais plus à ça près, depuis Khapyphis.

Je me sentais basculer, maintenant, je sais que je glisse réellement. Je ne suis pas vraiment inquiète pour ça. Les parois du coffre finiront bien par me retenir. Si je suis toujours dans ce coffre à bagage, bien entendu. J'ai connu des pertes de repère moins flagrantes.


J'avais raison sur un point, quelque chose a bien fini par me rattraper. Je n'avais juste pas anticipé que ça serait des bras.

Tout a l'air de se passer très vite. Je suis toujours dans ce sac, privée d'ouïe et de vue. Le toucher n'en parlons même pas ! C'est à peine si je suis capable de sentir une parcelle de mon corps, dans cette situation des plus cocasses. Quant à l'odeur... La théorie de l'avion qui explose reste d'actualité...

Suite à ça je sens qu'on me pose délicatement à terre. Sur un sol tout de même pas très stable. J'ai l'impression d'être dans un wagon de montagne russe. Rien que ça...


Je comprends que je suis dans l'engin de Hori lorsque je sens ce fameux wagon décoller. J'en ai la confirmation lorsque mon geôlier me délivre de ma cage improvisée. Ma piètre cachette fut d'une utilité sans précédent ! Si j'avais su je ne me serais pas donné la peine de me contorsionner de la sorte. Je parviens difficilement à me déplier.

Peu importe. Engourdie ou pas, il me reste toute ma tête. J'ignore comment je suis parvenue jusqu'ici indemne - quoique je n'ai toujours pas récupéré l'usage de l'ouïe -, mais je n'ai pas oublié mon objectif. Je lis sur les lèvres de Hori « ça va ? ». Qu'il ait l'air profondément inquiet pour moi ne change rien à la situation. Je ne partirai pas d'ici sans ma meilleure amie.

— Je n'ai pas fait tout ça pour rentrer sans Laure ! j'éructe de rage.

Si je n'entends rien, c'est loin d'être leur cas. Je crois bien avoir hurlé.

Kémès est aux commandes de l'engin destructeur. Ce qui fait que Hori peut se consacrer entièrement à moi. Ce qui est loin de m'arranger. Déjà que je n'étais pas vraiment en position de force dans ce truc ! Là j'ai tout bonnement l'impression d'être réduite en l'état d'escargot réclamant sa part de salade, au beau milieu d'un troupeau de lièvres affamés. Autrement dit, j'aurais beau vouloir, dire, décider ce qui me chante, ça ne changera strictement rien.

Je tente ma toute dernière carte, en désespoir de cause. Résignée, je reste néanmoins très calme.

— C'est de l'abus de pouvoir ce que tu fais Hori. Ce qui t'a motivé à venir me chercher est la même chose que ma démarche vis à vis de Laure. Sauf que toi tu es mieux équipé. Tu as fais tout ce chemin en un rien de temps j'imagine. Si ça se trouve, Laure est juste en dessous, qui sait ! Ça prendrait combien de secondes supplémentaires pour la chercher ? Cinq, peut-être sept ? Mais non. Au lieu de ça tu es en train de me forcer à subir les évènements. Ce qui fait qu'à cause de toi, je vivrai avec ça sur ma conscience toute ma vie. A cause de toi, je ne verrai plus jamais ma meilleure amie.

Hori reste stoïque. Il n'ose pas m'affronter du regard. Et comme je sens qu'il est à deux doigts de céder, j'achève avec :

— Il s'agirait de Djar dans cet hôpital tout près, tu t'y rendrais sans la moindre hésitation. Le fait que tu sois venu jusqu'ici pour moi en est la preuve.

KhapyphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant