Je revis après une douche d'au moins quarante-cinq minutes. C'est l'apothéose lorsque je sens l'odeur du café en rejoignant ma mère.
Du vrai café !
Je ne pensais pas être aussi dépendante de ça avant de sentir cet arôme se répandre dans mon organisme. C'est un tel émerveillement ! J'en oublie presque ma mère et la montagne de questions qu'elle s'apprête à m'infliger.
Presque.
Mais de toutes celles, pertinentes ou pas, auxquelles j'aurais pu m'attendre... Non, Lisa Perez me lâche ça :
— Hori et toi, vous sortez ensemble ?
...
— J'en étais sûre ! se met-elle à glousser avec un sourire jusqu'aux oreilles (que je lui ferais bien ravaler en vitesse si j'étais pourvue de cruauté). Il n'y a qu'à voir la façon dont il te regarde.
— Il ne me..., je bafouille. Il ne... N'importe quoi ! Hori et moi on est juste...
En fait, je n'en sais rien. Avant il était mon geôlier. Désormais il est davantage mon sauveur qu'autre chose. Est-ce que sauver quelqu'un fait de nous un ami ? Dans ce cas Hori et moi serions les meilleurs amis du monde. Sauf qu'à part Laure et Will (parce qu'il est trop vieux pour me faire des coups bas), je ne suis pas du genre à laisser les gens devenir mes amis. Et ma mère le sait parfaitement.
— De toute façon ça ne te regarde pas, je conclus en prenant bien soin d'éviter son regard.
— Il n'est pas très causant, mais plutôt beau garçon !
— Maman ! je m'offusque en piquant un fard.
— Oh eh bien, je sais quoi dire pour que tu cesses de m'appeler par mon prénom, ricane-t-elle en tentant de m'acheter son pardon en me servant des crêpes.
Je meurs trop de faim. La rancune attendra.
Manger me donne assez de force pour contre-attaquer ma génitrice. C'est donc moi qui vais l'assommer de questions. C'est d'usage après tout. C'est elle qui m'a caché l'existence de la cité et les liens avec eux durant tout ce temps.
— Donc, depuis le début, tu savais pour Khapyphis.
A la base je n'avais pas prévu de lui dire ça sur un ton de reproche. Mais maintenant que c'est fait, c'est fait.
— Ra... Maintenant que tu as vu comment c'est là-bas et qui ils sont, tu peux comprendre que...
— Que ma propre mère m'a menti depuis plus de six ans ? Non, pas vraiment.
Elle me ressert une crêpe. Il va lui en falloir beaucoup de ses succulentes crêpes pour me faire passer la pilule !
— Je n'avais pas le choix ! se défend-t-elle. Ton père et moi avons passé un pacte avec eux. Tu te rends bien compte à quel point c'était sérieux. Ils ont accepté de me laisser sortir de la cité qu'à l'unique condition que je ne revienne jamais en Egypte et que je ne parle de Khapyphis à personne. Sauf s'ils m'en donnaient l'ordre, comme ils l'ont fait il y a quelques jours.
— Mais tu savais que je faisais tout pour retrouver papa. Et toi, au contraire, tu faisais tout pour me laisser croire qu'il était mort ! Quelle mère ferait ça ? j'explose.
— Une mère qui tient à la vie de sa fille et sa famille. Tu crois qu'ils m'ont laissé partir comme ça ? En se reposant uniquement sur la confiance qu'ils pouvaient bien m'accorder ? Non mais as-tu la moindre idée de ce qu'ils pensent de notre civilisation ? On accorde pas grand-chose à des Rastwys comme nous. Ton père et moi avons dû remuer ciel et terre pour arriver à cet accord. Jamais je n'aurais pris le risque de trahir leur confiance.

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Khapyphis
Fiksi IlmiahÉgypte, 2020. Une petite équipe d'archéologues, guidée par l'intuition de Vera Perez - une jeune femme au passé trouble - fait une découverte extraordinaire qui pourrait mener l'humanité toute entière à une nouvelle aube... ou la conduire à sa pert...