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Dans une petite ville du nom de Groseille se trouvait une charmante maison toute en pierre, avec un grand jardin et de nombreux chats. C'est dans cette demeure que se trouvait Océane, avec sa sœur Marine et leur grands-parents Christiane et Serge.

Comme tous les mercredis après-midi, les deux sœurs rendaient visite à leurs aînés. Assise sur un pouf vert, Océane soufflait sur son chocolat chaud pour le faire refroidir pendant que Serge lisait son journal et que Marine aidait Christiane à faire du pain perdu.

Le rituel était toujours le même: une fois le ventre plein, les deux sœurs s'asseyaient côte à côte; Marine sur le fauteuil, emmitouflée dans une couverture polaire, Océane sur le pouf. Ensuite, elles patientaient : leur grand-mère allait bientôt leur lire une histoire.

Les histoires de Christiane étaient différentes des autres : elles ne figuraient dans aucun livre, même si cette dernière niait catégoriquement les avoir inventées. La grand-mère maternelle était, de plus, une excellente conteuse : même Serge finissait toujours par lever les yeux de son journal pour l'écouter.

Lorsque Christiane revint, elle les fit languir un peu, comme toujours. Finalement, elle mit fin au suspense: cette fois-ci, ce serait la légende de Lac. Marine ne put cacher sa déception (elle préférait les histoires de reines et de prétendantes au trône), mais Océane ouvrit grand ses oreilles.

Cette histoire commence il y a longtemps, très longtemps. Suite à l'exil de Satan sur Terre, cette dernière était ravagée par des guerres, des meurtres, des maladies, des famines...Tout n'était que désordre et disharmonie. Le mal avait infiltré les hommes et les avait dressés les uns contre les autres. Certains étaient cruels pour s'enrichir, d'autres pour le pouvoir ou la gloire et les derniers l'étaient par pur plaisir. Oui, Satan avait réalisé du bon travail mais pour autant, il n'avait pas encore gagné la guerre.

Au cœur de tout ce désastre, certains hommes, femmes et enfants refusaient de se laisser envahir par les Ténèbres. Ils luttaient sans relâche, certains en se maintenant hors de portée du mal, d'autres en s'organisant en armée. Peu à peu, une ville fortifiée fut édifiée et tous ceux qui résistaient y trouvèrent refuge.

Dans cette ville invisible aux yeux du Mal, tous les habitants contribuaient à leur manière à la vie en société et dans la limite de leurs compétences. Ainsi, huit catégories de talents furent déterminées ; les six premières concernaient les adultes, les deux dernières les enfants.

Les stratèges étaient des gens intelligents et très malins. Ils étaient nommés à la tête de la résistance et de l'armée, prenaient les décisions essentielles, élaboraient les règles de fonctionnement, les stratégies d'attaque et de défense.

Les combattants, doués dans le maniement des armes, défendaient la résistance et protégeaient la population.

Les fabricants, manuels et créatifs, fournissaient à l'armée toute une batterie d'armes plus sophistiquées les unes que les autres, des protections quasiment infranchissables, des tenues de combat ingénieuses et des moyens de locomotion innovants.

Les formateurs étaient quant à eux intelligents, doués et pédagogues. Ils s'occupaient de la formation de tous afin que chacun développe au mieux ses talents. Ils avaient tous au moins une autre compétence qu'ils enseignaient.

Les guérisseurs connaissaient les plantes et le corps humain sur le bout des doigts. Grâce à cela, ils soignaient les blessés et les malades.

Les nourriciers prenaient soin de la population, alimentaient la résistance et l'armée, s'occupaient des enfants, maintenaient la ville propre et accueillante et assuraient à tous un repos réparateur.

Les divertisseurs étaient des enfants drôles, imaginatifs, malicieux. Ils égayaient les journées de la résistance en montant des spectacles comiques ou de magie.

Enfin, certains enfants témoignaient d'un don pour prédire l'avenir : on les appelait les Oracles, car ils faisaient des rêves prémonitoires. Mais si ces derniers étaient une véritable force pour la résistance, ils avaient appris que le futur évoluait et se mouvait en permanence et qu'il ne fallait jamais rien tenir pour acquis.

La vie suivait son cours dans la ville fortifiée ; chacun avait son rôle et tout se déroulait comme prévu. L'armée combattait sans relâche ; elle parvenait parfois à prendre l'avantage, mais était souvent contrainte de battre en retraite. Au fil du temps et de l'expérience, certains nourriciers développèrent des talents magiques. Ils semblaient pouvoir contrôler certains éléments, comme la pousse des arbres par exemple. Peu nombreux, il apparut que tous étaient des femmes. On les appela les ensorceleuses et elles marquèrent un nouveau tournant dans la guerre.

Le rapport de force s'inversa alors et l'armée décida qu'il était temps pour certains membres de la résistance de se joindre à eux pour une attaque décisive : un Oracle fut choisi ainsi que plusieurs chefs. La plupart des guérisseurs et toutes les ensorceleuses les accompagnèrent, excepté une qui resta auprès de la résistance au cas où les choses tourneraient mal.

La guerre dura encore un moment ; les Oracles qui étaient restés au camp voyaient sans arrêt le vainqueur changer : un jour, le Mal l'emportait et le monde sombrait dans le chaos, le lendemain, leur armée remportait la victoire. Finalement, après d'innombrables pertes des deux côtés, le Mal fut tenu à distance. Avec l'aide des ensorceleuses et des fabricants qu'ils avaient fait venir en renfort, ils érigèrent une grande muraille séparant la Terre en deux. Cette dernière était infranchissable.

Les résistants se séparèrent : certains restèrent à la muraille, pour la protéger ; d'autres regagnèrent le camp, où tout était à reconstruire. Le soldat qui s'était le plus illustré dans la bataille s'appelait Laurent. Il fut nommé roi de la barrière. L'un des chefs (Jonathan), qui s'était également particulièrement impliqué dans la bataille, et Martin (l'Oracle), furent nommés pour le conseiller et le seconder. Il fut décrété que leurs descendants prendraient leurs places lors qu'eux-mêmes ne seraient plus en mesure de régner.

La guerre gagnée, une grande fête fut célébrée, mais elle ne dura pas longtemps : il y avait tant à reconstruire et tout à protéger.

Dès le lendemain, tous s'attelèrent à la tâche. Le camp fut nommé « royaume de la lumière » en opposition à la « Terre sombre ». Les arbres, les fleurs et l'herbe repoussèrent, les lacs se remplirent, l'air se purifia, les animaux refirent surface et la vie retrouva toute sa douceur. L'harmonie était revenue.

Dans ce royaume, une ville un peu particulière fut bâtie. C'était la plus étendue et la plus belle de toutes, bien que ne figurant sur aucune carte. Cette ville s'appelait Lac. L'immense château qui la surplombait abritait une école formant tous les élus, ceux qui possédaient l'un des dons ; les meilleurs formateurs y résidaient et y enseignaient. Ce dernier hébergeait également le Conseil dirigeant, composé d'une reine (l'ensorceleuse restée au camp) et de Conseillers (élus parmi les chefs de guerre). Il fut décidé que le Conseil dirigeant ferait l'objet d'une sélection parmi des élus : seuls ceux qui le mériteraient vraiment pourraient gouverner.

Ainsi, seule une petite partie de la résistance siégeait au château ; les autres étaient dispersés un peu partout dans le royaume, certains dans des petites villes ou villages uniquement habités par des élus, d'autres parmi le reste de la population. Pour ces derniers, la vie se déroulait le plus normalement possible et bien des générations plus tard, l'histoire devint une légende, laquelle sombra en partie dans l'oubli.

Marine avait fini par s'endormir en écoutant le récit de sa grand-mère. Océane, elle, n'en avait pas raté une miette. Et sur le chemin du retour, alors que ses parents et sa sœur discutaient de tout et de rien, Océane s'assoupit à son tour ; elle rêva de la légende de Lac.

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Merci aux personnes qui m'ont permis d'améliorer mon histoire: ma maman, ma petite sœur et @RichardAngeloro. Merci à Lucile Poullain (Lulubellule) pour cette magnifique couverture. Et merci à vous, lecteurs, d'avoir pris le temps de lire ce chapitre, voire d'avoir voté ou laissé un message ou commentaire.

Lac [Terminée] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant