Lac [Terminée]

22

Laurent proposa à Océane d'aller manger à l'extérieur. Il faisait beau, la journée était agréable, aussi la prétendante accepta avec plaisir. Celle-ci pensa tout d'abord qu'il allait l'amener en randonnée, mais cela ne collait pas avec sa tenue. La jeune fille songea alors qu'ils allaient manger en ville mais la direction qu'ils empruntaient n'était pas la bonne. L'adolescente n'avait plus aucune idée de leur destination, mais elle se refusait à lui poser la question, même si elle en brûlait d'envie. Au bout de quarante-cinq minutes de marche environ, ils s'engagèrent dans un village qu'Océane n'avait encore jamais vu. Il ne ressemblait en rien à Lac et ici, tout paraissait... normal, bien loin de tout ce qui touchait aux élus. Devant l'air étonné de la jeune fille, Laurent lui expliqua :

— J'ai pensé qu'un peu de tranquillité nous ferait du bien. Ici, personne ne sait qui nous sommes. Tu n'auras ni à faire attention ni à faire semblant.

— C'est génial. J'ignorais qu'un tel village existait si près de Lac.

— Je le sais. C'est bien pour ça que je t'y ai emmenée. Mais cela va également nous permettre de te former : pour être reine, tu dois bien sûr connaître les formations, les élus... Mais le royaume ne se résume pas à Lac et à son château, tout comme le peuple ne se résume pas aux élus. Les politiciens et les autres candidates ont grandi dans cet univers et ont malheureusement oublié le reste. Pourtant, moins de 1 % de la population est un élu.

— Merci de m'avoir amenée ici.

— Avec plaisir. Ça va me faire du bien aussi. J'en ai marre d'être surveillé en permanence par Jules.

— Jules te fait peur ?

— Peur ? Non. Mais tu ne devrais pas le prendre à la légère. Il peut faire de ta vie un enfer.

— Depuis le début, il ne m'aime pas alors je ne vois pas comment je pourrais ne pas m'attirer ses foudres.

— En fait, j'ai enquêté avec Thomas sur son animosité envers toi. Et c'est assez drôle en fait. Il ne t'aime pas parce que, lorsqu'il était en formation, il est tombé éperdument amoureux de ta grand-mère. Mais elle lui a préféré ton grand-père. Tu imagines ? Lui, un élu, se faire rejeter par la femme qu'il aime, pour un homme sans talent ? Il ne s'en est jamais remis et n'est plus jamais retombé amoureux depuis. Il pensait avoir oublié cette histoire, mais voilà que tu apparais, toi, la descendante de leur union. Je pense que tu lui rappelles ta grand-mère et la honte qu'il a éprouvée à l'époque.

— En tout cas, je comprends pourquoi ma grand-mère l'a rejeté...

— Il n'était pas comme ça à l'époque. C'était quelqu'un de bien, de juste, d'intelligent, de loyal. J'aurais eu beaucoup de respect pour lui il y a quelques années de cela. C'est pour cette raison qu'autant de personnes lui sont loyales et lui font une confiance aveugle. Même s'ils savent qu'il a changé, ils attendent, persuadés que tôt ou tard, il redeviendra le Jules du début.

Océane réfléchit aux propos de Laurent. Une question lui vint soudain à l'esprit :

— Mais si un membre du Conseil devenait néfaste pour le royaume, le président du Conseil par exemple, ne pourrait-on pas l'évincer ? Rien n'a été prévu pour ce cas-là ?

Laurent esquissa un sourire et passa sa main dans ses cheveux.

—Non, le président est le membre du Conseil qui possède le plus de garanties. C'est ainsi qu'il peut se permettre de prendre des mesures impopulaires, mais nécessaires, pour n'avoir à se préoccuper que du royaume et non de sa propre personne. Enfin, ça, c'est la théorie. Tu as bien dû t'apercevoir que Jules est devenu égoïste avec le temps...