En tant que reine, Océane avait l'habitude de recevoir toutes sortes de sollicitations. Elle y répondait autant que possible et lorsque son aide était nécessaire. Mais un beau jour, elle reçut une requête inattendue qui requérait une tout autre implication de sa part.

Votre Majesté la reine,

Pardonnez-moi cette demande quelque peu particulière : j'aimerais obtenir votre aide dans une affaire très spéciale et éminemment personnelle. Je suis sur le point de me marier avec l'homme que j'aime, alors que mes parents sont très malades. Ils sont les seuls membres de ma famille, les autres ayant disparu il y a environ cinquante ans. Oui, je suis la petite-fille des dernières victimes du vengeur...

Afin que mon mariage soit le plus beau jour de ma vie, j'aimerais avoir toute ma famille à mes côtés, mais aussi offrir à ma mère et à mon oncle l'occasion de revoir les leurs une dernière fois (ma mère est atteinte d'une maladie cardiaque incurable et elle se trouve au stade terminal).

Je sais que ma requête est insensée : on ne sait pas s'ils sont vivants ou s'il est possible de les retrouver ou même les sauver. Mais je me suis dit également que, s'il y avait bien une personne capable de les ramener, c'était bien vous, votre Majesté.

Je comprendrais très bien que vous refusiez de nous aider, ma famille et moi, et nous ne vous en tiendrions pas rigueur, mais j'espère sincèrement que vous le ferez.

Mes remerciements et salutations distinguées.

Laura Medissy

PS : Vous êtes bien sûr invitée au mariage si vous le souhaitez. Je vous joins le faire-part où vous trouverez toutes les informations nécessaires.

Océane relut la lettre plusieurs fois : elle avait promis d'essayer de les retrouver, mais elle imaginait faire cela un peu plus tard, lorsqu'elle aurait pris ses marques. Mais plus les jours passaient et plus les chances de retrouver les disparus en vie s'amenuisaient. Lacifleur comprendrait sûrement de passer après, ses jours à elle n'étant pas en danger dans l'immédiat.

La reine prit donc sa décision : elle allait accepter. Mais ne voulant pas faire espérer la famille en vain, elle décida de ne pas répondre à la lettre. La jeune femme montra cette dernière à Laurent qui, après l'avoir lue, lui demanda simplement :

- Quand partons-nous ?

L'Oracle savait en effet combien cette affaire comptait pour Océane. En ces circonstances, elle ne pouvait qu'accepter. Ils en discutèrent avec Jules, qui trouva que c'était une bonne idée : les affaires du royaume tournaient bien et la reine n'avait pas de rendez-vous prévu avant longtemps. En ce moment, c'était le calme plat : aucune fête nationale prévue, aucun grand rassemblement, aucun mécontentement de la population... ils pouvaient donc partir l'esprit libre. Le président du Conseil leur proposa d'amener des candidates avec elles, mais ils refusèrent, ne sachant pas combien de temps cette quête allait leur prendre (cela leur ferait rater énormément de cours et risquerait de leur porter préjudice). Laurent et Océane décidèrent de ne partir que le lendemain matin : cela leur laisserait ainsi la journée pour préparer leurs sacs, effectuer les premières recherches, établir une liste d'instructions pour le Conseil... Un banquet, organisé par les candidates, serait donné le soir pour fêter leur départ.

Pour les recherches, les deux jeunes passèrent les livres au crible fin, notamment ceux relatant les légendes et l'histoire du pays. Océane se rappela que Luka en avait acheté un à la capitale et lui demanda de le lui prêter, ce qu'elle accepta avec joie. Lorsqu'Océane lui expliqua ce qu'elle cherchait, le visage de Luka s'éclaira : Suzie lui avait prêté un livre compilant les témoignages des victimes du vengeur. Elle partit le chercher, demanda sans tarder la permission à son amie et l'apporta en toute hâte à Océane. Cette dernière les remercia toutes les deux et les autorisa à assister à leurs recherches. Ils s'installèrent donc tous les quatre dans la suite d'Océane.

Les descriptions des lieux étaient toutes semblables : ils avaient visiblement été retenus au même endroit. Cela expliquait d'ailleurs pourquoi les nouvelles disparitions avaient toujours lieu après la libération des derniers disparus. Cela donna une idée à Océane : elle lança un sortilège permettant de dessiner ce qu'elle écrivait. Elle recopia tous les éléments recueillis et peu à peu, son dessin prit forme. À la fin, ils avaient un paysage extrêmement précis et détaillé devant les yeux. Tout semblait si réel... Laurent sourit soudain en grand : le paysage lui disait quelque chose. Il n'en était pas sûr, mais cela ressemblait fortement à la cité perdue dont il avait déjà vu des photos. Le jeune homme eut alors un déclic et fouilla dans d'autres livres de culture et de légende. Il leur montra les photos qui étaient en tout point semblables au dessin d'Océane, puis trouva l'information qu'il recherchait : la dernière fois qu'on avait aperçu la cité perdue, c'était il y a cinquante ans environ.

Tout convergeait : la cité perdue apparaissait lorsqu'elle n'avait aucun prisonnier et disparaissait de nouveau lorsqu'elle comptait des « invités ». Ils vérifièrent si les autres dates concordaient et c'était bien le cas. Ils venaient d'identifier l'endroit où étaient retenus des « punis ».

Subsistaient toutefois deux problèmes : d'une part, la cité perdue ne réapparaissait jamais au même endroit (elle était mobile) et d'autre part, ils ne savaient pas comment y entrer, ni comment en ressortir. Océane espérait la localiser avec un pendule et trouver le moyen d'entrer grâce à... la boule de cristal. S'il n'était pas possible de lire l'avenir dans une boule, en revanche (et parce que le vengeur était probablement mort), elle pensait pouvoir y lire le passé et notamment comment le vengeur avait ouvert puis fermé la cité.

Océane était stupéfaite : la cité perdue se trouvait à l'extrémité du royaume, dans le pays des glaces peuplé uniquement de pingouins, de manchots et de phoques. Il n'y avait que de l'eau et de la glace là-bas, pourtant, la cité perdue devait avoir un climat différent et plus propice à la survie humaine. Les deux aventuriers devraient s'habiller chaudement et s'y télétransporter s'ils ne voulaient pas que le voyage dure des semaines... Mais pour cela, Océane devrait utiliser un sort : il était impossible de se télétransporter sur une aussi grande distance. Même avec la magie, ils devraient procéder par étape.

Après tout ceci, Luka et Suzie s'enfuirent pour aider leurs camarades à préparer la fête pendant que Laurent et Océane bouclèrent leurs sacs. Ceux d'Océane étaient bien pratiques : elle avait aménagé son nouveau sac de randonnée ainsi que l'ancien sac de Laurent pour qu'ils puissent contenir tout le nécessaire : les sacs réduisaient ainsi tout leur contenu en une petite boule de quelques grammes, qui reprenait une taille normale aussitôt sorti. Ils empaquetèrent les tenues spéciales qu'Océane avait créées et qui leur permettaient d'être toujours à la bonne température : en fonction du climat, les pulls évacuaient la transpiration ou déclenchaient le programme chauffant. Ils amenèrent aussi des vivres et de l'eau en grande quantité, mais aussi des produits d'hygiène. Enfin, ils emportèrent de quoi dormir (tente, matelas, duvets, oreillers). Leurs sacs étaient prêts et ils pouvaient à présent se reposer un peu et prendre une bonne douche (voire un bon bain). Qui sait combien de temps allait s'écouler sans qu'ils puissent se laver... Océane espérait que les candidates n'avaient pas prévu quelque chose de trop extravagant pour leur fête et que ça ne durerait pas trop longtemps : Laurent et elle devraient se lever tôt le lendemain et il valait mieux qu'ils ne soient pas éreintés dès leur première journée.

Après son bain, Océane s'habilla : elle voulait faire honneur aux prétendantes et fit donc un effort. Elle enfila sa robe la plus festive : la grise à paillettes argentées, décolletée dans le dos et qui s'arrêtait juste au-dessus des genoux. La reine avait revêtu une paire de collants noirs transparents et des bottines à talons (sa seule paire de talons). Elle se coiffa rapidement (avec une brosse et non pas avec ses doigts, comme elle le faisait d'habitude), puis se maquilla (trait de crayon violet sur les paupières pour faire ressortir le vert de ses yeux, couche de mascara sur les cils du haut uniquement, blush orangé sur les joues pour leur redonner un peu de couleur et gloss corail pour apporter une touche finale). La jeune femme s'appliqua ensuite du vernis rouge foncé sur les ongles et attendit patiemment qu'ils sèchent. Enfin, elle se parfuma : elle était prête à profiter de la fête.

Lac [Terminée] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant