5

121 24 48
                                    

Le 2 février, le Conseil se réunit pour préparer l’arrivée imminente des prétendantes au trône. Jules, le président du Conseil, avait autrefois été charmant, juste et loyal, faisant passer les intérêts du royaume avant les siens. Mais l’eau avait coulé sous les ponts, le pouvoir lui était monté à la tête et il ne servait désormais plus qu’une seule cause : lui-même.

Après tant d’années passées à la tête du Conseil, la plupart des membres avaient appris à lui faire une confiance aveugle et à se fier entièrement à son jugement. Malheureusement pour lui, ceux qui mouraient se voyaient remplacés par d’autres, plus jeunes, plus critiques, plus novateurs et surtout, moins influençables. Sur les douze autres personnes qui composaient le Conseil, Jules avait cinq détracteurs. Celui qu’il redoutait le plus était le 13ème membre du Conseil… l’Oracle.

Si ses autres détracteurs étaient des hommes, ce dernier n’était encore qu’un enfant. Et pour un enfant, celui-ci ne manquait pas de toupet. Il n’avait pas encore achevé sa formation mais il n’hésitait pas à contester chacune de ses décisions et à le tourner en ridicule. Ce Laurent… Il avait bien essayé de le maintenir à l’écart de cette réunion, mais en vain. Il faut dire qu’en tant qu’Oracle, il avait davantage de force de persuasion que n’importe qui d’autre.

Jules s’assit un moment avant de s’activer… Il avait placé les douze chaises en demi-cercle. Lui seul resterait debout, au centre, dans une position de supériorité. Laurent, lui, serait placé tout au bout, presque à l’écart des autres. Il répéta mentalement son discours… Il était prêt.

Laurent déjeunait au réfectoire sans se presser le moins du monde, bien qu’il fût censé siéger au Conseil trente minutes plus tard. Ce genre de réunion ne l’amusait guère, même s’il se délectait de contrarier le président. La durée de son repas revêtait un enjeu stratégique : il ne devait pas se presser, mais ne pas traîner la patte non plus. S’il arrivait en premier, il se retrouverait seul avec Jules. Mais s’il arrivait dernier, Jules ne manquerait pas de le lui faire remarquer. Vingt-cinq minutes plus tard, l'Oracle nettoya son plateau et quitta le réfectoire. 

Laurent arriva le septième. Jules ne pouvait donc pas l’attaquer de front. Il le conduisit à sa place avec un sourire pervers, espérant que la disposition des sièges lui ferait comprendre à quel point il était indésirable.

Lorsque tous les invités furent arrivés, le président du Conseil annonça l’ordre du jour : l’arrivée des prétendantes. Il décrivit brièvement les neuf élues, photographies à l’appui. Mais comme l’un des nouveaux l’avait remarqué (Thomas, peut-être ?), il y en avait neuf et pas dix.

– Le règlement stipule qu’il doit y avoir dix prétendantes.

C’était parti : l’heure du débat avait sonné. Jules avait pourtant espéré ne pas avoir à passer par là.

– Oui, mais le règlement n’avait pas prévu que l’une des prétendantes perde sa bille. Ce n'est pas la première fois que le nombre de prétendantes est porté à neuf…

– Excusez-moi, je suis nouveau. Je m’appelle Tom. C’est peut-être bête de ma part, mais, puisque la bille a été perdue, elle a peut-être été retrouvée !

Jules eut un rire sarcastique qui signifiait clairement qu’en effet, le nouveau était stupide.

– Eh bien… Tom… Vois-tu, nous avons recherché durant de nombreuses années cette bille. Sans succès… Nous avons fouillé la forêt en long, en large, en travers. Si nous n’avons rien trouvé, c’est qu’il n’y a rien à trouver.

– Je comprends bien, mais… sans vouloir vous insulter, vous n’êtes pas une femme et donc pas une prétendante éventuelle. Peut-être n’avez-vous pas trouvé la bille parce qu’elle ne voulait pas être trouvée par vous…

Lac [Terminée] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant