L’attente paraissait interminable pour Océane, comme pour les autres prétendantes. Plus que jamais, elles étaient sous les feux des projecteurs et devaient affronter les regards curieux des autres étudiants qui ne se cachaient plus pour les dévisager et exprimer leurs avis. Les paris étaient nombreux et donnaient pour l’instant Émilie gagnante. Océane arrivait quant à elle à la seconde place et Julia en troisième place. Le choix ne leur revenait toutefois pas à eux, mais au Conseil dont les priorités n’étaient pas les mêmes.
Océane était assez populaire dans les formations combattants, créateurs et ensorceleuses (même si cela avait pris du temps pour ces dernières), mais restait méprisée dans les autres corps de formation. Émilie faisait l’unanimité à peu près partout et Julia également, même si cette dernière enthousiasmait moins les foules que ses rivales. Aucune autre candidate ne faisait l’objet de paris ; pour les résidents du château, il paraissait clair que tout se jouerait entre ces trois prétendantes.
Océane commençait à perdre patience… Elle était rongée par le doute, car si elle ne devenait pas reine, elle ne pourrait sans doute pas sauver sa sœur. Elle était prête à rendre la couronne dès que la malédiction de Marine serait rompue et dès qu’elle aurait rectifié les erreurs et injustices de la reine précédente si on lui accordait juste sa chance. Encore un jour à tenir…
Océane se concentrait en solo sur le journal de sa grand-mère, mais il restait désespérément bloqué à la même page. Elle s’entraînait également à la magie auprès de Laurent, mais sans jamais échanger un mot, tous les deux plongés dans leurs pensées et hors de portée du reste du monde. Ils mangeaient et accomplissaient les actes de la vie quotidienne comme des zombis, avec autant d’énergie et d’émotion que des robots. Leur vie semblait s’être arrêtée et ils dormaient le plus souvent possible (en faisant plusieurs siestes dans la journée). La journée fut enfin terminée et Océane partit se coucher. Le lendemain, à son réveil, elle serait fixée.
Le Conseil avait enfin fait son choix. Des disputes avaient éclaté, certains membres avaient claqué la porte, des injures avaient fusé. Les délibérations avaient duré des heures et le nom retenu était bien loin de faire consensus. En signe de protestation, certains juges avaient démissionné ; Jules n’avait pas cherché à les retenir, mais cela avait sérieusement ébranlé sa position. À trois heures du matin, les politiciens restants furent enfin autorisés à aller se coucher et Jules inséra le document officiel renfermant le nom de la future reine et de ses deux dauphines dans son coffre-fort ultra-sécurisé. Les résultats ne seraient connus qu’à sept heures et c’est Jules en personne qui irait les afficher. Il partit se reposer en songeant au travail accompli et à la satisfaction d’avoir obtenu le dernier mot.
Le président pensait donc tout naturellement s’endormir rapidement et faire de beaux rêves, mais il n’en fut rien. Jules peina à trouver le sommeil et lorsqu’il y parvint, sa nuit fut remplie de cauchemars, d’angoisse et de noirceur. Juste avant la sonnerie, il rêva qu’il était en train d’effectuer une chute libre et vertigineuse du sommet du château. Son réveil sonna juste avant qu’il n’atteigne le sol et il se rendit alors compte qu’il était à deux doigts de tomber de son lit. Le président tremblait et était en sueur.
Sa première pensée fut qu’il avait fait le mauvais choix ; il n’avait pas choisi la bonne reine. À ce moment-là, ça lui sembla évident. Mais le politicien finit par se remettre de ses émotions et par se persuader que ce n’était qu’un mauvais rêve. Il se ressaisit, revêtit son plus beau costume puis partit afficher les résultats avec un sourire non dissimulé. Jules avait hâte d’annoncer publiquement le nom de la future souveraine ; il allait encore devoir patienter jusqu’au repas du midi.
Thomas
Cette décision, c’était celle de Jules, pas celle du Conseil. Le président s’était servi de toute son autorité, de tout son pouvoir pour imposer son choix. Mais c’était le mauvais choix, Thomas le savait, la plupart des membres du Conseil aussi et probablement Jules également. Tout ça pour une vieille histoire de rancune personnelle. Pour la première fois, Thomas eut honte de faire partie du Conseil : il respectait les membres qui avaient démissionné pour manifester leur désaccord, mais il ne pouvait malheureusement pas en faire autant. Car son rôle à lui était bien différent de celui des autres : il avait été choisi par le gardien de la barrière en personne pour surveiller les agissements de Jules et le remettre si nécessaire sur le bon chemin. Enfin, s’il y parvenait. Dans le cas contraire, il aurait la dure mission de l’évincer. Thomas espérait ne pas avoir à en arriver là, mais le président n’y mettait pas vraiment du sien. Il allait devoir écrire son rapport et le faire parvenir au plus vite au gardien de la barrière. Ce dernier devait être averti que les élections avaient été pipées.
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Lac [Terminée]
Historical FictionOcéane Flores est l'une des dix prétendantes au trône du royaume de la lumière. Elle est particulièrement douée en magie, création et combat mais n'a en revanche aucune élégance et la politique l'ennuie. Sa sœur Marine vit un passage difficile en ce...