Les jours passaient et se ressemblaient : c'était le calme plat. En revanche, Laurent remarquait que Marine était de plus en plus possédée par les Ténèbres : son aura était presque entièrement noire. Il avertit Océane qui jugea qu'il était temps d'agir. Laurent n'était toujours pas au courant de ses intentions et elle trouvait qu'il était encore trop tôt pour lui en parler. Il risquait de la faire changer d'avis, ce qu'elle ne pouvait pas se permettre. La reine décida alors de retourner dans la forêt des mirages afin de délivrer Lacifleur de sa malédiction et de lui rendre son collier. Elle le lui avait promis et tenait à respecter sa promesse, tant qu'elle en avait encore l'occasion. Laurent allait bien évidemment l'accompagner.

Cette fois-ci, Jules ne leur proposa pas d'amener les candidates ; il avait bien compris qu'ils préféraient rester seuls. Tous avaient remarqué leur rapprochement, mais personne ne leur en avait fait part : après tout, s'ils ne voulaient pas officialiser, libre à eux... Cette fois-ci, leur départ se fit sans fête ; le voyage était moins complexe étant donné qu'ils y étaient déjà allés. Il ne comportait aucun risque ni probabilité d'échec. Le Conseil et les candidates vinrent néanmoins leur souhaiter bonne chance avant leur départ.

Comme ils connaissaient les lieux, ils pouvaient directement se télétransporter sur l'île de Marjorie, puis dans la prairie et enfin devant l'entrée de Lacifleur. Cela n'était valable que parce qu'Océane était déjà venue dans la forêt magique, qu'elle était allée jusqu'au bout et qu'elle avait pu en ressortir. La jeune femme avait donc acquis un droit de visite qui lui permettait de voyager comme bon lui semblait dans la forêt et même d'utiliser les moyens technologiques qui l'avaient laissée tomber la fois précédente. Laurent disposait des mêmes droits, ce qui n'aurait pas été le cas pour les candidates ou les autres membres du Conseil.

Océane et Laurent partirent avec un simple sac à dos cette fois-ci. Ils n'avaient pas besoin de tente, matelas, duvet : ils savaient qu'ils seraient les bienvenus et qu'on leur proposerait de les héberger. Dès qu'ils mirent un pied sur l'île, Marjorie vint à leur rencontre et les invita chaleureusement à se rendre à l'intérieur. Elle voulait tout savoir depuis leur dernière visite. Ils lui racontèrent son classement à la seconde puis à la troisième épreuve, le résultat final, le premier couronnement, le second puis le troisième, les réformes qu'elle avait mises en place, les futures, sa première mission en tant que reine (la libération des disparus) et pour finir, ce qui les amenait ici. Marjorie était choquée qu'Océane n'ait pas été élue dès la première fois, même si, connaissant Jules, ce n'était pas si étonnant que ça. Mais elle n'ignorait pas le sort qui était réservé aux reines illégitimes et elle était désolée que rien n'ait pu éviter à ces dernières ce sort funeste. Cette dernière était stupéfaite qu'ils aient réussi à localiser et délivrer les disparus et était très contente pour ces derniers (cinquante ans d'emprisonnement, c'était bien trop long). En revanche, elle comprit tout à fait leur choix de retourner vivre librement là-bas (après tout, cela avait fini par devenir leur maison et leurs proches y étaient enterrés). Celle-ci approuvait toutes les réformes passées et à venir d'Océane, de même que la raison de leur présence ici. Mais elle avait bien peur qu'ils ne soient venus pour rien, même si elle ne leur en toucha pas un mot : elle commençait à bien connaître Lacifleur et n'était pas sûre qu'elle aspirait encore à être délivrée de sa malédiction. Son amie semblait enfin l'avoir acceptée et sortait souvent, se mêlant de plus en plus aux autres. Avant, cela n'aurait pas été envisageable : elle sortait toujours avec un masque et seulement lorsqu'elle ne pouvait pas faire autrement. Désormais, elle se montrait à visage découvert.

Marjorie leur proposa un programme fort sympathique : balade matinale sur l'île, repos, sieste puis promenade en bateau sur le lac. Ensuite, ils mangeraient ensemble (des pizzas) puis regarderaient un film tranquillement avant d'aller se coucher. Ils étaient bien évidemment invités à rester dormir. La journée passa bien trop vite à leur goût : c'était comme s'ils revoyaient une amie de longue date. Marjorie avertit Lacifleur de leur présence afin qu'elle se prépare à les accueillir.

Marjorie constata des changements chez Océane et Laurent : lui semblait moins froid, plus démonstratif et plus joyeux qu'à l'accoutumée et Océane paraissait encore plus forte, encore plus déterminée, même si elle semblait s'être adoucie, moins disposée à imposer ses choix et à davantage prête à prendre en compte les remarques et conseils des autres. Nul doute qu'elle deviendrait une bonne reine. Mais elle n'avait pas l'air de particulièrement tenir à sa place puisqu'elle s'était déjà cherché des remplaçantes. La question était : avait-elle prévu de mourir précocement ? Pour l'instant en tout cas, elle semblait en bonne santé. Marjorie avait aussi constaté que la relation entre les deux jeunes gens s'était également épanouie ; ils étaient plus proches physiquement, très tactiles l'un avec l'autre, ce qui ne semblait généralement pas être le cas chez les deux personnes. Et ils avaient ces sourires complices, ces regards et ces mimiques partagés que seuls possèdent les amoureux. Elle était contente de ce changement ; ils allaient bien ensemble, c'était une évidence. Si deux personnes étaient bien destinées l'une à l'autre, c'était bien ces deux-là.

Ils profitèrent de leur journée tous ensemble. Le matin, Océane et Laurent mangèrent des fruits cueillis en pleine nature pendant que Marjorie arrosait les plantes. L'après-midi, ils embarquèrent, Marjorie dans un canoë une place, Laurent et Océane dans un canoë deux places. Laurent s'était amusé à faire chavirer leur embarcation et ils s'étaient tous les deux retrouvés trempés jusqu'aux os. Heureusement, l'eau était assez chaude (autour de dix-neuf degrés) et l'air à la bonne température. Ils n'eurent ainsi pas froid et ne durent pas rentrer en avance. Lorsque le tour fut fini, Marjorie leur lança des serviettes. Laurent sécha Océane avec, comme une mère l'aurait fait avec son enfant. Marjorie détourna le regard, se sentant soudain de trop. Elle rangea les bateaux puis leur demanda de la rejoindre à l'intérieur une fois qu'ils seraient secs ; elle ne voulait pas qu'ils mettent de l'eau partout. En réalité, c'était pour leur laisser un peu de temps tous les deux.

Une fois à l'intérieur, Marjorie les invita à prendre le goûter, puis ils prirent une douche. Ensuite, elle leur montra comment faire de délicieuses pizzas maison qu'ils dégustèrent devant une bonne comédie. Ils partirent enfin se coucher, Marjorie dans une chambre, Laurent et Océane dans une autre. Ces deux derniers attendirent un peu puis collèrent les deux lits une place ; ils avaient perdu l'habitude de ne pas dormir ensemble. Le matin, ils remirent les lits à leur place, l'air de rien, même s'ils se doutaient que Marjorie ne serait pas dupe. Lorsqu'ils se levèrent, cette dernière avait déjà préparé le petit-déjeuner. Et ils étaient gâtés : gaufres, fruits et jus de fruits pressés. Puis vint le temps des au revoir. Et hop, en quelques minutes, ils se retrouvèrent à la prairie.

Tout le monde était déjà debout, profitant ainsi de la belle journée. Maintenant qu'ils savaient que la prairie était ensorcelée, il était beaucoup plus facile d'y résister. Ainsi, ils purent tout simplement profiter du paysage et des résidents (qui étaient devenus leurs amis), sans que cela ne les pousse à rester ici. Océane savait bien que les habitants ne souhaitaient pas être désenvoûtés ; ils étaient plus heureux ici qu'ils ne l'avaient jamais été. Mais cela lui semblait toujours aussi bizarre ; elle avait du mal à se faire à l'idée qu'on ne soit pas totalement maître de ses pensées. Cela ne les empêcha pas de s'amuser. Ils jouèrent avec les enfants (au football notamment), mais aussi avec les parents (aux cartes). La sieste étant sacrée ici, ils s'allongèrent dans l'herbe, la tête d'Océane reposant sur le torse de Laurent. Puis ils discutèrent, préparèrent le repas du soir, mangèrent. Ils contemplèrent ensuite les étoiles et décidèrent de dormir sous la voûte céleste. Ils ne risquaient absolument rien ici. Les habitants leur avaient prêté de quoi dormir. Les deux amis gonflèrent les matelas, ouvrirent les duvets pour se blottir tous les deux sous les couvertures et glissèrent des coussins sous leurs têtes. Ils s'attendaient à se réveiller à l'aube, mais cela ne les dérangeait pas : ils s'étaient bien reposés tout l'après-midi. Ils essayèrent de trouver les constellations, mais Océane n'était pas très douée à ce jeu-là ; Laurent avait beau essayer de les lui montrer, c'était peine perdue. Il lui pardonna toutefois bien volontiers lorsqu'elle se blottit dans ses bras pour dormir.

Le lendemain, Laurent et Océane se réveillèrent les premiers, alors même que les autres habitants étaient très matinaux. Ils se rendirent dans une petite boulangerie et prirent seulement du jus d'orange et des pains au chocolat. Ils attendirent ensuite que le village se réveille afin de les remercier. Les enfants, qui leur avaient fait des dessins, leur sautèrent dans les bras. Les adultes, quant à eux, leur serrèrent chaleureusement la main en leur souhaitant une bonne fin de voyage. Ils se télétransportèrent après, direction : chez Lacifleur.

Lac [Terminée] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant