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Océane fut confiée à ses grands-parents. Ils habitèrent temporairement dans la maison de ses parents décédés ; c'était en effet plus proche de l'hôpital où se trouvait toujours sa sœur. Si Océane était contente de retrouver son domicile, elle ressentait une peine immense dès qu'elle apercevait un objet lui rappelant fortement sa mère, son père ou sa sœur. Pour cette raison, personne ne pénétrait jamais dans la chambre de Luc et Patricia : Serge et Christiane préféraient dormir dans le salon.

Océane entendait sa grand-mère téléphoner tous les jours à l'hôpital et voyait ses grands-parents partir lui rendre visite plusieurs fois par semaine. Mais à chaque fois qu'ils rentraient, la mine inquiète et sombre qu'ils affichaient ne la rassurait nullement.

Océane, quant à elle, fut immobilisée trois mois. C'était relativement peu par rapport au sort qu'avait connu sa famille. Elle ne pouvait pas marcher seule et restait le plus souvent assise sur son canapé.

Un soir, après plusieurs semaines de rééducation, Océane réussit enfin à poser le pied par terre et à prendre appui sur sa jambe. Elle « courut » annoncer la nouvelle à ses grands-parents, mais elle les trouva en train de discuter, le visage grave. Ils murmuraient et chuchotaient, si bien qu'Océane dut tendre l'oreille pour les entendre :

- Son état ne s'améliorera pas, tu le sais aussi bien que moi. À chaque visite, son état empire un peu plus...

- Mais qu'est-ce que tu veux qu'on y fasse ? La seule chose à faire, c'est attendre.

- Mais Serge, même Angela n'a pas réussi à la soigner. Ses pouvoirs de guérisseuse n'ont eu aucun effet. Il ne reste qu'une chose à faire.

- Tu veux la débrancher ?

Océane dut plaquer sa main sur sa bouche pour étouffer une exclamation. Non, sa grand-mère ne pouvait quand même pas songer à ça !

- Mais non, bien sûr que non ! Je veux lancer un sort. Je ne peux pas faire revenir les morts, mais j'ai une chance de ramener ma petite-fille...

Océane ne comprenait pas. Sa grand-mère ? Jeter un sort ? Mais elle avait perdu la tête ou quoi ?!

- Mais tu es folle ! Es-tu consciente de ce que ça implique ?!

- Baisse d'un ton, veux-tu. Tu vas alerter la petite. Serge, c'est notre petite-fille...

- Mais tu serais prête à tout risquer pour la sauver ? As-tu conscience de qui tu risques de libérer ? Allons, sois raisonnable... Je suis sûr que Marine ne voudrait pas d'un tel sacrifice.

- IL ne pourra pas s'échapper... Pas avec toutes les protections qui existent !

- Mais il y a un risque. Tu vas créer une brèche dans notre royaume. Si tu réveilles le mal, ramener Marine ne servira à rien. Plus rien ne sera pareil. Es-tu sûre de vouloir tout risquer ? Réfléchis bien aux conséquences, je t'en supplie.

- Serge, il ne se passera rien. La muraille est forte, elle résistera. Je t'en prie, laisse-moi sauver ma petite-fille. Pense à la petite.

Serge ne répondit rien pendant un long moment, mais finit par répondre :

- Attends encore un mois, un seul petit mois et s'il n'y a rien de nouveau, tu pourras faire ce que tu voudras.

Christiane hocha la tête et Océane regagna sa chambre. Elle enfila son pyjama, se coucha dans son lit et ferma les yeux. La jeune fille n'avait pas le cœur à parler à ses grands-parents et détestait devoir leur cacher qu'elle les avait entendus. Mais que pouvait-elle faire d'autre ?

L'adolescente décida alors de leur annoncer la bonne nouvelle pour sa jambe le lendemain, lorsqu'elle aurait eu la nuit pour tenter d'analyser la conversation. Peut-être qu'elle se rendrait alors compte que toute cette conversation n'avait jamais eu lieu et que sa tête lui avait joué un tour. Oui, après tout, c'était l'explication la plus logique. En tout cas, c'était plus facile à imaginer que sa grand-mère en sorcière et Angela, une amie de la famille, en guérisseuse. On était dans la vraie vie ici, et non pas dans un conte de sa grand-mère. C'est sur ses pensées réconfortantes qu'Océane finit par sombrer dans un sommeil paisible.

Lac [Terminée] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant