La 501 juste à côté de la 20000. La numérotation des salles dans cette fac n'obéissait décidément à aucune logique. L'architecte qui avait fait les plans de l'université devait être un dérangé.
En attendant, cela faisait plusieurs dizaines de minutes que je me perdais dans des couloirs interminables en quête de l'amphi 1 sans jamais réussir à mettre la main dessus. J'avais bien essayé de demander mon chemin à un étudiant et celui-ci n'avait rien trouvé de plus drôle que de m'envoyer tout en bas du campus alors précisément que la salle que je cherchais était tout en haut. Il vaudrait mieux pour l'humoriste qui m'avait mal renseigné qu'il n'ait pas cours avec moi sans quoi je lui promettais une vengeance absolument terrible qui aurait de quoi le vacciner des études supérieures et le pousser à s'engager en CAP pâtisserie.
Après avoir encore erré dans les locaux un bon moment, je trouvai enfin l'amphi 1. A travers la porte, je pouvais entendre la cohue qui régnait à l'intérieur. Tout le monde était déjà là. Mes égarements m'avaient mis en retard et je détestais ça. Je tentai de contenir toute la fureur que m'inspirait cet accident de parcours et m'efforçai de me calmer autant que possible avant de faire mon entrée.
Alors que je m'apprêtais à presser la poignée, je fus interpellé par un employé qui passait par là :
_ On peut dire que vous avez pris votre temps.
J'étais exaspéré. Il avait fallu que je tombe sur le rabat joie de service. Sans que je ne puisse m'expliquer pourquoi, il y en avait toujours un dans les universités. Mais celui-là m'avait l'air d'un beau spécimen.
J'essayais de ne rien laisser paraître de l'envie de lui casser la figure qui me venait déjà et m'efforçait de répondre poliment :
_ C'est que cet endroit est un vrai labyrinthe.
_ Il faut comprendre la logique voilà tout, m'assura-t-il avec un air supérieur qui ne me plaisait guère.
Je croyais qu'il n'avait pas bien compris à qui il s'adressait. Aussi, je me pressai de le lui faire remarquer, comme une piqûre de rappel et surtout comme une ultime sommation avant que je ne m'emporte contre lui.
_ Fort de mes huit ans d'études, j'ose croire que je saurais trouver une salle dans un campus si les plans de celui-ci relevaient d'une certaine logique comme vous le prétendez.
_ Si vous le dites, répondit l'employé dans un sourire qui m'énerva au plus haut point.
Sans perdre de temps, je décidai de pousser la porte de la salle pour enfin me débarrasser de ce type au sens de l'accueil bien à lui et ainsi éviter le drame. Alors je me retrouvai devant une tribune archipleine et aussi bruyante que pouvait l'être celle d'un stade de foot un jour de match. Je pris le temps de sortir mon ordinateur et de le poser sur la table bancale qui me ferait office de bureau puis je tentai de faire projeter le support de cours que j'avais mis des heures à fignoler la veille. Évidemment ça ne marchait pas, de quoi m'agacer un peu plus encore. Tant pis, je ferai sans.
Je fis un ou deux pas de sorte à m'avancer en direction des étudiants. Certains d'entre eux étaient littéralement couchés sur les bancs, d'autres se gavaient des cochonneries qu'ils venaient d'acheter au distributeur, et d'autres enfin parlaient avec enthousiasme de leur rendez-vous Tinder du week-end. Se choisir une copine ou un copain comme on faisait ses courses sur les sites de e-commerce. Le romantisme était peut-être bien mort.
En résumé, j'avais bien davantage l'impression de me trouver au club Med que dans un amphithéâtre à l'université. Je formulai trois hypothèses pour expliquer le bordel que j'avais sous les yeux. La première : les étudiants n'avaient pas remarqués ma présence. La seconde : ils l'avaient au contraire remarquée mais s'en moquaient éperdument. La troisième enfin : ils me prenaient pour l'un des leur. Concernant cette dernière, c'était tout à fait probable car il fallait dire que je faisais plutôt jeune. Et pour cause, j'étais jeune.
Je décidai d'écarter la seconde hypothèse, espérant ainsi m'éviter de devoir leur mettre une soufflante mémorable d'emblée. De quoi aurait-je l'air si je faisais ça ? Du jeune prof méchant et strict au possible que j'étais peut-être, sans doute même. Mais il était clairement dans mon intérêt qu'ils ne le devinent pas tout de suite. Alors je pris sur moi et je tachai de me faire la gentillesse incarnée.
Je m'écriai, confiant sur le fait que mon éloquence et que ma voix grave suffiraient à capter leur attention :
_ Bonjour à tous, si vous pouviez avoir l'obligeance de vous taire pour que nous puissions commencer.
J'avais raison, et aussitôt que j'eus fini de prononcer cette phrase, le silence gagna l'amphithéâtre.
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Love and Justice
RomanceQue seriez-vous prêt à sacrifier par amour ? Votre travail ? Votre ambition ? Votre honneur ? Vos fiançailles ? Votre famille ? Et a-t-on le droit d'aimer n'importe qui ? Jusqu'où Alex Mavri, jeune professeur en droit privé et spécialiste du droit...