Love and Justice

Chapitre 77 (Maelie)

Alex Mavri avait passé la nuit à se retourner sans cesse. Il semblait soucieux. D'ailleurs, hier soir, je l'avais trouvé sur la réserve, beaucoup moins loquace qu'à l'accoutumée. Je l'avais questionné à ce sujet et il avait prétexté de la fatigue. Je n'étais pas dupe. Je savais qu'il y avait autre chose et je m'agaçais de voir qu'il se refusait à me dire quoi. A croire qu'il se plaisait à cultiver le mystère qui entourait sa personne.

J'aimerais qu'il se confie davantage à moi. C'était aussi ça s'aimer ; parler de soi à l'autre et lui faire suffisamment confiance pour partager avec lui ses joies comme ses peines, ses espoirs comme ses déceptions, ses réussites comme ses échecs, ses certitudes comme ses doutes. Aimer, c'est se dire les choses même quand elle ne sont pas bonnes à dire car l'amour a horreur du silence. Alors je ne voulais surtout pas qu'Alex Mavri soit trop silencieux avec moi.

Au petit matin, il m'avait annoncé qu'il ne pourrait pas me rejoindre après les cours comme nous en avions pris l'habitude. Il devait se rendre dans le sud de la France et, le temps de faire l'aller-retour, il ne serait pas rentré avant tard dans la soirée. Lorsque je l'avais interrogé quant à la raison exacte de son voyage, il s'était montré pour le moins évasif, se contentant d'ajouter qu'il allait voir un ami de longue date. Un ami, avait-il insisté. Mais je ne pouvais m'empêcher de craindre que ce ne soit plutôt une amie. Je n'étais pourtant pas du genre jalouse mais avec lui je me surprenais à être beaucoup plus soupçonneuse. Pourquoi ? Sans doute parce-que je l'aimais follement et que je ne voulais courir aucun risque de le perdre. Et aussi parce-que je n'oubliais pas qu'il avait quitté une femme pour moi. A l'évidence, je redoutais que ce qui était arrivé à Élodie ne finisse par m'arriver à moi aussi.

Je tâchais de me raisonner. Alex Mavri n'avait rien d'un homme infidèle. Pour s'en convaincre, il suffisait de voir toute la conviction qu'il avait mise à me repousser par simple décence vis-à-vis de son ex-fiancée qui n'en méritait pas tant, et il avait fallu que je me montre totalement irrésistible pour qu'il cède enfin. Non, sérieusement, je me tournais des films. Il m'avait sûrement dit la vérité et il ne faisait qu'aller voir UN ami. Je m'étais donc résignée à le laisser filer sans trop faire d'histoires.

Presque aussitôt après son départ, il m'avait manqué et, tandis que je prenais le chemin de la faculté, je me désespérais de devoir patienter jusqu'au lendemain avant de le revoir. Et ce n'était pas les six heures de cours au programme de la journée qui allaient m'aider à passer le temps. Au contraire, elles étaient plutôt la promesse d'un ennui terrible, me laissant ainsi tout le loisir de penser à mon homme parti loin de moi quelque part plus au sud pour y faire je ne savais quoi avec je ne savais qui. Et voilà que je recommençais déjà à douter de lui, c'était ridicule.

Je m'efforçai de prendre sur moi, songeant que bientôt il me reviendrait et que tout serait arrangé, et ce fut armée de cette certitude que je pénétrai dans les locaux de l'université.