Chapitre 33 (Maelie)

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Le week-end m'avait paru interminable. Je l'avais passé cloîtrée chez moi, la faute au temps exécrable qu'il avait fait, à ressasser encore et encore la désillusion que les mots prononcés par Alex Mavri avaient provoqué en moi. Et, une fois n'était pas coutume, je n'étais pas mécontente de reprendre les cours en ce lundi matin car j'y voyais un moyen de penser à autre chose qu'à mes espoirs sentimentaux perdus.

La journée commençait de bonne heure par un cours de droit fiscal dont je savais déjà que son contenu échapperait totalement à ma compréhension. S'il avait s'agi de n'importe quelle autre matière, je m'en serais sûrement inquiétée mais, en l'occurrence, ça n'était pas le cas car, après tout, c'était le propre de la fiscalité d'être inintelligible. Tout le monde éprouvait donc plus ou moins les mêmes difficultés que moi. D'ailleurs, rares étaient ceux à se rendre encore en amphithéâtre, la plupart des étudiants préférant de loin rester couché au fait de perdre deux heures de leur temps à tenter de pénétrer les forces impénétrables qui dictaient l'imposition des personnes physiques.

Parmi les survivants, il y avait Sofia. Heureusement car sinon je croyais bien que moi aussi je n'aurais pas fait l'effort de m'arracher à mes draps.

Elle accueillit mon arrivée d'un large sourire que j'interpretai comme étant l'expression de son soulagement de ne pas avoir à affronter seule le déluge de chiffres. Aussitôt que je fus installée à ses côtés, elle me questionna, visiblement préoccupée :

_ Tu as une mine affreuse... Tu as fait la fête tout le week-end ou quoi ?

_ La fête ? Non, pas vraiment. J'ai simplement enchaîné quelques insomnies, confiai-je dans un soupir.

_ Mince... Tu as des soucis en ce moment ?

J'avais effectivement un souci qui me torturait l'esprit jour et nuit au point même de m'empêcher de dormir. Il s'appelait Alex Mavri. Mais je ne pouvais évidemment pas le lui dire. J'optai donc pour une réponse évasive :

_ Rien d'important. C'est juste qu'un gars m'a un peu pris la tête.

_ Tu rigoles là ? Tu as un mec et tu ne m'en as même pas parlé ? s'indigna Sofia qui était habituée à ce que je lui confie les moindres détails de ma vie amoureuse.

_ J'ai en effet rencontré un homme qui me plaisait bien. Mais je viens de comprendre qu'il s'en fiche complètement de moi alors forcément c'est un peu pénible... Par conséquent et pour répondre à ta question, je n'ai personne, répondis-je, abattue.

_ Ma pauvre... Tu veux me raconter ?

_ Pas trop non. Et puis le cours va commencer...

_ Comme tu veux. Mais, surtout, ne donne pas trop d'importance à ce type. S'il n'est pas capable de voir à quel point tu es une fille géniale, c'est qu'il ne te mérite pas. Alors tant pis pour lui.

_ Si seulement j'arrivais à voir les choses comme toi...

_ Laisse le temps faire son oeuvre. Bientôt, cet abruti te sera totalement sorti de la tête, tu verras.

_ Pourvu que tu ais raison... dis-je sans y croire une seconde car je ne voyais vraiment pas comment faire pour soigner l'obsession que je vouais à Alex Mavri.

_ J'ai toujours raison donc tu n'as pas à t'en faire, conclut-elle dans un clin d'oeil qui devait finir de me convaincre.

Le cours se déroula conformément à mon intuition c'est à dire dans le flou absolu. Au moment d'en sortir et alors que Sofia prenait la direction de la salle où devait avoir lieu le suivant, elle s'étonna de voir que je ne lui emboitais pas le pas. Elle s'enquit :

_ Qu'est-ce que tu fais ?

_ Je ne te suis pas.

_ Ça je vois. Mais pourquoi ? Je croyais que tu adorais la procédure pénale.

_ Je n'ai pas envie d'y aller aujourd'hui. Je préfère rentrer chez moi pour me reposer. Comme je te l'ai dit, je suis un peu fatiguée.

_ D'accord mais...

_ Je dois y aller, la coupai-je avant de m'éloigner avec empressement, la laissant un peu pantoise.

En vérité, la fatigue, bien que réelle, n'avait rien à voir avec ma soudaine décision de déserter les bancs de l'université. La vraie raison était que je n'avais vraiment aucune envie de voir Alex Mavri. Je préférais m'abstenir de mettre les pieds dans son amphithéâtre sous peine de perdre le contrôle de mes nerfs et de réitérer le numéro de haute volée dont je l'avais déjà gratifié pour mon histoire de mémoire. De toute façon, il était hors de question que je l'écoute faire sa leçon de droit après la manière dont il m'avait traitée. Ne pas venir à son cours me semblait être la moindre des protestations. Cela dit, je doutais qu'il remarque mon absence.

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