Chapitre 55 (Maelie)

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Évidemment, je n'avais pas une grande expérience des filatures. D'ailleurs, la discrétion n'était sûrement pas la plus grande de mes vertus. Il me fallait donc forcer ma nature pour éviter de me faire repérer.

Lorsqu'Alex Mavri avait fini de nous donner cours, je l'avais suivi à pied à travers les rues du centre-ville. C'était une chance qu'il n'ait pas pris sa voiture. Mais j'avais remarqué que ça n'était jamais le cas les mardis et c'était précisément pour ça que j'avais choisi ce jour-là pour lui emboîter le pas. Après dix bonnes minutes de marche, il m'avait menée à son insu jusque dans un bar où il avait vraisemblablement ses habitudes. Enfin, je supposais qu'il y avait ses habitudes à la manière très chaleureuse dont le gérant l'avait salué.

Il s'était assis à une table et avait bu un verre, les yeux rivés sur la seule télévision de l'établissement qui diffusait alors la fin d'un match de football. Il ne semblait pas vraiment passionné par ce qu'il voyait. En fait, il était plutôt perdu dans ses pensées, comme c'était souvent le cas. Était-ce à moi qu'il pensait ? J'aimais à croire à cette hypothèse mais rien n'était moins sûr. Peu importait au fond car, de toute façon, j'allais bientôt me rappeler à son bon souvenir.

Je demeurai encore un instant à l'observer depuis ma table située à quelques mètres seulement de la sienne. Puis, je me décidai à le rejoindre, armée d'une confiance inébranlable. Décidément, sa déclaration d'amour et ce baiser que nous avions échangé avaient eu le don de me décomplexer.

Lorsque je vins prendre place en face de lui, il accueillit mon arrivée avec des yeux écarquillés. Il était visiblement sidéré de me trouver là. Soit dit en passant, il était vrai que c'était assez inattendu.

Je restai silencieuse un bref instant au cours duquel il n'eut de cesse de fuir mon regard. On aurait dit qu'il cherchait une issue. De quoi avait-il peur ? Du fait qu'après quelques verres la tentation ne devienne trop grande ? Si tel était le cas, il faisait bien de s'inquiéter car j'avais justement l'intention de le tenter.

_ Vous me suivez ? finit-il par me demander.

_ Oh non, pas du tout. Je passais là par hasard et je vous ai aperçu alors je me suis dit que j'allais vous faire un petit coucou.

_ Le hasard, hein ? C'est le bouc émissaire idéal, dit-il sans être dupe.

En retour, je me contentai d'esquisser un sourire. Puis, j'ajoutai :

_ Vous attendez quelqu'un ?

_ Non, répondit-il spontanément avant de, semblait-il, le regretter comprenant sans doute qu'il venait de m'ouvrir une brèche dans laquelle je ne manquai d'ailleurs pas de m'engouffrer.

_ Dans ce cas, je peux vous tenir compagnie. Vous n'allez quand même pas rester tout seul à vider votre verre.

Il eut l'air de vouloir protester mais, évidemment, je ne lui en laissai pas le temps et m'empressai d'appeler un serveur pour me commander à boire. Impuissant, il ne put que me regarder faire.

Bien décidée à ne pas relâcher la pression sur lui, je poursuivis de plus belle, tout en fouillant dans mon sac :

_ Au fait, j'y pense. J'ai le plan du mémoire sur moi. Je peux peut-être vous le donner pour que vous jetiez un œil. Enfin, si vous êtes d'accord.

_ En fait, j'avais prévu de me détendre un peu ce soir alors je le ferai plus tard si vous voulez bien, me répondit-il.

_ Bien sûr, je comprends. Vous avez raison. De toute façon, moi aussi j'ai besoin de décompresser. Nous ferions donc mieux de profiter de la soirée.

_ C'est que je ne préfère pas que nous...

_ Je sais. Vous tenez à ce que nous conservions une certaine distance. Mais ça ne nous empêche pas de discuter un peu. Ça n'engage à rien et puis, comme nous sommes là tous les deux, on ne va pas s'ignorer. Ce serait idiot.

Il me dévisagea d'un air embarrassé tandis que je me félicitais de ma prestation. Je venais, tout en douceur, de le forcer à passer un moment en tête à tête avec moi hors de l'université. J'étais bien décidée à mettre à profit cette occasion pour tenter d'en apprendre davantage sur lui mais, surtout, pour mettre à mal sa résistance.

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