Chapitre 65 (Maelie)

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Ce matin, j'étais allée trop loin. Je n'avais pas à le questionner au sujet de ses cicatrices dont je devinais qu'elles étaient l'héritage d'un épisode difficile de sa vie. C'était totalement inconséquent de ma part. Aussi, je m'en voulais mais, surtout, je craignais que cette maladresse ne remette en cause notre relation.

Cas exceptionnel, je n'avais pas cours de la journée. Je l'avais donc passée à faire les cent pas dans mon studio, tuant le temps comme il se pouvait dans l'attente d'avoir des nouvelles d'Alex Mavri. J'étais effrayée à l'idée qu'il ne revienne pas. C'était peut-être une peur irrationnelle mais je ne pouvais pas m'empêcher de l'éprouver. Pour tâcher de me rassurer, il m'était arrivé plusieurs fois d'entrebâiller ma porte d'entrée pour guetter le couloir de l'étage. Ainsi, je voulais m'assurer de ne pas manquer son retour.

Fort heureusement, il était venu sonner chez moi immédiatement après avoir terminé sa journée de travail. En le découvrant sur mon palier, je n'avais pu contenir mon soulagement à tel point que j'avais carrément déboulé dans ses bras.

Il ne m'en voulait pas pour mon intrusion dans son passé. Au contraire, il avait même tenu à s'excuser d'être parti à la hâte ce matin. Je lui avais fait comprendre que je n'y accordais aucune importance et, plus encore, que je considérais que c'était déjà de l'histoire ancienne. Pourtant, à ma grande surprise, il avait insisté. Il avait visiblement besoin de vérité. Tant mieux, je détestais le mensonge.

Me parler des scarifications qu'il s'infligeait adolescent avait dû lui demander beaucoup de courage. C'était une belle preuve d'amour et une grande marque de confiance. J'entendais bien en être digne. Et sitôt qu'il avait terminé sa confession je m'étais empressée de l'étreindre pour lui signifier mon affection et ma compassion. Il s'en était suivi un long moment où nous étions restés unis l'un à l'autre, en silence, ne faisant plus qu'un, résolument et passionnément amoureux. Puis, nous nous étions embrassés pour finalement nous abandonner à la flamme de notre désir. Alors, il m'avait renversée sur le lit et nous avions fait l'amour avec la même fougue que la nuit dernière.

Une idylle naissante était toujours teintée d'incertitude. Celle que je partageais avec Alex Mavri l'était encore davantage. Il venait de se séparer d'une femme à laquelle il avait suffisamment tenu pour lui demander sa main, et il était mon professeur ce qui nous plaçait sans conteste dans la case des amours impossibles. De prime abord, il y avait donc de quoi être perplexe. Pourtant, je voulais y croire.

Seulement, pour y croire, j'avais besoin de savoir ce qu'il pensait. Était-il vraiment prêt à se projeter dans une relation avec moi ? Je devais m'en assurer sans quoi je risquais de m'exposer à des souffrances inutiles. Alors, tandis que j'étais lovée contre lui sous les draps, je l'interrogeai, non sans une certaine inquiétude :

_ Comment envisages-tu la suite ?

Il ne répondit pas immédiatement et son silence me fit l'effet d'un coup de massue car je l'interprétais comme un désaveu de sa part. J'en étais sûre, il allait de nouveau reculer pour me dire que nous avions commis une erreur en nous rapprochant comme nous l'avions fait, et que ça ne devait plus se reproduire à l'avenir. Je le voyais déjà se lever, récupérer ses affaires et quitter mon appartement dans la précipitation après m'avoir servi la douloureuse. Aussi, au moment où il s'apprêta enfin à parler, je me sentais particulièrement fébrile de connaître sa réponse.

_ La suite ?

Il faisait mine de ne pas comprendre. C'était pire encore que s'il n'avait rien dit du tout. Je songeais que l'affaire était décidément mal embarquée et je m'attendais, plus que jamais, à connaître une nouvelle déception. Tâchant tant bien que mal de faire fi des doutes qui m'envahissaient, je reformulai :

_ Je te parle de nous. Comment vois-tu notre relation ?

Cette fois, j'avais été suffisamment claire pour qu'il ne puisse plus feindre l'incompréhension et il se retrouva contraint de me dire les choses sans faux-semblants.

_ Franchement ?

_ Oui, s'il te plaît.

Il se redressa, tourna la tête vers moi et plongea ses yeux dans les miens. Enfin, il me dit d'une voix posée et évidente de sincérité :

_ Maelie, je t'aime. Comme jamais je n'ai aimé. Comme jamais je ne pensais pouvoir aimer. Je t'aime si fort que je n'arrive plus à imaginer ma vie sans toi. Je te veux à mes côtés. Je veux, chaque jour, me lever avec le bonheur de pouvoir me dire que je verrai ton visage, que j'embrasserai tes lèvres et que je désirerai ton corps. Ton amour est ce que j'ai de plus précieux et ce que je m'interdis de perdre. Un temps, j'ai pu te paraître hésitant voire même réticent. En fait, j'étais juste effrayé de ce que je ressentais pour toi. C'était tellement inédit, tellement puissant, tellement soudain. Et puis, il y a eu cette nuit avec toi. La plus belle de toutes. Désormais, je n'ai plus peur. Je ne doute pas. Je sais intimement ce que je souhaite. Je te veux toi, Maelie. Et j'entends me donner les moyens de faire vivre notre amour. 

J'étais bercée d'une douce euphorie. Alex Mavri voulait, comme moi, que nous nous aimions. C'était merveilleux. Il avait ouvert la porte à un avenir commun. Je ne pouvais pas être plus heureuse. Et même les conditions qu'il ajouta ensuite n'y changèrent rien, d'autant qu'elles me semblaient tout à fait logiques et bienvenues : 

_ J'aimerais vraiment pouvoir crier sur les toits que je t'aime. Mais ce ne serait pas raisonnable. Je crois que nous avons tout intérêt à nous aimer secrètement. Du moins dans un premier temps. Ensuite, nous aviserons. Tu veux bien ?

_ D'accord, répondis-je simplement et sans émettre aucune réserve quant à sa demande de discrétion car je savais bien que faire autrement était pour l'instant inenvisageable.

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