Chapitre 15 (Maelie)

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Pour le coup, je m'étais surprise moi-même. Je n'aurais jamais pensé pouvoir faire preuve d'une telle assurance. Surtout devant Alex Mavri qui n'avait rien d'un homme à qui l'on avait envie de se frotter. Enfin, pour être tout à fait honnête, j'aimerais bien me frotter à lui mais dans un tout autre contexte. Enfin bref.

Tout s'était passé comme je l'avais imaginé et mon plan avait parfaitement fonctionné. Au moment choisi, je m'étais mise à parler ostensiblement à Sofia de sorte à bien me faire remarquer. Mon amie n'avait pas vraiment compris pourquoi je me mettais soudain à lui conter mon amour pour les tapas au beau millieu du cours.

Alex Mavri n'avait pas mis longtemps à réagir. Rien de surprenant. Il avait été si insistant sur le fait qu'il voulait pouvoir s'exprimer dans un silence de cathédrale durant ses cours que je ne pouvais pas douter qu'il ne laisserait pas passer mon comportement. Le plus aléatoire restait encore de savoir ce qu'il allait faire ensuite. Il avait finalement choisi de me tester. Ça aussi, je l'avais supposé mais sans avoir aucune certitude. J'étais bien consciente d'avoir pris un risque et l'essentiel restait que ma stratégie avait été gagnante.

Comme je le souhaitais, il m'avait interrogée sur le cours. Plus exactement sur la purge des nullités de procédure. Un sujet si complexe qu'il avait dû pousser bien des étudiants à s'arracher littéralement les cheveux. Je n'avais d'ailleurs pas échappé à la règle. Je m'en étais vraiment vue pour comprendre tout ce charabia et j'avais été contrainte de potasser la question jusqu'à pas d'heure hier soir. Mais ça en valait la peine car, aujourd'hui, j'avais été en mesure d'en faire un exposé qui avait eu de quoi laisser mon beau spécialiste du droit pénal pantois. L'espace d'un instant, j'avais même cru déceler un soupçon d'admiration dans ses yeux. Alors je m'étais sentie pousser des ailes. J'avais poursuivi dans l'euphorie de ma lancée pour enfin en venir à l'essentiel : le mémoire ou plutôt son refus de diriger mon mémoire.

Et là encore, sans fausse modestie, je trouvais que je m'en étais rudement bien sortie et je m'enthousiasmais d'avoir su mettre le redoutable Alex Mavri ainsi face à ses contradictions. Sous le feu nourri de mes attaques répétées, il avait cessé de nier l'évidence et, finalement, il avait été forcé de s'incliner devant ma superbe.

Évidemment, il n'avait pas manqué de me convoquer à la fin de son cours et je me doutais bien que ce n'était pas pour me féliciter mais plutôt pour me sermonner vigoureusement. Je m'y étais préparée. Je voyais ça comme la rançon de la gloire en quelque sorte. Pourtant, au moment de me présenter face à lui, je n'en menais pas large.

Il me fixait d'un regard orageux tandis que je me tenais, silencieuse, devant lui, attendant qu'il me foudroie de reproches. Il ne se fit pas prier et il tonna :

_ Ne vous avisez plus jamais de me manquer de respect comme vous venez de le faire.

Il avait dit ça d'un ton autoritaire qui me faisait le trouver terrifiant mais aussi terriblement sexy. A cet instant, je pouvais ressentir toute cette fougue contenue qu'il avait en lui, cet instinct presque sauvage qu'il cachait derrière un flot de manières mais qui ne demandait qu'à déferler avec force et rage sur quiconque osait lui résister, cette agressivité qu'il avait apprise à contrôler mais qui, toujours, menaçait de jaillir. Alors sa beauté m'apparut différente : brute, authentique, animale et plus belle encore.

_ Je ne le ferai plus monsieur, lui promis-je d'une voix beaucoup moins assurée qu'elle avait pu l'être quelques minutes auparavant quand je me fendais encore d'envolées lyriques au beau milieu de l'amphithéâtre.

Il ne dit rien pendant plusieurs secondes qui me parurent être des heures, se contentant de me fixer avec insistance. Incapable de soutenir son regard, je baissai la tête, redoutant de savoir quelle serait sa sentence. Bientôt, il trancha enfin mon sort et ce d'une manière étonnante. Il ne prononça pas de sanction. Au contraire, il me récompensa :

_ C'est d'accord pour le mémoire.

Je crus d'abord avoir mal compris alors je lui demandai de répéter :

_ Pardon ? Qu'est-ce-que vous avez dit ?

_ J'ai dit que j'acceptais d'être votre directeur de mémoire. Après tout, vous avez bien mérité de traiter du sujet de la dépendance du ministère public avec toute l'énergie que vous venez de dépenser pour ce faire.

Voyant au sourire qui venait soudain éclairer mon visage que l'emballement me gagnait, il s'empressa de tempérer les choses :

_Mais attention. Je suis très exigeant et j'attends de vous le meilleur.

_ Je serai à la hauteur, lui assurai-je. Merci beaucoup.

Il se contenta d'un hochement de tête et quitta immédiatement après l'amphithéâtre sans un mot ni un geste de plus à mon attention. Une fois seule, je pus enfin laisser éclater ma joie d'avoir obtenu ce que je voulais tant à savoir un mémoire en droit pénal mais surtout un mémoire sous la direction d'Alex Mavri car c'était bien lui qui, au fond, m'intéressait le plus.

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