Chapitre 50 (Alex)

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Il m'avait fallu des heures pour me remettre de mes émotions et d'autres encore pour que je réalise vraiment ce qui venait de se passer. D'ailleurs, je croyais que je n'avais toujours pas très bien réalisé.

Quand Maelie m'avait embrassé, j'avais compris ce qu'était l'amour. Le vrai. Pas celui que je m'étais inventé pour apaiser mes peurs et combattre ma solitude. Non, celui qui vient du coeur, celui qui prend aux tripes, celui qui donne un sentiment d'allégresse comme rien d'autre ne pourrait le faire. Cet amour-là, dont l'existence m'était jusqu'alors insoupçonnée, était sans doute l'une des plus belles choses que la vie ait à offrir. Et je n'oublierai jamais ce premier baiser échangé avec Maelie qui m'avait permis, pendant quelques secondes au moins, de me sentir pleinement heureux et de garder loin de moi cette noirceur qui, d'ordinaire, ne me quittait jamais.

Après cette extraordinaire surprise et la nuit douce qui avait suivie, le lendemain matin avait sonné l'heure de m'arracher à cette parenthèse enchantée et de retourner à la réalité. La réalité et ses doutes innombrables qui, au fond, découlaient tous d'une seule et même question. Et maintenant ? Car s'il m'avait été confortable de ne pas penser aux conséquences jusque-là, il était désormais temps de le faire.

Ma déclaration d'amour ne devait rien au hasard. Elle était l'expression de ce que je voulais vraiment. Je me mentais à moi-même depuis trop longtemps pour que je n'ose rien changer. Je devais avoir le courage d'écouter mon coeur. La journée qui s'ouvrait allait déjà mettre à l'épreuve cette résolution.

Comme une ironie du calendrier, il était prévu de longue date que je passe le week-end à Paris avec Élodie pour avancer sur les préparatifs de notre mariage (dont je ne voulais plus). Bien sûr, j'aurais sans doute pu trouver un prétexte pour me défiler. Mais je n'en avais pas l'intention. J'étais bien décidé à prendre mes responsabilités. Ne serait-ce que par souci d'honnêteté envers Élodie. Il y avait longtemps, je m'étais promis de devenir un homme honorable. J'avais essayé depuis de ne jamais faillir à cette promesse et je ne commencerai pas aujourd'hui.

Évidemment, j'imaginais bien qu'annoncer à Élodie que je ne comptais plus l'épouser serait difficile mais je ne me doutais pas à quel point.

Elle avait d'abord salué mon arrivée d'un grand sourire, se pressant dans mes bras pour ne plus me lâcher pendant de longues minutes. Puis, elle avait commencé, presque immédiatement, à aborder le sujet de mariage. Elle disait déborder d'idées que ce soit pour le lieu de la cérémonie, son déroulement ou les mets à servir aux convives. Elle faisait preuve d'un tel emballement. Il ne fallait surtout pas que je joue le jeu. Le plus tôt serait le mieux pour lui faire part de ma décision. Je savais qu'elle en souffrirait. Qu'elle serait plongée dans une terrible incompréhension. Qu'elle se sentirait sûrement trahie mais surtout totalement abattue. Aussi, attendre ne ferait qu'attiser encore davantage son chagrin.

Je m'armai de tout mon courage et, sans perdre un instant, je m'approchai d'elle. J'attrapai ses mains, les plaçai dans les miennes et, d'une voix posée, je lui confiai :

_ Élodie, il faut que je te dise quelque chose. Ce n'est pas très facile...

_ Ah oui moi aussi ! me coupa-t-elle, débordante d'enthousiasme.

Sans même me laisser dire un mot, elle poursuivit de plus belle :

_ Figure-toi que mes parents connaissent un excellent joaillier qui peut nous fabriquer des alliances sur mesure.

Je tentai de nouveau de la couper. Mais il n'y avait rien à faire. Elle était inarrêtable.

_ Je sais ce que tu vas me répondre. Élodie, tout ça va coûter une véritable fortune. Certes. Mais on ne se marie qu'une fois alors autant mettre le paquet !

En l'occurrence, on ne se mariait plus. Il devenait urgent que je l'en informe.

Je lui lançai, forçant la voix pour qu'enfin elle daigne m'entendre :

_ Élodie, rien ne va plus.

_ Comment ça ? dit-elle, s'étonnant sûrement de ces quelques mots pour le moins alarmistes.

_ Entre nous, je veux dire.

Elle crut d'abord avoir mal compris alors elle me relança :

_ Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

Je ne devais surtout pas me perdre dans des détours inutiles. Mieux valait aller à l'essentiel. Être à la fois clair, bref et ferme. Ainsi, j'écourterai peut-être le mélodrame.

_ Je ne t'aime plus, voilà.

Aussitôt que j'avais fini de prononcer cette phrase, j'avais su que j'avais poussé le bouchon de la brièveté un peu loin. Quant à Élodie, elle avait été horrifiée de mon aveu qu'elle avait, sans surprise, très mal pris. Ce qui était plus surprenant en revanche, c'était la nature de sa réaction. Point de tristesse. Mais une colère sourde et absolument dévastatrice qui eut le don de me terrifier.

Elle m'avait d'abord dépeint des pires qualificatifs qu'elle avait trouvés. Elle m'avait ensuite giflé, plusieurs fois, et je l'avais laissé faire, songeant que c'était un mal nécessaire pour qu'elle trouve enfin le chemin de l'apaisement. Avant de me mettre à la porte de chez elle sans ménagement, elle m'avait même menacé. Sur le moment, je n'y avais pas prêté plus d'importance que cela car ça ne semblait rien par rapport au flot d'insultes qu'elle venait de proférer à mon encontre. J'aurais pourtant dû. Mais, ça, je ne le comprendrai que plus tard.

_ Je te préviens. Si je me rends compte que c'est à cause de cette gamine que tu me quittes je vais te le faire payer !

« Cette gamine » comme elle disait, c'était Maelie. Elle n'avait pas manqué de faire référence à elle à plusieurs reprises. Elle avait besoin d'une coupable et c'était elle qu'elle avait choisi pour tenir ce rôle. Je n'avais pas manqué de la contredire car je ne voulais surtout pas mêler Maelie à tout ça. C'était absurde car, au fond, Élodie avait raison. C'était bel et bien elle qui était à l'origine de tout ce chamboulement dans ma vie. Je m'étais épris d'elle et il s'en était suffi de quelques jours pour que je renonce à ce qui pourtant me paraissait jusqu'alors comme étant le plus important dans ma vie ; mon mariage. Comme quoi, l'amour avait ses raisons que la raison ignorait.

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