Chapitre 12 (Maelie)

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Le mémoire. La goutte d'eau qui risquait bien de faire déborder un vase déjà plein. Quand le responsable de notre formation nous avait appris la formidable nouvelle, les réactions avaient été variées. Il y avait les étudiants qui avaient éclaté de rire pensant à une blague de mauvais goût, ceux qui avaient frôlé l'attaque de panique, ceux qui s'étaient aussitôt munis d'une feuille pour rédiger leur lettre de démission, et ceux, enfin, qui avaient jeté des regards déterminés en direction de la sortie de secours de la salle espérant encore naïvement pouvoir échapper à l'inéluctable. Une chose était certaine. Cette surprise pas vraiment la bienvenue n'avait laissé personne indemne.

Mais nous n'avions pas le temps de nous appesantir sur notre sort. Il nous fallait, chacun, trouver au plus vite un sujet de mémoire et surtout un professeur qui soit d'accord pour diriger nos travaux. Et le principe en la matière était presque enfantin : premier à demander, premier servi.

Alors sitôt de retour chez moi après les cours, je me penchai sur la question. Je téléchargeai une liste de sujets que nos enseignants avaient proposés et je commençai à l'étudier d'un oeil attentif. Il y en avait pour tous les goûts : droit des contrats, droit de la famille, droits fondamentaux, histoire du droit... Il y en avait même un sur la représentation de la justice dans la littérature. Férue de livres depuis toute petite, j'hésitai d'ailleurs à le choisir, songeant qu'il y avait sûrement plus désagréable à étudier que les œuvres des grands noms du thriller juridique tels que John Grisham ou encore Scott Turow.

Je parcourus encore davantage le document et là je tombai sur un sujet qui sonna pour moi comme une évidence : « La dépendance du ministère public ». De quoi parfaire mes connaissances du métier de Procureur de la République que je me rêvais d'exercer depuis que j'avais commencé à étudier le droit. Bien sûr, je savais que ça ne serait pas simple de faire de ce rêve une réalité car il fallait pour ce faire triompher d'un concours que d'aucuns présentaient ni plus ni moins que comme étant le plus sélectif de France. Ça ne me faisait pas peur pour autant. Sans aller jusqu'à prétendre que j'étais un génie, je savais bien que j'étais loin d'être une idiote et, surtout, j'étais un bourreau de travail. Alors j'aimais à penser que, si je m'en donnais vraiment les moyens, je pouvais croire en mes chances de réussite.

Ravie d'avoir trouvé mémoire à mon clavier, je me dépêchai de rédiger un mail dans lequel je prenais soin de mettre les formes et de bien détailler les raisons qui motivaient mon choix, pensant qu'ainsi je m'assurais une réponse favorable. Pourtant, au moment de terminer mon message, je m'arrêtai net. Je venais seulement de remarquer le nom de l'enseignant qui avait proposé le sujet en question. Il apparaissait en de si petits caractères sur le document qu'il fallait presque une loupe pour le voir. Il s'agissait de celui d'Alex Mavri.

Je m'en trouvai prise au dépourvu. Pourtant, il n'y avait vraiment pas de quoi être surprise car le sujet sur lequel j'avais jeté mon dévolu portait sur le droit pénal et il n'y avait pas trente-six professeurs qui enseignaient cette spécialité à l'université. En fait, il n'y en avait qu'un.

Assise immobile devant mon ordinateur, je demeurai un long moment le doigt suspendu au dessus de la touche « entrée » de mon clavier, me torturant l'esprit pour savoir si je devais appuyer ou non dessus. Devais-je envoyer ce mail ou me rabattre sur la représentation de la justice dans la littérature ? Devais-je choisir Alex Mavri ou préférer Grisham et consorts ? J'avais beau être une fervente lectrice de romans noirs, mon coeur me criait de choisir Alex Mavri. Il fallait croire qu'il était ma nouvelle passion, une passion plus forte encore que celle que je vouais depuis toujours aux polars. Quant à ma raison, elle se rangeait évidemment du côté de Grisham car elle était bien trop sage pour qu'il en soit autrement.

J'essayai de prendre un peu de recul. Un mémoire sur la dépendance du ministère public serait facilement valorisable sur mon CV et riche en enseignements eu égard à la carrière à laquelle je me destinais. Alex Mavri était, pour l'impression qu'il m'avait laissée lors de son premier cours (que je n'avais pas véritablement écouté car j'étais trop occupée à le dévorer des yeux), un bon professeur qui pourrait m'apprendre beaucoup. Et, de toute façon, son parcours était bien assez impressionnant pour qu'il me soit interdit de douter de sa compétence.

En bref, il n'y avait de prime abord que des avantages à l'envoi de ce mail. Alors pourquoi hésitais-je tant ? C'était à cause d'Alex Mavri, oui. Mais ce n'était pas l'enseignant que je redoutais, c'était l'homme qu'il était qui me faisait peur. Ou plus exactement l'effet que cet homme me faisait et le désir qu'il m'inspirait. Je n'avais jamais ressenti une attirance aussi forte pour qui que ce soit d'autre avant lui.

Je m'arrachai soudain à ces pérégrinations de mon esprit et tâchai de me raisonner. Pourquoi donc me prenais-je autant la tête ? Ce n'était qu'un mémoire, rien d'autre. Tout au plus, j'aurais à rencontrer mon professeur une ou deux fois dans son bureau et ça s'arrêterait là. Il n'y avait vraiment pas de quoi en faire une montagne.

Alors je pris mon courage à deux mains et je pressai avec conviction la touche « entrée » de mon clavier.

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