J'avais finalement cédé et je m'étais résolu à accéder à sa demande de direction de son mémoire. Ma réaction aurait sans doute été bien différente si n'importe quel autre étudiant s'était payé le culot de me tenir tête. En temps normal, j'aurais fait regretter au pauvre malheureux comme il se devait son élan d'impétuosité en lui criant si fort et si violemment dessus qu'il en serait devenu sourd, et en lui infligeant une telle humiliation devant ses camarades qu'il aurait pris ses jambes à son cou pour aller se réfugier sous les jupons de sa mère. J'étais largement capable de ce genre de cruauté.
En fait, j'étais convaincu d'être un homme cruel sous certains aspects. D'ailleurs, j'en avais fait plus d'une fois la démonstration avec ceux qui avaient fait l'erreur de m'affronter. Pour la plupart, ils avaient gardé un souvenir amère de la bataille qu'ils avaient menée contre moi. Le premier d'entre eux, plus obstiné mais surtout plus dangereux que tous les autres qui avaient suivi, ne s'en était même jamais relevé.
Malgré tout ça et un peu contre-nature, je m'étais montré étonnement conciliant avec Maelie Aurano. Trop peut-être. A croire qu'elle avait le don de m'adoucir et de garder loin de moi cette part d'ombre qui parfois venait me consumer et me faisait m'emporter. Elle semblait exercer sur moi un pouvoir dont je ne connaissais pour l'heure ni la nature exacte ni l'étendue mais dont je devinais déjà qu'il avait potentiellement de quoi bouleverser ma vie. Quant au fait de savoir si c'était une bonne chose ou non, il était sans doute trop tôt pour le dire.
Quoi qu'il en soit, cette petite passe d'armes à laquelle nous nous étions livrés, Maelie et moi, en plus de me divertir, m'avait permis de découvrir une nouvelle facette de sa personnalité. Elle était une fille de caractère ce qui tombait assez mal car j'avais depuis toujours un (gros) faible pour les filles possédant cette qualité que je jugeais rare et au combien précieuse. Ça n'allait donc pas arranger mes affaires et c'était un fardeau de plus à porter dans ma lutte pour ne pas me laisser happer par ce désir interdit que j'éprouvais pour elle et qui me préoccupait tant.
Ces temps-ci, il m'arrivait souvent de méditer. Je me replongeais dans mon passé tourmenté et me félicitais du chemin déjà parcouru. Alors je songeais que j'avais la chance d'avoir accompli dans ma vie certaines choses que beaucoup de gens m'envieraient sûrement. J'avais un travail que j'aimais (même si je préférerais l'exercer dans un cadre un peu plus prestigieux), suffisamment d'argent pour vivre sans être dans le besoin. Et, surtout, une jeune femme formidable venait de me faire l'immense honneur d'accepter ma demande en mariage. Je ne m'en sortais pas si mal quand on savait d'où je partais.
Fort de ce constat, je ne devais sous aucun prétexte faire quoi que ce soit qui puisse faire vaciller cet équilibre parfait mais fragile que j'avais mis des années à construire, sans quoi je risquais de me retrouver précipité dans un enfer que j'avais jadis connu et que j'avais eu toutes les peines du monde à quitter. Un enfer qui était fait de larmes, de coups, de sang, d'effroi et de solitude. Y retourner était pour moi la pire crainte qui soit. Alors quand mes fantasmes menaçaient de prendre le pas sur ma raison et de me pousser à la faute, je pensais à tout ce que j'avais à perdre à les écouter et aussitôt je recouvrais les idées claires.
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Love and Justice
RomanceQue seriez-vous prêt à sacrifier par amour ? Votre travail ? Votre ambition ? Votre honneur ? Vos fiançailles ? Votre famille ? Et a-t-on le droit d'aimer n'importe qui ? Jusqu'où Alex Mavri, jeune professeur en droit privé et spécialiste du droit...