_ Je n'en reviens pas. Tu n'as même pas dit un mot en ma faveur quand cette folle furieuse s'en est prise à moi, s'indigna Élodie qui semblait résolue à chercher la petite bête.
Je n'aimais pas sa manière d'inverser les rôles et ma patience se trouvait déjà bien entamée. Pourtant, je fis en sorte de rester relativement calme au moment de lui répondre et m'efforçai de la faire revenir à la raison si tant est que ce soit possible :
_ Tu l'as tout de même un peu cherchée, tu ne crois pas ?
_ Je peux savoir ce que tu insinues ? dit-elle à brûle-pourpoint.
_ Je n'insinue rien. Je pense simplement que tu ne t'es pas montrée très aimable avec elle alors ce n'est pas si surprenant qu'elle ait contre-attaqué.
Puis j'ajoutai :
_ Elle a du caractère, tu sais.
_ Non, je ne sais pas. Mais tu vas me raconter puisque tu la connais si bien.
Il eut sans doute été préférable que je m'abstienne de cette dernière réflexion assez inopportune car elle ne faisait qu'alimenter les soupçons d'Elodie. J'avais commis une maladresse qui ne changeait pas grand-chose à la situation car, de toute façon, quoi que je dise ça n'allait pas. Elle tournait en boucle sur Maelie et moi comme un vieux disque rayé, toujours aussi convaincue qu'il y avait quelque chose entre nous.
_ Élodie, combien de fois vais-je devoir te le répéter ? J'ai simplement voulu lui rendre service, me défendis-je encore.
Je me sentais à présent sur le point de succomber à cet agacement qui, doucement mais sûrement, me gagnait et menaçait de m'envahir.
_ Lui rendre service en lui prêtant ta douche. Ce n'est pas banal dis-moi.
_ Il est vrai que ça peut paraître un peu étrange mais je t'assure que ce n'est que la pure vérité.
_ Je suis navrée mais je ne te crois toujours pas, réplica-t-elle d'un air horriblement déterminé et en croisant ostensiblement les bras pour bien me signifier que sa position n'avait pas bougé d'un iota.
C'en devenait désespérant. Elle faisait preuve d'une jalousie maladive et d'un entêtement insupportable. Je ne l'avais encore jamais vue comme ça. Elle était tout bonnement exaspérante.
Il me fallait trouver au plus vite un moyen de faire cesser sa paranoïa sans quoi la soirée allait se transformer en véritable calvaire si ce n'était pas déjà fait. Mais quoi ? Je me creusai la tête un bref instant et fondai finalement ma stratégie de défense sur un raisonnement simple bâti autour de la question suivante : pourquoi Élodie me faisait-elle une scène pareille ? La réponse me parut tomber sous le sens. Elle était inquiète. Elle craignait pour notre couple et elle se sentait menacée par Maelie qu'elle voyait comme une concurrente susceptible de me détourner d'elle. Je ne savais pas si je devais y voir la démonstration des pouvoirs de l'intuition féminine mais le fait était qu'elle n'avait pas complètement tort en imaginant que mon adorable voisine puisse constituer une menace. A vrai dire, je pensais précisément la même chose et c'était d'ailleurs pour ça que je dépensais autant d'énergie à combattre mon penchant pour elle. Mais je me gardai bien de lui en faire la confidence et je m'attelai à lui dire ce qu'elle avait besoin d'entendre pour être rassurée quand bien même je devais pour cela me rendre de nouveau coupable de mensonge. Je me lançai donc dans un monologue volontairement truffé de contre-vérités :
_ Maelie ne représente absolument rien pour moi. Si tu veux tout savoir, elle ne m'inspire guère autre chose qu'une totale indifférence. Simplement, quand je l'ai vue aux prises avec ce bailleur au code moral bien à lui, je me suis pris de pitié pour elle et j'ai décidé de l'aider. Lui prêter ma salle de bain parce-que la sienne, en travaux, était inutilisable partait de cette seule intention. Je te le jure sur ce que j'ai de plus précieux. Je te le promets sur notre mariage. Tu es la seule qui compte à mes yeux. Je ne pense qu'à toi, je n'aime que toi et je te veux à mes côtés pour le restant de mes jours et ce jusqu'à ce que la mort nous sépare pour reprendre l'expression consacrée.
J'avais mis toute ma force de conviction à l'ouvrage et, visiblement, j'avais fait mouche. Aussitôt que j'eus terminé de parler, je vis en effet le visage d'Elodie se déraidir enfin. Elle venait de troquer la colère qui la dévorait jusqu'alors contre un profond sentiment de soulagement.
J'avais su trouver les mots justes et c'était bien là l'essentiel. Qu'importe s'ils sonnaient faux.
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Love and Justice
RomanceQue seriez-vous prêt à sacrifier par amour ? Votre travail ? Votre ambition ? Votre honneur ? Vos fiançailles ? Votre famille ? Et a-t-on le droit d'aimer n'importe qui ? Jusqu'où Alex Mavri, jeune professeur en droit privé et spécialiste du droit...