Chapitre 1 (Alex)

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Huit ans d'études acharnées pour ça. Je devais bien reconnaître que je m'en trouvais un peu désabusé. Mon doctorat en poche, j'étais devenu depuis peu enseignant-chercheur. Ce graal pour lequel j'avais gâché tant de nuits à réviser, pour lequel j'avais sacrifié des amitiés et parfois même des amours, pour lequel j'avais dû ingurgiter des milliers de pages de cours.

Tout ça pour me retrouver là. Dans ce coin perdu au milieu des montagnes. Loin des miens. Logé dans un studio à peine plus vaste que celui que j'occupais déjà pendant mes études, faute de pouvoir m'offrir mieux avec mon salaire de fonctionnaire, et que je louais à deux pas d'une université qui devait bien avoir deux fois mon âge.

Quand je m'étais plaint de mon affectation, c'est à dire presque immédiatement après l'avoir reçue, on m'avait répondu dans un sourire détestable que je devais faire mes preuves. Qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre ? Depuis des années, je ne faisais que ça faire mes preuves. J'avais sauté deux classes, fini sur le podium de ma promotion chaque année, passé et réussi des examens à n'en plus finir avec un brio qui avait poussé plusieurs de mes enseignants à me tresser des lauriers, et aussi écrasé la concurrence au concours de l'agrégation réputé l'un des plus durs en France... Alors non, décidément, je ne voyais pas comment je pourrais faire devantage mes preuves que je ne l'avais déjà fait.

Mais bon. Je devais prendre sur moi. C'était l'histoire d'une année ou deux, le temps de me faire la main m'avait-on encore dit en guise d'inacceptable justification. J'étais docteur en droit et pourtant l'on essayait encore de se payer ma tête. C'en était rageant.

Quoi qu'il en soit, j'étais loin du rêve que je me faisais de la profession lorsque j'étais encore étudiant. Si j'avais su qu'il me faudrait en passer par là, je me serais arrêté en Master et je serais allé travailler dans le privé où l'on m'aurait sûrement gratifié d'une rémunération bien supérieure et plus en adéquation avec l'excellence de mon parcours. C'était d'ailleurs ce qu'avaient fait bon nombre de mes amis et aujourd'hui plusieurs d'entre eux pouvaient se targuer d'avoir un poste à responsabilité dans un gros cabinet juridique parisien avec tous les avantages que cela procurait.

Sans doute m'étais-je fait des idées en voyant les professeurs de la Sorbonne érigés à un rang presque iconique, invités sur les plateaux télé, déjeunant avec les grands de ce monde et multi-récompensés par leurs pairs. De toute évidence, pour accéder à la même gloire et à la même reconnaissance, il me faudrait attendre encore un peu. Et, pour l'heure, il me faudrait surtout me faire à cet endroit qui ne m'inspirait vraiment rien qui vaille.

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